jeudi 16 octobre 2008

Atelier de traduction collective, "Miki Cara de Jeva", Leonardo Padura

Voici le texte sur lequel nous avons travaillé à la fin de la dernière séance et au début de la séance d'aujourd'hui (16 octobre) au cours de l'atelier de traduction collective. Il s'agit d'un extrait de Pasado perfecto (1989) de l'auteur cubain Leonardo Padura.
La consigne du jour était de se faire plaisir (on appréciera notamment le référent culinaire, travaillé à l'envi par nos apprenties, qui nous a effectivement semblé fort à propos pour notre traduction… À ce sujet, nous remercions Colette pour une expression, savoureuse autant que célèbre, et que nous lui empruntons ici sans vergogne), quitte à franchir la dangereuse frontière de la reprise en main excessive du support. Nous serons plus sages la prochaine fois. Disons qu'il fallait se libérer de certaines entraves, ou franchir certaines barrières… de celles qui immobilisent le traducteur au moment de la conquête d'une certaine autonomie.


Miki Cara de Jeva

Claro que juventud hay una sola, pensó, porque era evidente. Una voz perezosa y caliente, y unos ojos azules de cielo sin nubes, eran lo único visible que recordaba los atributos del mítico Miki Cara de Jeva, el muchacho que impuso récord de novias para un curso en el Pre de La Víbora : veintiocho, todas con besuqueos y algunas con lances mayores. Ahora le faltaba pelo para intentar el oleaje rizado del afro y le sobraba todavía para declararse en quiebra y asumir el destino de calvo resignado. La barba era una explosión de canas tiesas y rojizas, como debió de detenerlas el último vikingo de cualquier cómic, y la cara linda de antes tenía el aspecto de galleta mal amasada : irregular, agrietada, con valles y montañas de gordura mal repartida y vejez apresurada. Se reía y mostraba la tristeza hepática de sus dientes, y si reía mucho sus pulmones de fumador sin tregua le regalaban dos minutos de tos. Mike era una denuncia, se dijo el Conde : testificaba con su imagen que pronto tendrían cuarenta años, que ya no eran pepillos ni incansables ni dotados para estar empezando todos los días, y que había muchas razones para el cansancio y la nostalgia.


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Miki Gueule d’Amour

Ouais, d’accord, on n’a qu’une jeunesse, pensa-t-il, tout simplement parce que c’était évident. Une voix paresseuse et chaude, des yeux d’un bleu de ciel sans nuages, c’était les seuls éléments tangibles rappelant encore les attributs du mythique Miki Gueule d’Amour, le mec qui avait établi le record de cailles chassées en une année scolaire au bahut de la Víbora : Vingt-huit! Toutes avec soupe de langues et certaines avec passage à la casserole ! Aujourd’hui, il n’avait plus assez de cheveux pour oser la choucroute de son ancienne coiffure afro, mais il en avait encore trop pour se déclarer en faillite et assumer son destin de chauve résigné. Sa barbe était un feu d’artifice de poils drus, blancs et roux, comme n’importe quel viking de n’importe quelle BD, et le beau visage d’autrefois présentait désormais l’aspect d’un biscuit mal pétri : irrégulier, crevassé, avec des vallées et des montagnes de graisse mal répartie et de vieillesse prématurée. Quand il riait, il découvrait la tristesse hépatique de ses chicots, et s’il riait fort, ses poumons de fumeur invétéré le gratifiaient de deux bonnes minutes de toux. Miki était une accusation vivante, songea Conde : son image témoignait de ce qu’ils auraient bientôt quarante ans, qu’ils n’était plus des jeunots, ni avec l’énergie ni avec le ressort pour remettre ça tous les matins, et que des raisons d’être fatigués et nostalgiques, ben il y en avait des tas.

3 commentaires:

Unknown a dit…

Dernière phrase: le premier "ni" cloche, et se verrait avec profit remplacé par "sans"...

Tradabordo a dit…

Oui, nous avons beaucoup hésité sur le "ni" "ni"… et puis il nous a semblé que cela rendait bien d'une part l'insistance, d'autre part que cela créait un rythme (volontairement pesant) et enfin, c'est lié au reste, que cela traduisait bien la "nostalgie" propre au texte et à l'univers de Padura en général. Un peu de lourdeur n'est pas toujours nuisible pour "embrasser et transmettre le sens", si je peux me permettre cette expression un peu pompeuse. Cela dit, nous en reparlerons avec les apprentis traducteurs lors du prochain atelier.

Tradabordo a dit…

D'accord, d'accord… après vérification dans un livre de grammaire, je m'incline : c'est une faute de français, un point c'est tout. Nous remplacerons par conséquent les "ni" "ni" par "sans" "ni". Merci à A !