samedi 15 novembre 2008

Jacqueline nous présente le texte de sa traduction longue

Pourquoi « El sexto » ?

C’est une histoire d’amour. Entre ce livre et moi. Elle remonte à deux ans, lorsque j’ai préparé mon M2 Recherche : nous avions eu quelques cours pour éclairer cette œuvre au programme d’une des options civilisation. De José María Arguedas, je ne connaissais alors comme beaucoup d’entre nous que les Ríos profundos que nous avions eu à étudier pour les concours de l’année de référence. L’approche de la langue quechua m’a donné l’envie de lire Yawar fiesta du même auteur et j’en suis restée là. Et puis le choc. Si l’on ne présente plus Arguedas, il est permis de dire quelques mots de cet ouvrage El Sexto qui, s’il est, dit-on, celui d’Arguedas le plus lu au Pérou, n’est pas encore traduit et c’est pour moi une chance.
El Sexto, c’est une œuvre de fiction à caractère biographique : le récit détaillé de la vie dans la prison de Lima renvoie à la propre incarcération de l’auteur dans cet endroit sinistre pendant huit mois dans les années 37-38, alors qu’il était à l’université de San Marcos. Écrit en 1957, même si dit Arguedas, « decidí escribirla en 1939 », El Sexto, est un roman boudé par la critique mais un vrai succès populaire publié pour la première fois en 1961 et qui a connu plusieurs rééditions.
Ce roman donne à connaître la poésie et la musique de la langue quechua, deux mots qui « suenan » à mon oreille, et offre donc des parenthèses toutes de beauté et d’harmonie au milieu de la dure action de l’histoire. Je pense que c’est en partie ce qui m’a séduite.
Et puis au-delà des clivages politiques et idéologiques, c’est avant tout un roman de l’enfermement à portée universelle ; je peux dire que pendant des semaines j’ai vécu cet enfermement avec les personnages qui pour moi prenaient corps, j’entendais les voix du Sexto, je voyais le décor, c’était comme un opéra avec notes, livret et final tragique -comme celui d’Arguedas qui « ne voulant plus être indien et ne voulant pas être un Blanc », finira par se donner la mort, trente ans après El Sexto -.
N’ayant hélas aucun talent pour bâtir un opéra, je souhaite au moins me battre avec ce texte ; à cet égard sa traduction sera comme une délivrance.
Mais au-delà ou à côté des enjeux personnels, il y a un vrai défi linguistique, par l’approche d’une langue qui tend à la synthèse et à l’agglutination, mais aussi parce que le texte joue beaucoup sur l’ambiguïté, sur l’incertitude, qu’il multiplie les mises en abîme (vous avez- dit « abîme » ?), qu’il repose en grande partie sur des dialogues, dans un registre qui ne m’est pas à priori familier.
Compte tenu de mes goûts en matière littéraire, je n’ai pas choisi la facilité et c’est tant mieux parce que cet exercice va me permettre, je l’espère, de casser mes défauts d’apprenti traducteur, et par la rigueur, de rester au plus près de ce texte qui se suffit à lui-même.

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