samedi 29 novembre 2008

Laure Gentile nous présente le texte de sa traduction longue

Une métaphore bien connue identifie le roman à une toile. Le roman que j’ai choisi pour ma traduction longue est davantage un chemin, camino-trama-trayectoria-pasaje-paso.
Tout dans l’œuvre que j’ai choisie est question de « chemin » ; dans le titre même, Sitting en el lago. Caminando hacia el norte, le « cheminement » est au centre.
Laissez-moi vous expliquer le cheminement de mon idée de traduire ce roman (le chemin du roman, ce sera à vous de le découvrir en le lisant !).
Je suis une fervente lectrice de l’actualité, abonnée depuis des années à Cambio16. La quatrième de couverture, depuis quelques temps, fait la promotion du premier roman d’un de ses journalistes, Manuel Dominguez Moreno, par ailleurs sociologue et écrivain émérite. Voici la présentation qui en est faite : « Los entresijos de la negociación con ETA sirven de telón de fondo a una apasionada historia de amor y política. Sus protagonistas deberán pagar un alto precio para alcanzar su destino y conseguir la paz ». Il faut bien avouer que le titre de cette œuvre n’est pas une clef de compréhension, mais plutôt un message que l’on décrypte à la toute fin du livre ; c’est donc la simple lecture de cette présentation qui m’a donné envie de m’approprier ce livre, car elle a éveillé en moi des souvenirs et a suscité des désirs.
J’aime le Pays-Basque espagnol, région qui a abrité mes frasques d’étudiante Erasmus de DEA (pas besoin d’aller à Barcelone pour connaître l’auberge espagnole !), mes recherches littéraires tout de même très sérieuses et ma découverte de l’Espagne et des Espagnols. Egalement, l’ETA, cette ombre terroriste qui impose sa loi des armes et de l’injustice, a toujours retenu mon attention dans mon analyse de l’actualité espagnole : déjà lorsque j’étais étudiante à Vitoria, mais surtout lorsque mon travail en Classes Préparatoires m’a amenée à proposer une lecture de la vie politique espagnole à mes étudiants. Malheureusement, l’actualité change, évolue, mais ce sujet est intarissable et ne semble pas vouloir quitter la une des journaux.
Finalement, l’amour et donc le roman à intrigue amoureuse ont fini de me séduire : ce livre est une fiction amoureuse, où la réalité politique dont l’ETA est protagoniste est elle-même fictionnalisée. Une histoire d’amour comme on les aime, surprenante, à rebondissements, compliquée, alambiquée, bouleversante, enrageante.
Un audacieux message à l’auteur du roman, dont j’espérais secrètement une réponse, a dispersé mes craintes quant à sa traduction française : Manuel Dominguez Moreno m’a indiqué que le livre n’était pas traduit et m’invitait donc à m’atteler à cette tâche.
L’émotion, à partir de cet instant, n’a été que plus intense : l’agitation dans laquelle je me trouvais durant les trois semaines et demie d’attente pour que le livre arrive chez le libraire n’est rien à côté de l’effervescence qui m’envahissait durant les trois jours et demi de lecture du roman.
Dès l’introduction rédigée par Ballesteros, j’ai eu l’impression d’avoir un trésor entre les mains, le trésor d’un auteur exceptionnel, presque sorti lui-même d’une fiction : vous avez tous entendu parlé de l’auteur de Gomorra qui vit sous escorte policière depuis qu’il a écrit son roman ; Manuel Dominguez Moreno, pour les thèses et la liberté d’expression qu’il défend, est lui aussi sous perpétuelle escorte policière, étant considéré comme objectif de l’ETA par le ministère de l’Intérieur.
Le roman lui-même ensuite est un véritable supplice : chemin de croix des défenseurs de la liberté et de la démocratie, croisade de l’amour et de l’espoir…
Peut-être le terme de supplice semble-t-il fort, mais il est la réussite du roman et représente la motivation technique de mon choix : nous ne sommes pas confrontés à une histoire d’amour édulcorée, mais à un roman qui est un véritable parcours initiatique pour un traducteur apprenti comme moi. Le livre est un mélange de voix narratives, une imbrication de temps, un mélange de prose ferme et descriptive, presque journalistique, et de poésie, un magma à la frontière de l’essai, du roman historique et de la fiction. Jugez plutôt :
p.92 : «En un primer momento tuve la intención de correr a buscarla, pero mi cuerpo se quedó anclado en el calor de su fuego. Mis recuerdos la sorprendieron en la aurora abrazada a sus propios recuerdos con sus pechos firmes y sus pezones erectos. Ahora duerme mojada en su cama, desde hace tiempo nadie habita en su lehco, cuerpo que apresa a su dueño, su único dueño. Absorto miro la sombra que dibujan sus cañadas arañando hacia arriba nuestro tiemp. Después de amar más besos ; mar, cielo, monte, viento, decidle vosotros que en mi alma la espero, que mucho tiempo tengo para amarla y poco para perderla. »
Un dicton rythme le roman « es aconsejable no bañarse dos veces en la misma agua »… Le lecteur-traducteur, lui, n’en que faire : il doit et veut replonger plus de deux fois dans ce roman, pour en découvrir toutes les clefs et les finesses, pour atteindre son « nord » lui aussi.
Agitation, effervescence, et à présent frissonnement : j’ai peur de ne pas être à la hauteur…mais j’ai hâte de commencer à traduire. Cette traduction longue se présente pour moi comme un véritable défi… Le parcours du protagoniste en était déjà un, à moi de marcher dans ses pas !
Je me projette dans l’avenir avec audace, et je sais que la tâche va être ardue : j’aimerais être assez fière de ma traduction pour en proposer ma version à un éditeur qui tenterait le pari de faire découvrir ce livre à la France… qui est un protagoniste à part entière du livre, et incarne sous bien des aspects ce « norte » mis en scène dans le titre (et qui est impliquée, comme chacun le sait, dans la bataille engagée contre la bande terroriste).
L’émotion et la technicité sont les deux motivations principales qui ont guidé mon choix, et mon devoir sera de les rendre en français.


http://www.manueldominguezmoreno.net/

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