vendredi 28 novembre 2008

Un billet de Nathalie : le caméléon

En photo : merci à Anviss

Souffrez que, cette semaine, je parle un peu de moi. Pas longtemps, je vous rassure. Parce que j’aimerais vous faire part de ce que je viens de découvrir, à savoir, un travers que je me dois de corriger si je veux progresser en traduction. D’ailleurs, vos conseils et vos remarques pourraient m’être d’une grande utilité…
Quelle que soit la tonalité du texte à traduire, j’ai tendance à « lisser » toutes les phrases, atténuant, notamment, ce que je juge déplacé, vulgaire ou repoussant (cf compte-rendu sur la séance de traduction consacrée au « pôvre » petit chien écrabouillé). Je finis pas uniformiser le texte par effacement de tout ce qui fait sa spécificité et donc son identité. Irai-je jusqu’à dire que je le façonne à mon image ?
Le pire, c’est que j’en suis parfaitement consciente mais je trouve le résultat tellement plus « correct » que je m’accommode assez bien de ce dévoiement traductif. Pourtant, quelque chose me tracasse parce que ma « méthode » m’empêche de rendre, au plus près, le contenu du texte. Ma traduction est donc fausse, ou faussée. Et pour une perfectionniste comme moi, c’est insupportable !
Que faire ? On me conseille d’imiter le caméléon, en m’adaptant à chaque type de texte, objet unique que je me dois, d’un point de vue déontologique, de respecter dans son intégrité. Ça pourrait être amusant de jouer à être quelqu’un d’autre, « l’espace d’un instant » (textuel).
Let’s try !

Nathalie Lavigne

4 commentaires:

Tradabordo a dit…

Raison pour laquelle il faut beaucoup traduire… justement pour perdre sa propre patte d'"auteur" au bénéfice de sa patte de traducteur… qui est effectivement celle du caméléon, très riche, suivant une palette infinie de couleurs et de nuances. On fait semblant de se camoufler dans le décor, au milieu des hautes herbes et des branches mortes, mais nous sommes bien là… aux aguets. Hop ! Pas besoin de traduire des lignes et des lignes, des quantités industrielles de pages… mais quelques-unes, bien ciblées – de celles qui t'obligent à bousculer la Nathalie lectrice-auteure – et qui te contraignent aux renoncements ; et de renoncements en petits accommodements, ça ne fera bientôt plus mal du tout… parce que le traducteur, à la différence de l'auteur, n'est jamais figé ni dans un univers ni dans une écriture. C'est cela : il a la liberté ! Nous n'allons tout de même pas nous en plaindre.

Tradabordo a dit…

Un petit exercice thérapeutique rien que pour Nathalie :

Trouve donc une traduction de cette expression détournée : « Cuando las ranas crien melenas »

Unknown a dit…

Cette expression de "lissage"est absolument adaptée à cette attitude qui est sans doute généralisée... chez les apprentis! Pour ma part, les descriptions cruelles ou chocantes ne me font pas tressaillir, mais en revanche, les scènes un peu (ou beaucoup) érotiques me font devenir non pas caméléon, mais "tapir tapi dans un trou"!!! Ma traduction longue a quelques passages à peine osés, mais je sais déjà qu'ils vont me donner du fil à retordre! Alors, une solution pour ôter cette gêne: se dire que l'être que nous sommes ne doit pas changer et peut garder sa pudeur, mais se dire plus fort encore que le professionnel que nous sommes porte un message dont il n'est pas l'auteur (a-t-on le droit d'assumer la traduction mais pas les propos???) bien qu'il en soit le fidèle garant...

Tradabordo a dit…

Puisque personne n'ose se lancer sur la traduction de « cuando las ranas crien melenas » (car l'humour vous fait peut-être encore plus peur que la violence et le sexe), je vous propose :

Quand les poules iront chez l'orthodondiste