lundi 26 janvier 2009

Version d'entraînement, 1 (Dulce Chacón)

En photo : Dulce Chacón par rincondeliteratura

Vino de noche. Dijo que regresaba para morir. Traía la muerte en los ojos, ¿sabe usted? Pero no la de esos pobres desgraciados que están en el depósito. No. Traía en los ojos la propia muerte, la suya, la de él. Llamó a mi puerta y me preguntó por su madre. Fui yo quien le dije que había muerto, y a mí me dijo él que venía para morir. Yo no he visto una tristeza más negra. Nunca, no señor. Se pasó la mano por la cara como si quisiera limpiársela. Me miró, volvió a lavarse la cara sin agua, me miró otra vez y me preguntó por su padre. Muerto, hijo, muerto. ¿Murieron bien? Y yo le contesté que sí, que santamente se murieron, uno detrás de otro, y los dos preguntando por él. Llevaba cuarenta años perdido, me dijo como pidiendo perdón por una ausencia tan larga. Pobrecino, si era un zagal cuando se lo llevaron, si lo hubiera visto usted, lástima de criatura; cómo lloraba, las lágrimas se le iban yendo igual que la cera derretida se le cae a las velas.
Sí escribió, claro que escribió, muchas veces, muchas. Mi difunta esposa le leía las cartas a su madre, y ella después se las contaba a su padre. «Queridísimo padre, amadísima madre: Me alegrará que a la llegada de ésta se encuentren bien. Yo quedo bien gracias a Dios.» Las últimas que llegaron las empezó siempre igual. Y termina¬ba de la misma manera: «De éste, su amantísimo hijo que lo es.» Hasta en la letra se le notaba que se había ido del pueblo, de tan fina. La Isidora venía toda contenta corriendo con el sobre en la mano: Es de la capital, me ha dicho el Zacarías que es de la capital. La Isidora era su madre. ¿Usted conoció a la Isidora?
¿No?
Claro, claro. Sí que es usted nuevo por aquí. No la pudo conocer. Y al Modesto, el marido, menos.
Porque la carta la mandaba su hijo, por eso corría toda contenta. El Zacarías es el cartero, ¿sabe usted? Ya no trabaja. Pero hasta hace bien poquito, aún andaba para arriba y para abajo con la saca al hombro. Voceando.
¿Tampoco? Entonces quiere decirse que han pasado ya más de tres meses desde que se retiró, recontra que el tiempo es humo.
Pues era digno de verse. A la Isidora le gritaba ya des¬de el recodo para verla más rato contenta. Ella salía a la puerta en cuanto escuchaba su nombre, con esa estampa que daba gloria, de lozana. Y con la sonrisa a medio poner.

Dulce Chacón, Cielos de barro

***

Jacqueline nous propose sa traduction :

Il est venu de nuit. Il a dit qu’il rentrait pour mourir. Il portait la mort dans ses yeux, vous savez ? Mais non pas celle de ces pauvres malheureux qui sont à la morgue. Non. Il portait dans ses yeux sa propre mort, la sienne, pas celle d’un autre. Il frappa à ma porte et me demanda des nouvelles de sa mère. Je dus lui dire moi-même qu’elle était morte, et quant à lui il me dit qu’il venait pour mourir. Je n’ai jamais vu tristesse plus noire. Jamais, non monsieur. Il se passa la main sur le visage comme s’il voulait le nettoyer. Il me regarda, se remit à se laver sans eau le visage, me regarda à nouveau et me demanda des nouvelles de son père. Il est mort, mon fils, il est mort. Est-ce qu’ils ont eu une bonne mort ? Et alors je lui répondis que oui, qu’ils étaient morts munis des sacrements, l’un puis l’autre, et tous deux demandant de ses nouvelles. Il avait perdu quarante ans, me dit-il comme demandant pardon pour s’être absenté si longtemps. Pauvre petit, il est vrai qu’il était un gamin quand on l’emmena, si vous l’aviez vu, pauvre gosse ; comme il pleurait, les larmes lui coulaient comme la cire fondue tombe des bougies.
Oui il a écrit, bien sûr qu’il a écrit, maintes fois, souvent. Ma défunte épouse lisait ses lettres à sa mère, et elle ensuite les racontait à son père. « Très cher père, mère très aimée : je me réjouirais que cette lettre vous trouve en bonne santé. Quant à moi je vais bien Dieu merci. » Les dernières lettres qui arrivèrent commençaient toutes de la même façon. Et se terminaient de la même manière : « De la part de ce fils bien-aimé qui est le vôtre. » On remarquait jusque dans l’écriture, tant elle était fine, qu’il était parti du village. La Isidora arrivait toute contente en courant, l’enveloppe à la main : ça vient de la capitale, le père Zacharias m’a dit que ça vient de la capitale. La Isidora était sa mère. Vous avez connu la Isidora ?
Non ?
Bon, bon. C’est vrai que vous êtes nouveau ici. Vous n’avez pas pu la connaître. Et encore moins son mari, le Modesto.
C’est que la lettre, c’est son fils qui l’envoyait, c’est pour ça qu’elle courait toute contente. Le Zacharias, c’est le facteur, vous savez ? A présent, il ne travaille plus. Mais encore tout récemment, il allait encore par monts et par vaux le sac sur l’épaule. En hélant les gens.
Ca ne vous dit rien non plus ? Alors ça veut dire que déjà plus de trois mois sont passés depuis qu’il a pris sa retraite, eh ben zut, le temps part en fumée.
Car il fallait voir ça. Il appelait à grands cris la Isidora depuis le tournant pour qu’elle soit contente plus longtemps. Elle, elle sortait à la porte dès qu’elle entendait son nom, d’un pas plein de vivacité qui faisait plaisir. Et avec un petit sourire.

***

Brigitte nous propose sa traduction :

Il est arrivé de nuit. Il a dit qu’il était revenu pour mourir. La mort se lisait dans ses yeux. Vous savez ? Pas celle de ces pauvres malheureux qui sont à la morgue. Non. Il avait dans le regard sa propre mort. La sienne, sa mort à lui. Il a frappé à ma porte et m’a demandé après sa mère. C’est moi qui lui ai dit qu’elle était morte, et lui, il m’a dit qu’il était venu pour mourir. Jamais je n’ai vu tristesse plus noire. Jamais, non monsieur. Il s’est passé la main sur le front comme s’il voulait le laver. Il m’a regardé, s’est encore lavé le visage sans eau, m’a regardé à nouveau et m’a demandé des nouvelles de son père. Mort, mon garçon, mort. Est-ce qu’ils sont morts dignement ? Et moi je lui ai répondu que oui, qu’ils étaient morts dans la paix de Dieu, l’un juste après l’autre, et que tous les deux l’avaient réclamé. Cela faisait quarante ans qu’il était perdu, m’avait-il dit, comme pour s’excuser d’une si longue absence.
Le pauvre petit, c’est qu’il était tout gamin quand on l’avait emmené, si vous l’aviez vu, pauvre misère de gosse; comme il pleurait, les larmes coulaient de ses yeux comme la cire fondue des bougies.
Oui, il a écrit, bien sûr qu’il a écrit, souvent, très souvent. Ma défunte épouse lisait ses lettres à sa mère, et elle, elle les racontait ensuite à son père. « Mon très cher père, ma mère bien aimée : Je serai heureux qu’en recevant cette lettre, vous vous trouviez en bonne santé. Moi, je vais bien Dieu soit loué ». Les dernières lettres qui étaient arrivées, il les commençait toujours de la même manière. Et il finissait toujours de la même manière : « De votre fils chéri, qui vous aime tant ». Jusque dans son écriture on remarquait qu’il était parti du village, tellement il écrivait bien. Isidora arrivait, toute contente, en courant avec l’enveloppe à la main : ça vient de la capitale, Zacarías m’a dit que ça venait de la capitale. Isidora c’était sa mère. Vous l’avez connue, vous, Isidora ? Non ? Bien sûr, bien sûr. C’est que vous êtes nouveau dans le coin. Vous n’avez pas pu la connaître. Et le Modeste, son mari, encore moins.
Parce que la lettre c’était son fils qui lui envoyait, c’est pour ça qu’elle courait toute contente. Zacarías, c’est le facteur, vous savez ? Il ne travaille plus. Mais il y a encore pas si longtemps, il allait et venait, toujours par monts et par vaux, sa sacoche sur l’épaule. En criant.
Non plus ? Alors ça veut dire que ça fait déjà plus de trois mois qu’il a pris sa retraite, comme le temps file.
Et bien, ça valait le coup d’être vu. Dès le tournant déjà il alertait Isidora en criant pour qu’elle soit contente plus longtemps. Elle sortait sur le pas de la porte dès qu’elle entendait son nom, avec cette allure pleine de superbe, de femme saine. Et avec un petit sourire au coin des lèvres.

***

Odile nous propose sa traduction :

Il est venu la nuit. Il a dit qu'il revenait pour mourir. On lisait la mort dans ses yeux, vous voyez? Mais pas celle de ces pauvres maheureux qui sont à la morgue. Non. Il portait dans les yeux la mort elle-même, la sienne, sa propre mort. Il a frappé à ma porte et m'a demandé des nouvelles de sa mère. C'est moi qui lui ai dit qu'elle était morte, et il m'a dit qu'il revenait pour mourir. Je n'ai jamais vu une tristesse aussi noire. Jamais, non Monsieur. Il s'est passé la main sur le visage, comme s'il voulait le laver. Il m'a regardé, a refait son geste, m'a regardé encore et m'a alors demandé pour son père. Il est mort, mon garçon, mort. Ils sont morts en paix? Je lui ai répondu que oui, qu'il étaient morts dans la paix du Seigneur, l'un après l'autre, tous les deux ayant demandé de ses nouvelles. Depuis quarante ans il était perdu, m'a t-il dit, comme voulant se faire pardonner une aussi longue absence. Pauvre petit, il était tout jeune quand on l'a emmené, si vous aviez vu comme il pleurait ce pauvre enfant, ses larmes tombaient comme la cire fondue coule des cierges.
Oui, il a écrit, bien sûr qu'il a écrit, plusieurs fois, plusieurs. Ma défunte épouse lisait les lettres à sa mère et elle, après les racontait à son père. « Très cher père, mère bien-aimée : je serais heureux que la présente vous trouve en bonne santé. Moi je vais bien, Dieu merci. » Les dernières qui sont arrivées commençaient toujours ainsi. Et il les terminait toujours par: « De la part de votre fils qui vous aime tant. « Même à son écriture on voyait qu'il avait quitté son village, tellement elle était élégante. Isidora venait tous les jours ici, en courant, la lettre à la main: Elle vient de la ville, Zacharias m'a dit qu'elle venait de la ville. Isidora était sa mère. Vous avez connu Isidora? Non?
Bien sûr, bien sûr. C'est vrai que vous êtes arrivé il y a peu. Vous n'avez pas pu la connaître. Et Modesto, le mari, moins encore. C'est que la lettre était envoyée par son fils, c'est pour ça qu'elle courait, toute contente. Zacharias, c'est le facteur, vous savez? Maintenant, il ne travaille plus. Mais jusqu'il y a peu, il allait et venait encore, la sacoche à l'épaule. En appelant les gens.
Non plus? Alors ça veut dire que trois mois sont déjà passsés depuis qu'il est à la retraite, c'est bien vrai que le temps file vite.
Eh bien, ça valait le coup d'être vu. Avant d'être arrivé au tournant, il appelait déjà Isidora pour qu'elle soit contente plus longtemps. Elle, elle sortait à la porte dès qu'elle entendait son nom, avec un visage qui faisait plaisir à voir, toute fière.Un petit sourire aux lèvres.

***

Alexandra – du groupe 2 de CAPES – nous propose sa traduction :

Il arriva la nuit. Il dit qu'il revenait pour mourir. La mort était inscrite dans ses yeux, vous savez ? Mais rien à voir avec ces pauvres malheureux qui sont à la morgue. Non. Il portait dans ses yeux sa propre mort, la sienne, celle qui lui était propre. Il frappa à ma porte et demanda après sa mère. Ce fut moi qui lui appris qu'elle était morte, et, lui, me répondit qu'il venait pour mourir. Je n'ai jamais vu une tristesse plus noire. Jamais, non monsieur, jamais. Il passa la main sur son visage comme s'il voulait se le nettoyer. Il me regarda, il nettoya encore une fois son visage sans eau, il me regarda à nouveau et demanda après son père. Mort, mon fils, il est mort. Ils moururent sans souffrance ? Et je lui répondis que oui, qu'ils moururent avec sainteté, l'un après l'autre, et les deux demandant de ses nouvelles. Il avait quarante ans à peu près, il me dit combien il était désolé de son absence si prolongée. Le pauvre, s' il était un jeune homme quand on les prit, si vous l'aviez vu, pauvre créature, comme il pleurait, ses larmes coulaient tel la cire fondue qui tombe sur les bougies.
Oui il écrivit, bien sûr qu'il écrivit, de nombreuses fois, nombreuses. Ma défunte épouse lisait les lettres à sa mère, et ensuite, elle les racontait à son père. « Cher papa, chère maman chérie : Ça me ferait plaisir que cette lettre vous trouve en bonne santé. Moi, je vais bien grâce à Dieu. » Les dernières qui arrivèrent, il les commença toujours de la même façon. Et il terminait de la même manière : « De celui, votre fils bien aimé. » Jusque dans l'écriture on pouvait remarquer qu'il avait quitté le village, tant elle était raffinée. Isidora arrivait en courant, toute contente, avec l'enveloppe à la main : elle vient de la capitale, Zacarias me l'a dit qu'elle vient de la capitale. Isidora était sa mère. Vous avez connu Isidora ?
Non ?
Ah, mais oui, bien sûr, bien sûr. Oui, car vous êtes nouveau par ici. Vous n'avez pas pu la connaître. Et Modesto, le mari, encore moins.
Parce que la lettre, son fils la lui envoyait, c'est pour cela qu'elle était toute contente. Zacarias, c'est le facteur, vous savez ? Il ne travaille plus désormais. Mais cela depuis peu, il marchait encore en haut et en bas avec la sacoche à l'épaule. Criant.
Non, vous ne le connaissez pas non plus ? Cela veut donc dire qu'il s'était écoulé plus de trois mois depuis qu'il avait pris sa retraite, constatez que le temps s'évapore.
Et bien, il était digne qu'il se voient. Il criait Isidora déjà depuis l'angle pour la voir un peu plus contente. Elle sortait devant la porte dès qu'elle entendait son nom, avec cette allure qui lui procurait tant de gloire, de vigueur. Et avec un sourire à moitié affiché.

***

Sonia – étudiante du groupe 2 de CAPES – nous propose sa traduction :

Il est arrivé de nuit. Il a dit qu’il revenait pour mourir. Il portait la mort dans ses yeux, vous savez? Mais pas celle de ces pauvres malheureux qui sont à la morgue. Non. Il portait dans ses yeux la propre mort, sa propre mort, la sienne. Il a sonné à ma porte et m’a demandé des nouvelles de sa mère. C’est moi qui lui ai dit qu’elle était décédée, et il m’a dit à moi qu’il venait pour mourir. Je n’ai jamais vu une tristesse plus noire. Non, monsieur, jamais. Il a passé la main sur son visage comme s’il voulait l’essuyer. Il m’a regardé, il se relava le visage sans eau, il m’a regardé à nouveau et m’a demandé des nouvelles de son père. Il est décédé, mon fils, décédé. Ils ont eu une mort douce? Et je lui ai répondu oui, qu’ils avaient eu une mort sainte, l’un après l’autre, et tous deux demandant à le voir. Il n’était pas revenu depuis quarante ans, m’a-t-il dit comme pour s’excuser d’une absence si longue. Pauvre petit, c’était tout juste un gosse quand il fut emmené, si vous auriez vous comme il pleurait, ce misérable enfant! Les larmes lui tombaient comme tombe la cire fondue aux bougies.
Oui, il a écrit, bien sur qu’il a écrit, de nombreuses fois, nombreuses. Ma défunte épouse lisait les lettres à votre mère, et, elle, ensuite, les racontait à votre père. « Mon cher papa, ma bien-aimée maman : Cela me réjouirait qu’à réception de cette lettre vous vous trouviez en bonne santé. Moi, je vais bien, grâce à Dieu. » Les dernières lettres qui arrivèrent, il les a toutes commencé de la même façon. Et les finissait de la même manière : « De votre fils aimant, qui vraiment vous aime ». Même dans sa manière d’écrire, on remarquait qu’il avait quitté le village, tellement elle était courtoise. Isidora arrivait en courant, toute contente, l’enveloppe à la main : « ça vient de la capitale, c’est Zacarias qui m’a dit que ça venait de la capitale. » Isidora était sa mère. Vous avez connu Isidora?
Non ?
Mais oui, bien sur, vous êtes nouveau par ici. Vous n’avez pas pu la connaître. Et encore moins Modesto, son mari.
La lettre provenait de son fils c’est pour ça qu’elle courait toute contente. Zacarias est le facteur, vous savez? Il ne travaille plus. Mais jusqu’à il n’y a pas si longtemps, il montait et redescendait le village, le sac à l’épaule. En criant.
Ça, non plus ? Alors, cela veut dire qu’il s’est déjà écoulé plus de trois mois depuis qu’il a pris sa retraite, voyez comme le temps passe vite. Eh bien, c’était un numéro digne à voir. Il appelait déjà Isidora en criant depuis l’angle pour la voir plus vite contente. Elle sortait sur le pas de la porte dès qu’elle entendait son nom, avec cette allure qui donne de la gloire, de la vigueur. Et souriant à moitié.

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