samedi 14 février 2009

Résultats du sondage : « Le traducteur spécialisé fait-il un métier différent de celui du traducteur littéraire ? »

Sur 26 votes exprimés (il y a foule, désormais, autour de l'urne tradabordienne), voici ce que les résultats ont donné :

Non = 18 voix
Oui = 8 voix

Nous avions jeudi dernier la visite de Sophie Léchauguette*, traductrice professionnelle, venue nous faire une petite introduction illustrée des particularités ou, précisément (elle était très ferme sur la question !), de l'absence de particularités, de la traduction dite "spécialisée", qu'elle s'est d'ailleurs empressée de rebaptiser traduction "pragmatique". Il semblerait qu'une refonte des étiquettes et catégories s'impose… et que le mépris des traducteurs littéraires à l'égard de leurs collègues pragmatiques ne soit plus de mise.
C'est donc à elle que j'ai décidé de laisser la parole pour commenter les résultat de ce sondage. J'attends son texte… et je ne demande, comme vous sans doute, qu'à être convaincue de ce que non, le traducteur pragmatique ne fait décidément pas un métier bien différent de celui du traducteur littéraire.
Chère Sophie, nous t'écoutons…

* Elle sera de nouveau là le 5 mars, toujours à 11h30… pour une initiation à la traduction d'une page de manuel espagnol de vannerie.

La parole à Sophie :
Non, les traducteurs spécialisés ne font pas un métier différent de celui du traducteur littéraire. D’ailleurs en quoi le traducteur littéraire ne serait-il pas spécialisé ? Tout texte, quelque soit la catégorie dans lequel on s’accorde, ou pas, à le ranger forme une unité structurelle et appartient à un genre, quand bien même il le créerait pas sa seule existence. Le premier travail des traducteurs est celui de la compréhension : de la construction du sens, du ressenti des émotions, de la perception des dits et non-dits du texte ou si l’on préfère de l’explicite comme de l’implicite. Une fois que tout cela est fait, consciemment par une analyse raisonnée, ou parce que la réponse s’impose, fulgurante, fruit de l’insoupçonnée fertilité de nos innombrables connections neuronales, il est souhaitable, avant de se précipiter sur la rédaction, de percevoir comment le texte fait ce qu’il fait. Mais pour certains peut-être cette phase intervient-elle après, quitte à remanier entièrement le premier jet. Comment un texte fait-il rire, pleurer, découvrir le monde, apprendre un geste… Dans l’idéal, les traducteurs sont à la fois discrets et très présents. Par leur vigilance, ils restituent cette unité textuelle formée du sens et de la forme. Mais probablement, suivant les textes, les manières d’atteindre cet objectif ne seront-elles pas toujours identiques. Nous faisons le même métier parce que nous avons tous les mêmes problèmes. D’ailleurs beaucoup de professionnels passent de textes spécialisés (par leur contenu) aux textes littéraires, spécialisés par leur forme. Les problèmes et donc la réflexion nécessaire pour parvenir à des solutions sont les mêmes, mais en revanche celles-ci peuvent varier, voire être contraire.

Un exemple tout simple :
En France, le 1er étage se situe au-dessus du rez-de-chaussée.
Dans beaucoup de pays le 1er étage est ce que nous appelons en France le rez-de-chaussée.
Si vous traduisez un ouvrage pratique, pensez-y pour ne pas envoyer vos lecteurs au mauvais étage. Si vous traduisez une œuvre littéraire pensez-y aussi, mais si par hasard dans ce texte là le nombre revêt une valeur symbolique, elle va primer sur l’exactitude linguistique et il vaudra mieux choisir de « se tromper » d’un étage et respecter la symbolique mise en place par le texte.

Conclusion
Oublions les querelles de clocher et soyons à l’écoute de nos textes, tous nos textes.

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