lundi 9 février 2009

Version d'entraînement, 13 (Luis Landero)

Pour aujourd'hui, voici la version qui a été donnée la semaine dernière aux candidats au CAPES interne. J'espère qu'une grande partie des étudiants du groupe 2 de CAPES externe se précipitera… !

Había habido un accidente de tráfico. Dos matrimonios otoñales, junto a los automóviles abollados, los hombres un paso adelantados y las mujeres rezagadas pero alargando ferozmente el gañote, se increpaban con los rostros muy juntos. Cada vez que una de las parejas conseguía largar una buena diatriba, aprovechaba la ventaja para etirarse con un desplante muy taurino, como dando por culminada la faena. Pero como los vencidos, viendo ahora el campo despejado, tomasen entonces la iniciativa de los gritos, los otros volvían a la brega con renovado aliento. Así ocurrió tres o cuatro veces, y ya algunos curiosos habían tomado partido y amagaban avances a los adversarios, y en fin, que la trifulca amenazaba con convertirse en altercado público.
Don Julio, que siempre había rehuido los pleitos callejeros, observaba entre aprensivo y fascinado. […] Y fue entonces cuando, de pronto, sin saber por qué, ni de dónde le llegaba aquella brisa de inspiración que sentía levantarse en algún rincón de la dilatada inanidad de su mente, dio unos pasos hacia el centro del corro y desplegó los brazos con una apertura ecuménica de consternacion. Por un instante, se hizo el silencio, pero enseguida las partes salieron de la perplejidad con nuevos gritos, dirigidos esta vez al intruso, y ya avanzaban hacia él cuando don Julio, ganando un paso más, extendió una mano, como si fuese a sanar lisiados o a separar aguas, y dijo con su voz aflautada :
-Señores : aquiescencia.
Y milagrosamente cada cual se quedó inmóvil en su escorzo. Nadie supo nunca, ni siquiera él mismo, lo que acababa de ocurrir.

Luis LANDERO, Caballeros de fortuna, Ed. Tusquets, 1994, p. 90-91.

***

Jacqueline nous propose sa traduction :

Il y avait eu un accident de la circulation. Deux couples d’âge mûr, à côté des voitures cabossées, les hommes un pas en avant et les femmes en retrait mais allongeant le cou avec férocité, s’invectivaient nez à nez. Chaque fois qu’un des couples parvenait à lâcher une bonne diatribe, il profitait de son avantage pour se retourner dans une passe de torero d’opérette, comme si le travail à la muleta était terminé. Mais comme les vaincus, voyant le champ libre, prenaient alors l’initiative des cris, les autres reprenaient la cape de travail avec un courage renouvelé. Cela se reproduisit trois ou quatre fois, et déjà quelques badauds avaient pris parti et menaçaient de s’avancer vers les adversaires et bref, la querelle, de se transformer en altercation publique.
Don Julio, qui avait toujours fui les batailles des rues, observait la scène mi craintif mi fasciné. […] Et ce fut alors que, soudain, sans savoir pourquoi ni d’où lui venait cette brise d’inspiration qu’il sentait se lever dans un coin de la vacuité béante de son esprit, fit quelques pas en direction du centre du cercle et déplia les bras dans un geste d’ouverture oecuménique de consternation. Pendant un instant, le silence se fit, mais aussitôt les parties en présence émergèrent de leur perplexité avec de nouveaux cris, adressés cette fois à l’intrus, et déjà ils s’avançaient vers lui quand don Julio, risquant avec succès un pas de plus, étendit sa main, comme s’il allait guérir les blessés ou séparer les eaux, et il dit d’une voix haut perchée :
—Messieurs : écoutez-moi.
Et miraculeusement chacun s’immobilisa dans son geste ébauché. Personne, pas même lui, ne sut jamais ce qui venait de se passer.

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Aurélie – étudiante du groupe 2 de CAPES nous propose sa traduction :

Il y avait eu un accident de la circulation. Deux couples automnaux, à côté de leurs voitures englouties, les hommes un pas en avant et leurs femmes un peu en arrière mais allongeant le cou férocement, se criaient dessus, leurs visages très rapprochés. Chaque fois que l’un des couples parvenait à s’étaler dans une longue diatribe, il profitait de l’avantage pour donner un coup final très taurin, comme pour marquer la fin de la tâche. Mais comme les vaincus, voyant alors le champ désert, reprenaient alors l’initiative des cris, les autres revenaient à la charge dans un nouveau souffle. Cela se passa ainsi trois ou quatre fois, et déjà quelques curieux avaient pris parti et donnaient des arguments aux adversaires, et finalement, la dispute menaçait de se transformer en altercation publique.
Don Julio, qui avait toujours fui les conflits de rue, observait, entre l’appréhension et la fascination. […] Et ce fut à ce moment-là que, subitement, sans savoir pourquoi, ni d’où lui venait cette brise d’inspiration qu’il sentait se lever dans un recoin de l’inconscience dilatée de son esprit, il fit quelques pas jusqu’au centre du cercle du chœur et déploya les bras dans une ouverture œcuménique de consternation. Pendant un instant, le silence se fit, mais rapidement les parties sortirent de leur perplexité avec de nouveaux cris, adressés cette fois-ci à l’intrus, et ils s’avançaient déjà vers lui lorsque don Julio, gagnant un pas de plus, tendit une main, comme s’il allait guérir des fous ou séparer les eaux, et il dit de sa voix fluette :
- Messieurs dames : mettez-vous d’accord.
Et miraculeusement chacun resta immobile dans étonnement. Personne ne sut, pas même lui, ce qu’il venait d’arriver.

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Brigitte nous propose sa traduction :

Un accident de la circulation s’était produit. Deux couples à l’automne de leur vie, auprès de voitures cabossées, les hommes en avant d’un pas et les femmes en retrait mais la gorge férocement déployée, s’insultaient dans un face à face très rapproché.
Chaque fois que l’un des couples parvenait à lâcher une bonne diatribe, il profitait de l’avantage pour adopter la posture très typique du torero qui met le point final à sa passe.
Mais si les vaincus, voyant alors le champ libre, prenaient l’initiative des cris, les autres revenaient à la charge, dans un nouvel élan.
Il en fut ainsi à trois ou quatre reprises, et quelques curieux avaient déjà pris parti et ébauchaient des avancées en direction des adversaires ; finalement, la dispute menaçait de tourner à l’altercation publique.
Don Julio, qui avait toujours fui les conflits de rue, observait, partagé entre appréhension et fascination (…).Et ce fut alors que, soudain, sans savoir pourquoi, ni d’où lui parvenait cette brise d’inspiration qu’il sentait se lever dans quelque recoin de la vacuité béante de son inconscient, il fit quelques pas vers le centre du choeur et ouvrit les bras en une posture oeucuménique de consternation. Pendant un instant, le silence se fit, mais aussitôt les parties adverses sortirent de leur état de perplexité avec de nouveaux cris, adressés cette fois à l’intrus et ils s’avançaient déjà vers lui quand don Julio, faisant un pas de plus, étendit une main, comme s’il allait procéder à la guérison d’infirmes ou au partage des eaux, et il prononça de sa voix stridente :
- Messieurs dames : acquiescement.
Et comme par miracle, chacun resta immobile, figé dans sa posture. Personne, pas même lui, ne sut jamais ce qu’il venait de se produire.

Vanessa – étudiante du groupe 2 de CAPES – nous propose sa traduction, malgré une "maladie" passagère mais très handicapante :

Il y avait eu un accident de la circulation. Deux couples d’âge mûr, à côté des automobiles cabossées, les hommes d’un pas en avant et les femmes derrières mais allongeant férocement le gosier, s’insultait face à face. Chaque fois qu’un des couples réussissait à lâcher une bonne diatribe, il profitait de l’avantage pour s’étirer avec une effronterie très taurine, comme donnant pour achevé le travail. Mais comme les vaincus, voyant alors le terrain dégagé, prenaient alors l’initiative des cris, les autres revenaient à la lutte avec un nouveau souffle. Cela se produisit trois ou quatre fois, et déjà, quelques curieux avaient pris partie et permettaient des avancées aux adversaires, et finalement, la dispute menaçait de se transformer en altercation publique.
Don Julio, qui avait toujours fui les disputes de rue, observait entre appréhension et fascination. […] Et c’est alors que, soudainement sans savoir pourquoi, ni d’où lui venait cette brise d’inspiration qu’il sentait naître dans un coin de la vaste inanité de son esprit, il fit quelques pas vers le centre du cercle et ouvrit les bras avec une ouverture œcuménique de consternation. Pendant un instant, le silence régna, mais très rapidement, les parties sortirent de leur perplexité avec de nouveaux cris, dirigés, cette fois-ci, à l’intrus, et elles avançaient déjà vers lui lorsque Julio, gagnant un pas de plus, tendit les mains, comme s’il allait soigner des estropiés ou séparer les eaux, et dit de sa voix aiguë :
_ Mesdames et Messieurs : écoutez-moi.
Et par miracle, tous restèrent immobiles dans leur surprise. Personne ne sut, pas même lui, ce qu’il venait de se passer.

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Odile nous propose sa traduction :

Il y avait eu un accident de la circulation. Deux couples dans l'automne de leur vie, près des voitures cabossées, les hommes un peu en avant, les femmes en retrait mais allongeant férocement le cou, s'invectivaient nez à nez. Chaque fois que l'un des conjoints lâchait une longue diatribe, il profitait de l'avantage et prenait une posture très taurine, comme s'il avait achevé la faena. Mais si les vaincus voyant alors le champ libre, reprennaient l'initiative des cris, les autres, souffle retrouvé, revenaient à la charge. Cela se reproduisit trois ou quatre fois et quelques badauds avaient pris parti et commençaient à lancer des encouragements aux adversaires, tant et si bien que la dispute menaçait de dégénérer en altercation publique.
Don Julio, qui avait toujours fui les conflits citadins observait la scène, partagé entre appréhension et fascination (...) C'est alors, subitement, sans qu'il sache pourquoi ni d'où lui venait ce souffle d'inspiration qu'il sentait se lever dans un recoin de la vaste vacuité de son esprit, qu' il s'avança vers le centre du groupe, les bras ouverts, dans un geste œucuménique de consternation. Pendant un instant, le silence se fit, mais aussitôt les parties sortirent de leur état de perplexité avec des cris réitérés, cette fois à l'adresse de l'intrus, et déjà ils fonçaient sur lui lorsque don Julio, avançant d' un pas, étendit une main, comme s'il aller guérir des infirmes ou séparer les eaux et dit de sa voix flûtée:
- Mesdames et messieurs: consentement.
Et, comme par miracle, les uns et les autres suspendirent leurs mouvements. Personne ne sut jamais, pas même le propre don Julio, ce qui venait de se passer.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Salut Jacqueline, c'est Aurélie, j'ai déposé l'autre trad. Je voulais me permettre de faire un petit commentaire sur ta traduction, car je la trouve très bien, mais en même temps très travaillée, pas sur-tradruite, mais est-ce que parfois tu ne glisses pas dans l'interprétation? Je sais que ce ne sont pas les mêmes "techniques" en traduction littéraire, je ne suis qu'une humble petite étudiante en préparation du CAPES, qui aspire un jour à intégrer le master de trad... C'est pour cela que la discussion m'intéresse, d'autant que c'est un texte qui, à mon avis, se prête à l'exercice de la reformulation, mais je n'ai pas osé m'y aventuré.Merci beaucoup!