samedi 21 février 2009

Version d'entraînement, 24 (Jorge Volpi)

En photo : Jorge Volpi par EL TACUAREN

Aujourd'hui, le génial roman de Jorge Volpi, En busca de Klingsor

Cuando el teniente Francis P. Bacon, antiguo agente de la OSS, la Oficina de Servicios Estratégicos y consultor científico de las fuerzas de ocupación de Estados Unidos en Alemania, llegó a Núremberg a las ocho horas del 15 de octubre de 1946, nadie acudió a recibirlo. El encargado de llevarlo a la sala en la que se efectuarían las ejecuciones de los criminales de guerra nazis, Gunther Sadel, miembro del servicio de contrainteligencia adscrito al general brigadier Leroy H. Watson, responsable del enclave norteamericano, no apareció por ninguna parte; cuando Bacon se apeó del ferrocarril, la estación estaba casi vacía.
Después de unos minutos de espera, sin poder contener su irritación, el teniente preguntó a los policías militares que custodiaban el lugar qué sucedía. Nadie supo explicarlo. Un repentino silencio se abatía sobre ellos. Fuera de unos cuantos trabajadores -en su mayoría prisioneros de guerra o Pows, como se les llamaba entonces- que se esforzaban en dar mantenimiento a las vías, nadie parecía dispuesto a moverse. Bacon distinguió a un par de oficiales y, más allá, al jefe de estación, pero supuso que tampoco podrían ayudarlo. No le quedaba otro remedio que caminar hasta el Palacio de Justicia.
Estaba furioso. El viento otoñal chocaba contra su rostro. Las calles también permanecían desiertas, como si todavía pudiesen temer una alerta bélica. Ofendido, Bacon ni siquiera se molestaba en contemplar los restos de la ciudad -cuna de los Meistersanger (maestros cantores) y, hasta hacía poco, orgullosa sede del poder nazi- completamente desnuda por once bombardeos aliados antes del final de la guerra : las piedras que se amontonaban donde antes hubo iglesias, palacios y estatuas y parecían simples estorbos en su marcha, desgracias merecidas cuya perdida no valía la pena lamentar. En ningún momento se le ocurrió que, no muy lejos de ahí, había estado el museo más importante de Alemania o que, en una pequeña casa, ahora reducida a cenizas, había vivido el pintor y grabador Albrecht Dürer hasta su muerte en 1528.
Para él, Núremberg no era más que otro de los odiosos santuarios nazis en los cuales miles de jóvenes, orgullosos con sus camisas pardas, sus estandartes rematados con águilas y sus enormes antorchas, habían vitoreado a Hitler al tiempo que adoraban las esvásticas que, semejantes a arañas prehistóricas encaramadas en sus huevecillos, se deslizaban por los listones rojos que colgaban de los edificios públicos de Alemania. Cada septiembre, Núremberg acogía los festivales del partido nazi -el Nationalsozialistische Deutsche Arbeitpartei- y en 1935 fue elegida por el Führer para la promulgación de las leyes antisemitas. Además, en ella se habían conservado, como un símbolo del poder ario, las Reichkieinodien y los Reichsheiligtümer, las antiguas reliquias imperiales que Hitler había robado del Hofburg de Viena después de la anexión de Austria, entre las que se contaba la célebre Lanza de Longinos. En la mente de Bacon, los millones de judíos muertos en Auschwitz, Dachau y otros campos de concentración, como había quedado demostrado durante las sesiones del Tribunal Militar Internacional, eran auténticas razones por las cuales llorar y avergonzarse y no por el justo castigo infligido a uno de los bastiones del Tercer Reich.
Bacon acababa de cumplir veintisiete años, pero desde que llegó a Europa, en febrero de 1945, se había esforzado por parecer más maduro, más fuerte, más recio. Quería cancelar, de un plumazo, las debilidades que lo habían atormentado hasta entonces y que, en cierta medida, lo habían arrojado fuera de América. Ya no pretendía ser el mismo hombre respetuoso, razonable y sincero de antes : había aceptado esta misión, abandonando su trabajo científico en el Instituto de Estudios Avanzados de Princeton, como una forma de canalizar sus deseos de venganza y de probarse a sí mismo que ya era otro. Estaba decidido a demostrar que pertenecía al bando victorioso, sin permitirse una pizca de compasión hacia los derrotados.
A distancia, Bacon no se distinguía de los escasos soldados norteamericanos que patrullaban la zona. Tenía el cabello castaño oscuro, cortado al rape, los ojos claros y una nariz afilada de la que siempre se había sentido particularmente orgulloso. Portaba el uniforme con gallardía -que más bien era cierta rigidez--, esforzándose en lucir sus insignias, indiferente al dolor ajeno. Al hombro llevaba una gruesa mochila militar que contenía prácticamente todas sus pertenencias : unas cuantas mudas de ropa, algunas fotografías que, por cierto, no había vuelto a mirar desde su salida de Nueva Jersey, y un par de viejos ejemplares de Annalen der Physik, una de las revistas más importantes en su campo, sustraídos de una de las bibliotecas por las que había pasado.

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La traduction « officielle » par Gabriel Iaculli pour les éditions Plon :

Quand le capitaine Francis P. Bacon, ancien agent de l'OSS – service secret américain de l'époque – et consultant scientifique attaché aux forces d'occupation des États-Unis en Allemagne arriva à Nuremberg le 15 octobre 1946 à huit heures, personne ne vint l'accueillir. Quand Bacon descendit du train, la gare était pour ainsi dire déserte ; il n'aperçut nulle part Gunther Sadel, membre du service de contre-espionnage, adjoint au général de brigade Leroy H. Watson, responsable de l'enclave nord-américaine, qui aurait pourtant dû, comme convenu, le conduire à l'endroit où devait avoir lieu les exécutions des criminels de guerre nazis.
Après quelques minutes d'attente, incapable de contenir son irritation, le lieutenant demanda ce qui se passait aux agents de la police militaire qui surveillaient la gare. Pas un ne fut capable de lui répondre. Hormis quelques ouvriers – pour la plupart des prisonniers de guerre, des Pows, comme on les appelait – qui trimaient à réparer les voies, nul ne semblait disposé à remuer le petit doigt. Bacon aperçut deux officiers et, un peu plus loin, le chef de gare, mais il s'avisa qu'il ne pourraient rien faire pour lui eux non plus. Il ne lui restait plus qu'à se rendre au palais de justice.
Il était furieux. Les rafales de vent d'automne lui fouettaient le visage. Les rues étaient tout aussi désertes que la gare, comme si l'on redoutait encore une alerte aérienne. Bacon, offensé, n'accordait même pas un regard à la ville en ruine – berceau des fameux Maîtres chanteurs et, tout récemment encore orgueil et siège du pouvoir nazi ; elle avait été détruite de fond en comble par onze bombardements des Alliés peu avant la capitulation ; les pierres amoncelées aux abords des endroits où se dressaient naguère des églises, des palais et des statues n'étaient pour lui que des obstacles sur son chemin, des malheurs bien mérités, des pertes sur lesquelles il était inutile de se lamenter. Pas un seul instant il ne songea qu'à quelque distance s'était trouvé le musée le plus important d'Allemagne ni que la petite maison où Albrecht Dürer avait vécu jusqu'à sa mort, en 1528, était à présent réduite en cendres.
Nuremberg n'était pour lui que l'un des odieux sanctuaires nazis où des milliers de jeunes gens, fiers de leurs chemises brunes, de leurs bannières ornées d'aigles et leurs énormes flambeaux avaient acclamé Hitler, à l'heure où ils adoraient les svastikas, qui, pareilles à des araignées préhistoriques lovées dans leurs œufs, se détachaient sur les drapeaux rouges flottant devant les édifices publics de toute l'Allemagne. Tous les ans, au mois de septembre, se déroulait à Nuremberg, le grand festival du parti nazi – le Nationalsozialistiche Deutsche Arbeiterpartei –, et c'était là qu'étaient conservées comme symboles du pouvoir aryen les Reichskleinoden et les Reichsheiligtümer, anciennes reliques impériales que Hiteler avait soustraites à la Hofburg de Vienne après l'annexion de l'Autriche, parmi lesquelles figurait la fameuse lance de Longin. Dans l'esprit de Bacon, les millions de Juifs morts à Auschwitz, Dachau et autres camps de concentration, comme on l'avait démontré au cours des réunions du Tribulan militaire internationa, étaient la seule bonne raison de pleurer et d'avoir honte, et non pas le juste châtiment infligé à l'un des bastions du Troisième Reich.
Bacon venait de fêter ses vingt-six ans, mais, depuis son arrivée en Europe, en février 1943, il s'était efforcé de paraître plus mûr, plus fort, plus rude. Il voulait rayer d'un trait de plume les faiblesses qui l'avaient jusqu'alors tourmenté et qui avaient contribué dans une certaine mesure à le faire expulser des États-Unis. Il ne voulait plus de l'homme respecteux, sincère et raisonnable qu'il avait pu être : voilà pourquoi il avait accepté cette mission et abandonné ses travaux scientifiques à l'Institut des hautes études de Princeton ; c'était un moyen de canaliser ses désirs de vengeance et de se prouver qu'il n'était plus le même. Il avait bien l'intention de démontrer qu'il faisait partie des vainqueurs, sans se permettre la moindre compassion envers les vaincus.
Vu de loin, Bacon ne se distinguait pas des quelques soldats américains qui patrouillaient dans le secteur. Il avait des cheveux châtain sombre, coupés très court, des yeux clairs et un nez fin dont il s'était toujours senti très fier. Il portait l'uniforme avec prestance – ou plus exactement avec une certaine rigidité –, de manière à bien afficher son grade, indifférent aux souffrances d'autrui. Sur son épaule, un sac à dos de l'armée contenait à peu près tout ce qu'il possédait : des vêtements de rechange, quelques photographies sur lesquelles il n'avait évidemment pas jeté le moindre coup d'œil depuis son départ du New Jersey et quelques vieux exemplaires des Annalen der Physik, l'une des revues les plus importantes dans sa spécialité, dérobés dans les bibliothèques qu'il avait fréquentées.

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Odile nous propose sa traduction :

Lorsque le colonel Francis P. Bacon, ex agent de L'OSS, l'Office des Services Stratégiques, et consultant scientifique des forces d'occupation des Etats-Unis en Allemagne, arriva à Nuremberg le 15 octobre 1946, à huit heures, personne ne vint l'accueillir. Le délégué qui devait le conduire à la salle où auraient lieu les exécutions des criminels de guerre nazis, Gunher Sadel, membre du service de contre-intelligence et affecté au service du général -brigadier Leroy H. Watson, le responsable de la zone nord-américaine, était invisible; lorsque Bacon descendit du tramway, la gare était presque déserte. Après quelques minutes d'attente, ne pouvant retenir son irritation, le colonel s'informa auprès des hommes de la police militaire qui surveillaient l'endroit. Personne ne fut capable de lui donner une explication. Un brusque silence s'était abattu sur eux. Hormis quelques travailleurs, - pour la plupart des prisonniers de guerre, des Pows, comme on les appelait alors- qui s'efforcaient de maintenir les voies en état, personne ne semblait prêt à lever le petit doigt. Bacon aperçut deux officiers et, plus loin, le chef de gare, mais il supposa qu'ils ne pourraient pas non plus l'aider. Il ne lui restait plus qu'à se rendre au Palais de Justice à pied. Il était furieux. Le vent d'automne fouettait son visage. Les rues aussi étaient désertes comme si l'on redoutait encore une alerte aérienne. Vexé, Bacon, me regardait même pas les ruines de la ville, -berceau des Meistersanger (maîtres chanteurs) et, jusqu'il y a peu, siège arrogant du pouvoir nazi- complètement rasée par onze bombardements alliés avant la fin de la guerre: les pierres qui s'entassaient là avaient été des églises, des palais, des statues et ne semblaient que de simples obstacles sur son chemin, des malheurs mérités dont il ne fallait pas se lamenter. Á aucun moment il ne lui vint à l'esprit que près de là s'était trouvé le musée le plus important d'Allemagne ou que, dans une maisonnette, maintenant réduite en cendres, avait vécu le peintre et graveur Albrecht Dürer, jusqu'à sa mort en 1528.
Pour lui, Nuremberg n'était rien d'autre qu'un des odieux sanctuaires nazis où des millliers de jeunes, fiers de leurs chemises brunes, de leurs étendards surmontés d'aigles et de leurs énormes flambeaux avaient acclamé Hitler tout en vénérant les svastikas, qui telles des araignées préhistoriques lovées dans leurs oeufs, se détachaient sur les drapeaux rouges pendus aux édifices publics allemands. Chaque mois de septembre, Nuremberg accueillait les festivités du parti nazi -le Nationalsozialistische Deusche Arb- et, en 1935, la ville fut choisie par le Fürher pour y promulguer les lois antisémites. En outre, la ville conservait, comme un symbole du pouvoir aryen, les Reichkieinodien et les Reichsheiligtümer, les anciennes reliques impériales qu' Hitler avait volées au Hofburg de Vienne après l'annexion de l'Autriche, et parmi lesquelles se trouvait la célèbre lance de Longinus. Dans l'esprit de Bacon, la seule vraie raison de pleurer et d' éprouver de la honte étaient les millions de juifs morts à Auschwitz, à Dachau et dans les autres camps de concentration, comme l'avait démontré les sessions du Tribunal Militaire International, et non pas le juste chatiment infligé à l'un des bastions du Troisième Reich.
Bacon venait tout juste d'avoir vingt-sept ans, mais dès qu'il était arrivé en Europe, en février 1945, il s'était efforcé de paraître plus mature, plus fort, plus dur. Il voulait chasser, d'un coup de balai, les faiblesses qui l'avaient tourmentées jusqu'ici et qui, dans une certaine mesure, l'avaient poussé à quitter l'Amérique. Il n'était plus l'homme respectueux, raisonnable et pur d'autrefois: il avait accepté cette mission, abandonné son travail de scientifique à l'Institut d' Etudes Avancées de Princeton, pour en quelque sorte canaliser ses désirs de vengeance et se prouver à lui-même qu'il était enfin devenu un autre. Il était décidé à montrer qu' il appartenait au camp victorieux, sans s'autoriser la moindre compassion envers les vaincus. De loin, Bacon ne se distinguait guère des rares soldats nord-américains qui patrouillaient dans la zone. Il avait les cheveux châtain foncé, coupés très courts, les yeux clairs et un nez fin et pointu duquel il s'était toujours senti particulièrement orgueilleux. Il portait l'uniforme avec prestance -ou plutôt avec une certaine rigidité-, exhibant ses décorations, indifférent à la douleur d'autrui. Sur son épaule, un solide sac à dos militaire contenait presque tout ce qu'il possédait : quelques vêtements de rechange, quelques photos, que d'ailleurs il n'avait plus regardées depuis son départ de New-Jersey, et deux vieux numéros de Annalen der Physik, une des plus importantes revues dans sa spécialité, volés dans une des bibliothèques rencontrées sur son chemin.

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