lundi 13 avril 2009

Références culturelles, 97 : Dulcinée

En photo : Dulcinée par MERCEDES CAMACHO

DULCINEE
par Nathalie

Dulcinée du Toboso (Dulcinea del Toboso) est un personnage imaginaire du roman de Miguel de Cervantes, « l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de La Manche » (1605-1615)

Origine du nom :

Comme toujours, plusieurs hypothèses circulent… Il semble que Cervantes ait pu s’inspirer du roman pastoral du poète sarde Antonio de Lofraso, « Los diez libros de Fortuna de Amor » (Barcelone, 1573), roman dans lequel apparaît une bergère du nom de Dulcinea. Clin d’œil intertextuel de l’auteur : on retrouve ce livre dans la bibliothèque de don Quichotte (I,6).

Pour d’autres, « Dulcinea » serait l’anagramme de « dulce Ana » en référence à Ana de Zarco de Morales, femme dont Cervantes était amoureux et qui vivait à El Toboso, dans la maison qui a servi de modèle à l’auteur et qui est aujourd’hui transformé en musée ; je vous invite à visiter la ville en mettant vos pas dans ceux de don Quichotte et Sancho Panza : http://www.eltoboso.es/web/contenido.jsp?id=36&turismo=TRUE&i=
puis à entrer dans la Casa Museo de Dulcinea : http://www.eltoboso.es/web/contenido.jsp?id=31&turismo=TRUE&i=

Apparition(s) :
En photo : Dulcinée par fleur.penel

Comme tout chevalier errant qui se respecte, don Quichotte a besoin d’un écuyer qui le seconde (Sancho Panza) et d’une dame à qui dédier ses exploits : «… se dio a entender que no le faltaba otra cosa sino buscar una dama de quien enamorarse ; porque el caballero andante sin amores era árbol sin hojas y sin fruto y cuerpo sin alma » (I,1). Il jette, ainsi, son dévolu sur une simple paysanne (Aldonza Lorenzo) et lui donne un nom plus conforme à son nouveau statut : « …en un lugar cerca del suyo había una moza labradora de muy buen parecer, de quien él un tiempo anduvo enamorado, aunque, según se entiende, ella jamás lo supo, ni le dio cata dello. Llamábase Aldonza Lorenzo, y a ésta le pareció bien darle título de señora de sus pensamientos, y, buscándole nombre que no desdijese mucho del suyo y que tirase y se encaminase al de princesa y gran señora, vino a llamarla Dulcinea del Toboso, porque era natural del Toboso… » (I,1)

Toujours en quête d’absolu, don Quichotte pare Dulcinée de toutes les vertus ; elle incarne l’idéal féminin et n’a de fait aucune réalité tangible. Ce fantasme tout droit sorti de l’imagination bouillonnante du chevalier à la triste figure apparaît, dans la seconde partie du roman, sous les traits d’une paysanne « no de muy buen rostro » (II, 10) ; mais, là encore, obnubilé par son idéal, don Quichotte refuse de voir la réalité en face et s’imagine qu’on a jeté un sort à sa belle et tendre : « y has también de advertir, Sancho, que no se contentaron estos traidores de haber vuelto y transformado a mi Dulcinea, sino que la transformaron y volvieron en una figura tan baja y tan fea como la de aquella aldeana, y juntamente le quitaron lo que es tan suyo de las principales señoras, que es el buen olor, por andar siempre entre ámbares y entre flores… » (II, 10)

Renommé :

Le nom propre qui symbolise à un tel degré la femme idéale est devenu un nom commun avec une nuance ironique, voire moqueuse, qui nous rappelle que la Dulcinée du roman n’est finalement qu’une femme ordinaire, bien loin de l’image parfaite qui a germé dans l’esprit de don Quichotte.

Mais Dulcinée fait également partie de la mémoire collective; elle a acquis au fil des siècles une certaine autonomie et elle est devenue une source d’inspiration pour de nombreux artistes :

- Maurice Ravel, « Don Quichotte à Dulcinée », trois mélodies pour baryton, 1932 ;
- Salvador Dalí, « Dulcinée triomphante », 1958 ;
- Alexandre Volodine, « Dulcinée du Toboso », pièce de théâtre, 1966 ;
- Lorenzo Palomo, « Dulcinea », cantate, 2006 ;
- Dulcinea Langfelder, « La complainte de Dulcinée », chorégraphie, 2008…

1 commentaire:

adriana stein a dit…

Et si Dulcinea dépassait son sexe? ¿Et si elle était le symbole des Idéaux de la Chevalerie souillés par la réalité?