mardi 16 juin 2009

Entretien avec Eric Audinet (éditions Confluences), par Laure Labat

En photo : Eric Audinet
arpel.aquitaine.fr

Comment êtes-vous devenu éditeur ?

Je faisais des études de lettres et j’écrivais des livres ce qui m’a amené à créer en collaboration avec Olivier Cadiot et Pascale Monnier une maison d’édition que nous avons appelé Quffi & Fluk (en référence à Quik & Fluck) et qui publiait de la poésie contemporaine. Nous avions une presse à main et nous éditions comme ça. En parallèle j’écrivais, j’enseignais et je faisais aussi un peu de journalisme. Puis en 1987, un ami m’a appelé pour me proposer de créer une maison d’édition à Bordeaux : l’Horizon Chimérique, qui publie sur l’art et le patrimoine. Nous nous sommes séparés en 1993 et en 1994 sont nées les éditions Confluences.

Comment est né le nom de votre maison d’édition ?

Je porte un intérêt aux rivières et aux rencontres, étant à Bordeaux où la Garonne et la Dordogne se rejoignent pour former l’estuaire de la Gironde, je trouvais que le nom Confluences était encré dans ce lieu. Symboliquement c’est aussi la croisée des chemins ce qui correspond à ce que nous éditons : la littérature contemporaine côtoie une littérature plus ancienne, la nature est aussi présente que l’urbanisme.

Le premier livre que vous avez édité, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?

Les deux premiers ouvrages que j’ai édité étaient des livres sur la grosse cloche et le jardin public de Bordeaux qui réunissaient un écrivain et un photographe. Ils n’étaient pas mal du tout mais complètement hors du marché. Au début j’étais très loin des questions d’existence commerciale, de diffusion des livres. C’était secondaire et les livres ont eu un succès d’estime mais insuffisant sur le plan commercial.

Comment voyez-vous aujourd’hui le métier d’éditeur ?

Difficile. Le livre est cher, la concurrence des autres médias est énorme. Malgré tout on n’a jamais autant publié. Chaque livre est une aventure qui peut mal se terminer. Le livre est un prestige dont on n’a pas les moyens. Il est nécessaire pour les petits éditeurs de trouver des niches pour échapper à la concurrence ; mais le plus important c’est de bien faire notre métier afin de pouvoir nous en sortir. En somme, c’est un métier excitant.

Quelles sont les qualités qui font que vous vous intéressiez à un manuscrit plutôt qu’à un autre ?

C’est une question difficile car les critères sont différents selon qu’il s’agit de littérature ou d’histoire par exemple. Rien n’est plus diversifié qu’un livre. Confluences de la littérature, du patrimoine, de l’urbanisme : les qualités requises sont différentes. Dans un livre d’histoire il faut une qualité d’écriture alliée à une rigueur de travail scientifiquement irréprochable.
En ce qui concerne la littérature, je ne publie pas ce qui correspond à mes goûts. Je m’intéresse à une qualité d’écriture, un humour distancié, une littérature précise, intellectuelle et distanciée. C’est le lecteur qui parle. Mais ce n’est pas toujours l’avis du lecteur qui prime. J’aime la poésie mais je n’en publie pas.

Quels sont vos rapports avec vos auteurs ?

Compliqués. Ils doivent être professionnels mais ils sont affectifs car on touche à l’égo des personnes. Les exigences divergent. Ils se rencontrent dans le but : que le livre marche. C’est un lien contractuel, un engagement financier. Les auteurs ne sont jamais satisfaits car on s’occupe d’eux mais jamais assez.
Ce qui me passionne c’est le lien qui se crée entre deux personnes autour d’un manuscrit pour le transformer en livre.

Quel est votre meilleur souvenir ?

J’en ai deux :
— la découverte d’un auteur américain installé à Bordeaux, William Margolis, et qui écrivait en français. Cette rencontre a vraiment été exceptionnelle.
— le jour où nous sommes arrivés à la fin des neufs volumes consacrés à Arnaudin : une histoire qui nous a porté pendant douze ans.

Quel est le pire ?

La première fois qu’un auteur, avec lequel j’étais très lié, a publié chez un autre éditeur. Une expérience désagréable.
Tous les matins, quand je me lève en me disant : « comment va t’on finir le mois ? » ça fait quatorze ans que ça dure et nous sommes toujours là.

Quelles sont selon vous les qualités nécessaires à un bon éditeur ?

D’abord d’être un lecteur, un vrai lecteur, pas seulement de ce qu’il aime mais de ce qui est dans l’air du temps. Ensuite il faut être polyvalent. Etre bon dans le choix des manuscrits, être bon dans la distribution et dans la diffusion. L’éditeur est au centre d’une mécanique : il doit faire les bons choix. Un bon éditeur est celui qui arrive a bien vendre un bon livre. On peut devenir un bon éditeur, c’est l’expérience qui fait la qualité d’un éditeur.

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