mercredi 24 juin 2009

Références culturelles, 167 : Inti Raymi

En photo : Cuzco, Peru- Inti Raymi Festival par HONDAcrg

INTI RAYMI,
par Nathalie

L'Inti Raymi (littéralement, en quechua, la « Fête du Soleil » : Inti étant le soleil et Raymi, la fête) était, à l'origine, une cérémonie religieuse inca en l'honneur du Soleil, la divinité tutélaire (rappelons que l'Inca était considéré comme le Fils du Soleil, dans la cosmogonie inca). Elle avait lieu le 24 juin, au moment du solstice d'hiver, qui marque le renouveau de l'astre solaire et annonce le retour progressif de la lumière avec l'accroissement des heures diurnes.

Laissons el Inca Garcilaso de la Vega (fils d'un capitaine espagnol et d'une princesse inca, 1539-1616) nous expliquer pourquoi cette fête était si importante pour ses ancêtres :

« Entre cuatro fiestas que solemnizaban los reyes Incas en la ciudad del Cozco [Cuzco], que fue otra Roma, la solemnísima era la que hacían al sol por el mes de junio (que llamaban Intip Raimi, que quiere decir « la pascua solemne del sol ». […]
Hacían esta fiesta al sol en reconocimiento de tenerle y adorarle por sumo, solo y universal dios, que con su luz y virtud criaba y sustentaba todas las cosas de la tierre. Y en reconocimiento de que era padre natural del primer Inca Manco Cápac y de la Coya [mujer del Inca] Mama Ocllo Huaco y de todos los reyes y de sus hijos y descendientes enviados a la tierra para el beneficio universal de las gentes. [...]» (Comentarios Reales de los Incas, I, libro 6, cap. XX, Fondo de Cultura Económica, Pérou, 1991).

Notons, au passage, la volonté de Garcilaso de glorifier l'Inca, dont l'empire est comparable à celui de Rome et dont la filiation s'apparente à celle du Christ.

Voici (dans ses grandes étapes) comment se déroule la cérémonie : elle a lieu à Sacsayhuamán, forteresse située à 2 kilomètres de Cuzco, capitale de l'empire inca, dont le nom signifie, en quechua, « nombril du monde ». Des quatre coins du royaume (el Tahuantinsuyu), les invités accourent : chefs militaires, curacas [fonctionnaires, chefs de villages] parés, armés, les bras chargés d'offrandes... Les présents ont respecté un jeûne de 3 jours et se sont abstenus de tout rapport sexuel. Dans la cité, plus un seul feu ne brûle.

La veille de la cérémonie, les prêtres incas sélectionnent les lamas qui vont être sacrifiés tandis que les Vierges du Soleil [= Vestales] préparent à manger (les zancus, petits pains ronds à base de farine de maïs) et à boire (de la chicha).

Le jour de la fête, l'Inca et ses proches se rendent l'un derrière l'autre, selon son rang et son âge, sur la place centrale pour assister au lever du soleil :

« Allí esperaban a que saliese el sol y estaban todos descalzos y con gran atención mirando al oriente. Y en asomando el sol todos se ponían en cuclillas (que entre estos indios es tanto como ponerse de rodillas) para adorarle y con los brazos abiertos y las manos alzadas y puestas en derecho del rostro, dando besos al aire (que es lo mismo que en España besar su propia mano o la ropa del príncipe cuando le reverencian), le adoraban con grandísimo afecto y reconocimiento de tenerle por su dios y padre natural. » (ib, p. 371)

L'Inca s'avance avec deux vases d'or remplis de chicha : il en offre un au Soleil et boit dans l'autre, puis le passe aux membres de sa famille. Sur une autre place de la ville, les invités font de même. Puis tous se dirigent vers le Temple du Soleil (le Coricancha) mais seuls les membres de la famille royale ont le droit d'y pénétrer; une fois que les prêtres ont reçus les vases et les offrandes, ils procèdent aux sacrifices : d'abord un petit lama noir pour lire dans son cœur ou ses poumons ce que leur réserve l'avenir; puis quantité d'autres lamas, dont on récupère le cœur et le sang pour l'offrir au Soleil.

C'est au moyen d'un bracelet en or, orné d'une médaille représentant un vase, qu'est rallumé le feu dans la ville : le Grand Prêtre dirige ce bracelet en direction du soleil et réfléchit les rayons sur un peu de coton qui s'enflamme rapidement : ce feu sacré, « dado de la mano del Sol »(p. 375), va servir à brûler les animaux sacrifiés et à cuire le repas de la cérémonie; il sera ensuite veillé toute l'année dans le Temple du Soleil et dans la Maison des Vierges du Soleil, jusqu'au prochain solstice d'hiver.

Après avoir mangé la viande et les pains de maïs, les invités attendent que l'Inca commence à boire car il faut respecter un ordre précis :

« El que convidaba a beber llevaba sus dos vasos en las manos y si el convidado era de menor calidad le daba el vaso de la mano izquierda. Y si es de mayor o igual, el de la derecha, con más o menos comedimiento conforme al grado o calidad del uno y del otro. Y luego bebían ambos a la par. Y habiendo vuelto a recibir su vaso se volvía a su lugar. Y simepre en semejantes fiestas el primer convite era del mayor al menor, en señal de merced y favor que el superior hacía al inferior. De allí a poco iba el inferior a convidar al superior, en reconocimiento de su vasallaje y servidumbre. » (ib, p. 377)

Après ses libations, on chante et on danse. Les festivités durent 9 jours puis chacun rentre dans sa province après avoir ainsi rendu hommage à son dieu et à son roi. Car l'Inti Raymi n'est pas qu'une fête religieuse : c'est aussi une cérémonie éminemment politique. L'Inca, en respectant le rituel très codifié et très hiérarchisé que l'on vient de décrire, réaffirme son pouvoir – qui émane directement du Soleil – et son autorité sur ses vassaux.

L'Inti Raymi (qui avait disparu depuis 1572, date de l'interdiction espagnole) est à nouveau célébré au Pérou. C'est Humberto Vidal Unda (professeur d'université péruvien) qui a décidé en 1944 de réaliser une reconstitution historique de la cérémonie : devant l'enthousiasme suscité par cette manifestation, la fête du Soleil renaît chaque année, et pas seulement à Cuzco : on la retrouve dans d'autres pays d'Amérique Latine et même en Europe. L'Inti Raymi nouvelle version s'apparente davantage à un spectacle folklorique pour touristes qu'à une véritable cérémonie religieuse mais cette fête témoigne, malgré tout, de la survivance des rites et des croyances incas ou, plus largement de la culture amérindienne.

Si vous souhaitez assister à ce spectacle, je vous conseille d'aller sur You Tube : vous aurez l'embarras du choix ! Voici un extrait de la cérémonie « el Sol dialoga con el Inca » : http://www.youtube.com/watch?v=DddzHZQkJfw&feature=related

Aucun commentaire: