dimanche 21 juin 2009

Votre thème du week-end, Madame de Staël

En photo : 5_madame_de_stael par tizianella48

Oswald lord Nelvil, pair d'Ecosse, partit d'Edimbourg pour se rendre en Italie pendant l'hiver de 1794 à 1795. Il avait une figure noble et belle, beaucoup d'esprit, un grand nom, une fortune indépendante; mais sa santé était altérée par un profond sentiment de peine, et les médecins, craignant que sa poitrine ne fût attaquée, lui avaient ordonné l'air du midi. Il suivit leurs conseils, bien qu'il mît peu d'intérêt à la conservation de ses jours. Il espérait du moins trouver quelque distraction dans la diversité des objets qu'il allait voir. La plus intime de toutes les douleurs, la perte d'un père, était la cause de sa maladie; des circonstances cruelles, des
remords inspirés par des scrupules délicats, aigrissaient encore ses regrets, et l'imagination y mêlait ses fantômes. Quand on souffre, on se persuade aisément que l'on est coupable, et les violents chagrins portent le trouble jusque dans la conscience.
A vingt-cinq ans il était découragé de la vie, son esprit jugeait tout d'avance, et sa sensibilité blessée ne goûtait plus les illusions du coeur. Personne ne se montrait plus que lui complaisant et dévoué pour ses amis quand il pouvait leur rendre service ; mais rien ne lui causait un sentiment de plaisir, pas même le bien qu'il faisait; il sacrifiait sans cesse et facilement ses goûts à ceux d'autrui ; mais on ne pouvait expliquer par la générosité seule cette abnégation absolue de tout égoïsme ; et l'on devait souvent l'attribuer au genre de tristesse qui ne lui permettait plus de s'intéresser à son propre sort. Les indifférents jouissaient de ce caractère, et le trouvaient plein de grâce et de charmes; mais quand on l'aimait, on sentait qu'il s'occupait du bonheur des autres comme un homme qui n'en espérait pas pour lui-même; et l'on était presque affligé de ce bonheur qu'il donnait sans qu'on pût le lui rendre.
Il avait cependant un caractère mobile, sensible et passionné ; il réunissait tout ce qui peut entraîner les autres et soi-même ; mais le malheur et le repentir l'avaient rendu timide envers la destinée : il croyait la désarmer en n'exigeant rien d'elle. Il espérait trouver dans le strict attachement à tous ses devoirs, et dans le renoncement aux jouissances vives, une garantie contre les peines qui déchirent l'âme; ce qu'il avait éprouvé lui faisait peur, et rien ne lui paraissait valoir dans ce monde la chance de ces peines : mais quand on est capable de les ressentir, quel est le genre de vie qui peut en mettre à l'abri ?
Lord Nelvil se flattait de quitter l'Ecosse sans regret, puisqu'il y restait sans plaisir ; mais ce n'est pas ainsi qu'est faite la funeste imagination
des âmes sensibles : il ne se doutait pas des liens qui l'attachaient aux lieux qui lui faisaient le plus de mal, à l'habitation de son père. Il y avait dans cette habitation des chambres, des places dont il ne pouvait approcher sans frémir; et cependant, quand il se résolut à s'en éloigner, il se sentit plus seul encore.
Quelque chose d'aride s'empara de son coeur ; il n'était plus le maître de verser des larmes quand il souffrait; il ne pouvait plus faire renaître ces petites circonstances locales qui l'attendrissaient profondément ; ses souvenirs n'avaient plus rien de vivant, ils n'étaient plus en relation avec les objets qui l'environnaient; il ne pensait pas moins à celui qu'il regrettait; mais il parvenait plus difficilement à se retracer sa présence.
Quelquefois aussi il se reprochait d'abandonner des lieux où son père avait vécu. - Qui sait, se disait-il, si les ombres des morts peuvent suivre partout les objets de leur affection ? Peut-être ne leur est-il permis d'errer qu'autour des lieux où leurs cendres reposent ! Peut-être que dans ce moment mon père aussi me regrette ; mais la force lui manque pour me rappeler de si loin !

Madame de Staël, Corinne ou l'Italie, 1807

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Brigitte nous propose sa traduction :


THEME - Madame DE STAEL – Corinne ou l’Italie, 1807.

Oswald lord Nelvil, par de Escocia, salió de Edinburgo para ir a Italia durante el invierno de 1794 a 1795. Tenía un rostro noble y hermoso, mucho ingenio, un nombre famoso, fortuna propia ; pero su salud resultaba alterada por un profundo sentimiento de tristeza y los médicos, temiendo que su pecho sea atacado, le habían recetado los aires del sur. Siguió sus consejos, aunque poco interés mostraba en conservar la vida ; esperaba al menos encontrar allí alguna distracción en la diversidad de los objetos que iba a ver. El dolor más íntimo entre todos, la pérdida de su padre, era la causa de su enfermedad ; unas circunstancias crueles, unos remordimientos inspirados por escrúpulos delicados, agríaban todavía más su pesar, y la imaginación mezclaba con ello sus fantasmas. Cuando alguién sufre, se convince fácilmente de que es culpable, y las penas violentas llevan la confusión hasta la consciencia.
A los veinticinco años estaba desanimado por la vida, su mente lo juzgaba todo por anticipado, y su sensibilidad herida ya no disfrutaba las ilusiones del corazón. Nadie se mostraba tan complaciente y abnegado como él para con sus amigos cuando podía hacerles un favor ; pero nada le complacía, ni siquiera el bien que hacía ; siempre sacrificaba, y con mucha facilidad, sus propias aficiones a las ajenas ; pero no se podía explicar por la sola generosidad su abnegación absoluta desprovista de todo egoísmo ; y muchas veces atribuían esto al género de tristeza que ya no le hacía posible interesarse en su propia suerte. Los que eran indiferentes se aprovachaban de este carácter y lo encontraban atractivo y encantador ; pero los que le queríamos, sentíamos que él cuidaba de la felicidad ajena como quien ya no la esperaba para sí mismo ; y nos sentíamos casi afligidos por esta felicidad que daba sin que pudiéramos darle el cambio/devolvérsela.
Sin embargo tenía un carácter vivo, sensible y apasionado ; reunía todo lo que puede conllevar a los otros y a sí mismo ; pero la desgracia y el arrepentimiento le habían vuelto cauteloso hacia con el destino : creía desarmarlo al no exigir nada de él. En el estricto cumplimiento de todas sus obligaciones y la renuncia a todos los placeres de la existencia pensaba encontrar una garantía contra las penas que destrozan el alma ; lo que había experimentado le daba miedo, y nada le parecía cobrar tanto valor en este mundo como la suerte de tales penas : pero cuando uno es capaz de experimentarlas, ¿ qué tipo de existencia nos puede proteger contra ellas ?
Lord Nalvil sa vanagloriaba de abandonar Escocia sin añoranza, ya que se había quedado sin placer ; pero así no está hecha la funesta imaginación de las almas sensibles : no sospechaba los vínculos que le unía a los lugares que más dolor le causaban, a la vivienda de su padre. Había en esta casa, unas habitaciones, unos sitios de los cuales no se podía acercar sin estremecerse ; y sin embargo, cuando se avinó a alejarse de ellas, se sintió todavía más solo.
Algo insensible se apoderó de su alma ; ya no era dueño de derramar lágrimas cuando sufría ; ya no podía hacer renacer aquellos pequeños acontecimientos locales que le enternecían en lo más hondo del alma ; sus recuerdos ya no tenían nada vivo, ya no estaban vinculados con los objetos que le rodeaban ; no por ello pensaba menos en quien echaba de menos ; pero le resultaba más difícil recrear su presencia.
A veces también se reprochaba haber abandonado los lugares donde había vivido su padre. – ¿ Quién sabe, decía él, si las sombras de los muertos pueden seguir a todas partes los objetos de su afección ? Acaso sólo les está permitido vagar alrededor de los lugares donde descansan sus cenizas ? ! Acaso en este momento mi padre también me echa de menos ; pero le falta la fuerza para volver a llamarme desde tan desde tan lejos !

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