mardi 29 septembre 2009

En photo : Stéphanie BENSON, entre2noirs.com

Remercions Stéphanie Benson, écrivain aux multiples talents (personnellement, je suis une inconditionnelle ; d'autant que je garde un excellente souvenir d'un lointain Salon du Livre de paris, où j'ai anonymement rencontré une auteure ouverte et chaleureuse… qui a pris le temps de m'écrire une gentille dédicace), enseignante à l'Université Michel de Montaigne – Bordeaux 3 et animatrice de l'un des deux ateliers d'écriture que suivront la promo 2009-2010, d'avoir accepté de répondre à quelques questions.

Le site officiel de Stéphanie Benson :
http://www.stephaniebenson.org/


1- Depuis quand et comment avez-vous commencé à animer des ateliers d'écriture ?

À peu près en même temps que ma première publication. Les demandes sont venues d'abord d'amis enseignants, puis de personnes qui avaient lu le roman, puis, lors de mes publications jeunesse, d'enseignants un peu partout. Ensuite j'ai travaillé avec Philippe Berthaut à Toulouse qui mène une vraie (et riche) réflexion autour de la question de l'atelier, comment on la conduit, quels sont ses buts, etc. L'atelier, comme les 'creative writing classes' aux Etats-Unis ne créent pas des écrivains. C'est un espace-temps mis à la disposition de chacun pour qu'il établisse une relation avec l'écriture expressive, la plupart du temps de prose et de fiction, mais pas forcément.
2- Dans quelle mesure cela a-t-il une incidence sur votre propre travail en tant qu'écrivain ?
Pour moi — mais je sais que ce n'est pas le cas pour beaucoup de collègues — les ateliers m'ont aidé à analyser mon propre travail et, j'espère, à mieux maîtriser la construction d'un récit. Ils m'ont permis de vite sortir du piège de l'écriture instinctive. Mais beaucoup de collègues estiment que cet instinct n'est pas un piège et ne veulent surtout pas s'en éloigner. Dans ce cas, ils refusent, un peu à la Beckett (je ne peux pas enseigner ce que je ne comprends pas moi-même).
3- Quel genre de méthode suivez-vous… ? Laissez-vous une totale liberté à vos apprentis écrivains ou leur donnez-vous au contraire beaucoup de consignes pour baliser au maximum leur travail ?
Ça dépend beaucoup des participants. Pour le premier atelier M2 Pro, j'avais laissé les participants très libres, et certains ont eu beaucoup de mal. Par la suite, j'ai préféré donner beaucoup de consignes. En fait, c'est moi qui m'occupe de la structure globale du récit, les participants s'occupent de leurs personnages, de les faire exister puis évoluer.
4- Cela vous arrive-t-il d'être confrontée à des gens qui réellement ne sont pas du tout faits pour cela et qui peinent à produire une nouvelle, par exemple ? Que faites-vous dans ce cas-là ?
Oui, bien sûr. Il me semble que cet exercice doit rester dans le domaine du plaisir. Si c'est vraiment trop difficile je suggère autre chose, un poème, par exemple, ou même un texte de réflexion de type essai. Certains de ces textes-là, d'ailleurs, sont magnifiques.

5 - Dans un sondage que nous avons fait récemment sur notre blog, Tradabordo, une bonne majorité a estimé qu'il était indispensable d'écrire soi-même pour traduire correctement… Qu'en pensez-vous ?
Je connais un certain nombre d'excellents traducteurs qui n'écrivent pas, ou très peu. Et on connais tous les cas de traductions extrêmement libres voire infidèles faites par des écrivains. Au sein de la formation, ce ne sont pas forcément les participants les plus à l'aise en écriture expressive qui le sont en traduction. Parfois, si, mais pas systématiquement. En fait, je crois qu'il n'y a pas de règle.

6- Question subsidiaire : le fait d'écrire soi-même, en particulier de la littérature, ne vous semble-t-il pas susceptible de créer des interférences avec la voix de l'auteur que le traducteur a ensuite à traduire ?
Oui, c'est un risque, bien sûr. Encore une fois, je pense que ça dépend de l'écrivain. J'ai traduit l'année dernière l'essai de Virginie Despentes, "King Kong théorie", et parfois j'étais tentée d'y mettre un peu de ma pâte. Mais on a des relecteurs qui font très attention à ce genre de chose. Et cela dépend, encore une fois, de l'auteur de la source et de vos rapports avec lui.

7- Faites-vous de la traduction ?
Voir supra ! Oui, donc. J'ai également traduit des nouvelles de Sherlock Holmes à destination du jeune public ou nous avons volontairement "mis au goût du jour" le style de Conan Doyle. Et puis des petites choses ici et là, quand on me le demande. J'ai longtemps trouvé que j'étais très maladroite dans le passage d'une langue à l'autre. Aujourd'hui, avec l'expérience (pour ne pas dire l'âge) j'aurais peut-être envie de m'y mettre plus régulièrement.

8- Il me semble que vous écrivez majoritairement en français… Pourquoi le français plus que l'anglais ?
Il faudrait dix pages, au moins, pour faire une réponse digne de la question.
9- Êtes-vous traduite, notamment en anglais ? Si c'est le cas, quel rapport entretenez-vous avec cet autre texte qui est en même temps le vôtre et dans cette langue qui est également la vôtre ? Si ce n'est pas le cas, préféreriez-vous faire la traduction vous-même ou la laisser à un tiers ?
Je ne suis pas traduite en anglais. Les Anglais traduisent très peu du français, et plutôt les meilleurs ventes dans lesquelles je ne figure malheureusement pas. Il a été question d'une traduction vers l'anglais que j'aurais confié à un traducteur, mais finalement, l'éditeur n'a pas donné suite. J'ai tenté quelques pages d'auto-traduction de mes textes, et j'ai trouvé ça pénible, mais qui sait, peut-être un jour. Je crois, cependant, que cela serait plutôt une réécriture qu'une traduction. Pour l'écrivain que je suis, le texte n'est pas simplement une question de sens mais également de rythme, de musique, de visualité, une vraie matière. Dans ce cas, je n'aurais pas le même respect pour mes propres textes sources que j'ai quand je traduis le travail de quelqu'un d'autre. Pour les autres traductions, (chinois, tchèque...) bien sûr, la question ne se pose pas (de l'auto-traduction).
10- Lisez-vous fréquemment des traductions françaises de l'anglais ou lisez-vous systématiquement en anglais ?
Oui, je lis des traductions, parfois avec le texte source, parfois seulement le texte en anglais. Ça dépend ce que c'est comme livre, comment je tombe dessus. Parfois je lis des traductions d'amis.

11- Quels conseils donneriez-vous à une promotion de futurs traducteurs ?
Traduisez, traduisez, traduisez. Le plus que vous pouvez. Cette année est une chance. Par la suite, si vous envoyez un essai de traduction à un éditeur et que ce n'est pas au point, ça sera trop tard. Cette année, vous avez la chance de travailler avec des professeurs et des professionnels, ne ratez pas cette chance-là. La traduction doit être une passion. Et plus on traduit, plus les réflexes viennent vite, moins c'est laborieux, donc allez-y. C'est un métier difficile, les places sont chères, profitez de cette formation pour vous imposer de vrais rythmes de traduction, même si votre vie sociale est mise entre parenthèses un petit peu !

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