vendredi 4 septembre 2009

Votre version de la semaine, Vázquez Figueroa

En photo : Alberto Vazquez Figueroa, par quico g.

Un agresivo mar de lava ; un desolado universo de agrestes montañas que se elevaban hasta donde alcanzaba la vista, con tan distintas tonalidades de color en las rocas, pasando del negro al ocre, y del amarillo intenso al magenta, que cabría imaginar que quien lo pintó debió de pasar largas jornadas mezclando colores hasta conseguir una infinita gama de matices sin necesidad de tener que recurrir a los azules, los blancos o los verdes.
Pero aquel impresionante «Valle del Silencio» no era fruto de la desbordada fantasía de un artista deseoso de crear algo nuevo y absolutamente diferente, sino una muestra más de hasta qué punto la naturaleza es capaz, cuando se empeña en ello, de superarse a sí misma a la hora de demostrar su inagotable originalidad.
Caía la tarde, la hora en que una luz suave y tamizada extraía con mayor precisión los detalles de un lugar único e inimitable, y la mujer, que había permanecido largo rato absorta y en silencio, como si fuera la primera vez que contemplaba un espectáculo que no obstante había visto cientos de veces, inquirió de repente:
- ¿Se trata del verdadero origen de la vida?
- Me temo que sí.
- En ese caso, ¿dónde está Dios?
- Dios está en la creación del universo, en todo cuanto vemos cuando alzamos el rostro en mitad de la noche y distinguimos miríadas de planetas, cometas, estrellas y constelaciones que giran la una en torno a la otra como la más perfecta maquinaria.
- Pero eso no son más que objetos ; un conjunto de minerales y elementos químicos. Yo te estoy hablando de vida.
- ¿De vida o de alma?
- Vida en los animales y las plantas -puntualizó ella-; alma en los seres humanos.
Damián Ojeda ni siquiera se volvió a mirar a su esposa pues continuaba hipnotizado por el espectáculo de los volcanes de negra lava y rojizas rocas que conformaban el fantasmal paisaje. Tras unos instantes de reflexión, replicó:
- La vida, tal como nosotros la entendemos, es apenas una parte infinitesimal del conjunto del universo ; menos que un grano de arena en el desierto o una gota de agua en el océano que se extiende al otro lado de esos volcanes... -Hizo un corto paréntesis de silencio en su disertación antes de añadir-: A los seres humanos ni tan siquiera se nos distingue en la totalidad de la tierra, y la tierra no es más que un minúsculo planeta de una minúscula estrella de una minúscula galaxia. Pero aun así somos tan estúpidamente pedantes que nos consideramos el centro de la creación y pretendemos que Dios nos hizo a su imagen y semejanza.
- Esa siempre se me ha antojado una afirmación monstruosa -admitió ella-. Y no por la incalificable osadía de intentar colocarnos a la altura del Señor, sino por la falta de respeto que significa hacerlo descender hasta nuestro nivel.
- Aun así nos aferramos a la idea de que Dios siempre está pendiente de nosotros, cuando en realidad tan solo somos una imperceptible consecuencia de su obra.
-No me gusta que hables así -masculló evidentemente malhumorada Leonor Salazar, una mujer alta y muy delgada que había superado ya el medio siglo, pero pese a ello conservaba una atractiva figura gracias sin duda a una constante dedicación y un agotador ejercicio físico-. Según esa teoría seríamos simples pedazos de roca que habrían conseguido evolucionar con el paso de millones de millones de años.
- Y según nos han revelado los microscopios, es lo que en realidad somos -sentenció su marido, convencido de lo que decía.
- Cuando dices esas cosas tengo la impresión de que con todo esto pretendes ir más allá que el propio Darwin.
- Más allá, no... -fue la tranquila respuesta-. Tan solo seguir el camino que él inició casi en la recta final de su vida.
- Explícate.
- Es muy simple : Darwin desarrolló su teoría de la evolución de las especies partiendo de la base de que estas ya existían ; lo único que hicieron fue ir adaptándose muy lentamente al medio en que les correspondió vivir.
- Eso lo vimos muy bien cuando estuvimos en las Galápagos -admitió ella-. Sobre todo cuando estudiamos aquella curiosa variedad de pinzones que tanto nos sorprendió. Pero de lo que vimos allí a lo que pretendemos hacer creer ahora, media un abismo.
- No tanto -la contradijo Damián Ojeda sin cambiar el tono de voz-. Tras lo que hemos venido observando durante estos últimos días, debemos admitir que en un principio muy remoto esas especies evolucionaron a partir de la unión de una serie de elementos químicos a los que la simple casualidad asoció de tal modo que dio origen a una forma de vida que millones de años más tarde finaliza en nosotros.
- ¿Te das cuenta de qué puede significar eso para la especie humana? -quiso saber su esposa-. ¿Qué hará la gente cuando descubra que todo en lo que siempre ha creído, todos sus principios éticos y morales partieron de una base errónea?

Alberto Vázquez Figueroa, A la deriva, 2005

***

Claire nous propose sa traduction :

A la deriva. Alberto Váquez Figueroa

Une mer de lave agressive ; un univers désolé de montagnes sauvages qui se dressaient à perte de vue, avec tant de différentes tonalités de couleur sur les roches, allant du noir à l’ocre, du jaune intense au magenta, qu’on pouvait imaginer que celui qui l’avait peint avait dû passer de longues journées à mélanger les couleurs pour obtenir une gamme infinie de nuances sans avoir besoin de recourir ni aux bleus, ni aux blancs, ni aux verts.
Mais cette impressionnante « Vallée du Silence » n’était pas le fruit de l’imagination débordante d’un artiste désireux de créer quelque chose de neuf et d’absolument différent, mais une preuve supplémentaire de la façon dont la nature est capable, quand elle s’y applique, de se surpasser au moment de faire montre de son inépuisable originalité.
Le soir tombait, l’heure où une lumière douce et tamisée faisait ressortir avec une plus grande précision les détails d’un lieu unique et inimitable, et la femme, qui était restée un long moment absorbée et silencieuse, comme si c’était la première fois qu’elle contemplait un spectacle qu’elle avait pourtant vu des centaines de fois, demanda soudain :
Il s’agit de la véritable origine de la vie ?
J’ai bien peur que oui.
Dans ce cas-là, quel est le rôle de Dieu ?
Dieu se trouve dans la création de l’univers, dans tout ce que nous voyons quand nous
levons les yeux au milieu de la nuit et que nous distinguons des myriades de planètes, de comètes, d’étoiles et de constellations qui tournent les unes autour des autres comme la plus parfaite des machines.
Mais il ne s’agit pas d’autre chose que d’objets ; un ensemble de minéraux et
d’éléments chimiques. Moi je te parle de vie.
De vie ou d’âme ?
De vie chez les animaux et les plantes –précisa-t-elle- d’âme chez les êtres humains.
Damián Ojeda ne se retourna même pas pour regarder sa femme tant il restait hypnotisé par le spectacle des volcans de lave noire et des roches rougeâtres qui formaient le paysage fantomatique. Après quelques instants de réflexion, il répliqua :
La vie, comme nous autres nous l’entendons, est à peine une partie infinitésimale de
l’ensemble de l’univers ; moins qu’un grain de sable dans le désert ou une goutte d’eau dans l’océan qui s’étend de l’autre côté de ces volcans… -Il fit une courte parenthèse silencieuse dans son exposé avant d’ajouter- : On nous distingue à peine, nous les humains, dans la totalité de la terre, et la terre n’est que la minuscule planète d’une minuscule étoile d’une minuscule galaxie. Mais malgré ça nous sommes si stupidement orgueilleux que nous nous considérons comme le centre de la création et nous prétendons que Dieu nous a fait à son image et semblable à lui.
Cela m’a toujours semblé une affirmation monstrueuse –admit-elle-. Et non parce que
c’est une audace sans nom que de tenter de nous mettre à hauteur du Seigneur, mais parce que c’est un manque de respect que de la faire descendre à notre niveau.
- Même ainsi nous nous accrochons à l’idée que Dieu est toujours préoccupé par notre sort, alors qu’en réalité nous ne sommes qu’une conséquence imperceptible de son œuvre.
Ca ne me plait pas que tu parles ainsi –marmonna, avec une évidente mauvaise
humeur Leonor Salazar, une femme grande et très mince qui avait déjà dépassé le demi-siècle et qui malgré cela conservait une silhouette attirante, sans doute grâce à une application constante et à une activité physique épuisante-. Selon cette théorie nous ne serions que de simples morceaux de pierre qui auraient réussi à évoluer au fil de millions et de millions d’années.
Et d’après ce que nous ont révélé les microscopes, c’est ce que nous sommes en
réalité –affirma son mari, convaincu de ce qu’il disait.
Quand tu dis ces choses-là j’ai l’impression qu’avec tout ça tu aspires à aller encore
plus loin que Darwin lui-même.
Plus loin, non… -répondit-il tranquillement. Seulement continuer le chemin sur lequel
il s’est avancé quand il était presque sur la dernière ligne droite de sa vie.
Explique-toi.
C’est très simple, Darwin a développé sa théorie de l’évolution des espèces en posant
qu’elle existait déjà ; la seule chose qu’elles ont fait c’est de s’adapter très lentement au milieu dans lequel elles ont dû vivre.
Ca nous l’avions bien vu quand nous étions aux Galapagos –admit-elle. Surtout quand
nous avons étudié cette curieuse variété de pinsons qui nous a tant étonnés. Mais entre ce que nous avons vu là-bas et ce que nous essayons de faire croire maintenant, il y a un grand pas.
Pas tant que ça –la contredit Damián Ojeda sans changer le ton de sa voix. Après tout
ce que nous avons pu observer ces derniers jours, nous devons admettre que, dans des temps très anciens, ces espèces ont évolué à partir de l’union entre une série d’éléments chimiques que le pur hasard a associé de telle façon qu’il a donné naissance à une forme de vie qui des millions d’années plus tard aboutit à nous.
Tu te rends compte de ce que ça peut signifier pour l’espèce humaine ? –voulu savoir
son épouse. Que feront les gens quand ils découvriront que tout ce en quoi ils ont toujours cru, tous leurs principes éthiques et moraux, ont pour point de départ un principe erroné ?

***

Amélie nous propose sa traduction :

Une mer de lave agressive ; un univers désolé de montagnes sauvages qui s’étendaient à perte de vue, avec tant de différentes tonalités de roches, allant du noir à l’ocre, et du jaune vif au magenta, qu’on pourrait imaginer que celui qui les avait peintes avait dû passer des journées entières à mélanger les couleurs pour parvenir à une gamme infinie de nuances sans avoir besoin de recourir au bleu, au blanc ou au vert.
Mais cet impressionnant « Valle del Silencio » n’était pas le fruit de la fantaisie débordante d’un artiste désireux de créer quelque chose de nouveau et d’absolument différent, mais une preuve supplémentaire révélant à quel point la nature est capable, quand elle s’y attelle, de se surpasser elle-même, à l’heure de démontrer son originalité inépuisable.
La nuit tombait, c’était l’heure où une lumière douce et tamisée recueillait les détails d’un lieu unique et inimitable avec une précision accrue, et la femme, qui était restée un long moment silencieuse et plongée dans ses pensées, comme si c’était la première fois qu’elle contemplait un spectacle qu’elle avait pourtant déjà vu des centaines de fois, s’enquit soudain :
« C’est la véritable origine de la vie ?
- J’en ai bien peur.
- Dans ce cas-là, où est Dieu ?
- Dieu se trouve dans la création de l’univers, dans tout ce que nous voyons quand nous levons les yeux au milieu de la nuit et que nous distinguons des myriades de planètes, comètes, étoiles et constellations qui tournent les unes autour des autres comme le plus parfait des mécanismes.
- Mais ce ne sont rien de plus que des objets ; un ensemble de minéraux et d’éléments chimiques. Je te parle de la vie.
- De la vie, ou de l’âme ?
- La vie pour les animaux et les plantes, précisa-t-elle, l’âme pour les êtres humains. »
Damián Ojeda ne se retourna même pas pour regarder son épouse, car il restait hypnotisé par le spectacle des volcans de lave noire et les roches rougeâtres qui façonnaient le paysage fantasmatique. Après avoir réfléchi un moment, il répondit :
« La vie, telle que nous l’entendons, c’est à peine une partie infinitésimale de l’ensemble de l’univers, moins qu’un grain de sable dans le désert, ou qu’une goutte d’eau dans l’océan qui s’étend de l’autre côté de ces volcans… Il fit une courte pause dans son exposé avant d’ajouter : nous autres, êtres humains, on ne nous distingue même pas dans la totalité de la terre, et la terre n’est rien d’autre qu’une minuscule planète d’une minuscule étoile d’une minuscule galaxie. Mais même ainsi, nous sommes si stupidement pédants que nous nous prenons pour le centre de la création et prétendons que Dieu nous a faits à son image et à sa ressemblance.
- Cette expression m’a toujours semblée monstrueuse, admit-elle. Et pas parce que c’est une audace inqualifiable que de tenter de nous placer à la hauteur du Seigneur, mais pour le manque de respect que cela signifie de le faire descendre à notre niveau.
- Et même ainsi nous nous accrochons à l’idée que Dieu est toujours dépendant de nous, alors qu’en réalité, nous sommes seulement une imperceptible conséquence de la création de son œuvre.
- Je n’aime pas que tu parles ainsi, marmonna Leonor Salazar, manifestement de mauvaise humeur. C’était une femme grande et très mince qui avait déjà dépassé le demi-siècle, mais qui gardait malgré tout une silhouette attrayante, sûrement grâce à un engagement constant et à un exercice physique épuisant. Selon cette théorie, nous serions de simples morceaux de roche qui seraient parvenus à évoluer au cours de millions de millions d’années.
- Et d’après ce que nous ont révélé les microscopes, c’est effectivement ce que nous sommes, jugea son mari, convaincu de ce qu’il avançait.
- Quand tu parles de ces choses, j’ai l’impression qu’avec tout ça, tu prétends aller plus loin que Darwin lui-même.
- Pas plus loin, non… répondit-il posément. Seulement suivre le chemin qu’il commença à tracer alors qu’il se trouvait presque dans la dernière ligne droite de sa vie.
- Explique-toi.
- C’est très simple : Darwin a développé la théorie de l’évolution des espèces en partant du principe que celles-ci existaient déjà ; la seule chose qu’elles ont faite fut de s’adapter très lentement au milieu où elles devaient vivre.
- Nous l’avons bien vu quand nous étions aux Galápagos, admit-elle. Surtout quand nous avons étudié cette curieuse variété de pinsons qui nous a tant surpris. Mais entre ce que nous avons vu là-bas, et ce que prétendons faire croire maintenant, il y a un pas gigantesque.
- Pas tant que ça, la contredit Damián Ojeda sans changer le ton de sa voix. Après ce que nous avons observé durant ces derniers jours, nous devons admettre que dans des temps très lointains, ces espèces ont évolué à partir d’une série d’éléments chimiques auxquels elles ont été associées par le plus pur des hasards, de telle sorte que cela a donné lieu a une forme de vie qui, des millions d’années plus tard, s’est achevée par notre espèce.
- Tu te rends compte de ce que cela peut signifier pour l’espèce humaine ?, s’enquit son épouse. Que feront les gens quand ils découvriront que tout ce en quoi ils ont toujours cru, tous leurs principes éthiques et moraux, ont pour point de départ un principe erroné ?

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Coralie nous propose sa traduction :

Alberto Vásquez Figueroa, A la deriva, 2005

Une mer de lave agressive ; un univers désolé de montagnes sauvages qui s’élevaient aussi loin que la vue atteignait, avec de si nombreuses teintes de couleurs sur les rochers, passant du noir à l’ocre, et du jaune vif au magenta, qui laisserait imaginer que celui qui le peignit dut passer de longues journées à mélanger des couleurs jusqu’à obtenir une gamme infinie de nuances sans avoir nécessairement recours aux bleus, aux blancs ou aux verts. Pourtant cette impressionnante « Vallée du silence » n’était pas le fruit de la fantaisie débordante d’un artiste désireux de créer quelque chose de nouveau et d’absolument différent, mais une nouvelle preuve de la capacité de la nature, quand elle s’y applique, à se dépasser elle-même à l’heure de prouver son inépuisable originalité. L’aurore poignait, c’était l’heure à laquelle une lumière douce et tamisée dessinait avec une plus grande précision les détails d’un lieu unique et inimitable, et la femme, qui était restée un long moment méditative et silencieuse, comme si c’était la première fois qu’elle contemplait un spectacle qu’elle avait pourtant vu des centaines de fois, interrogea soudain :
S’agit-il du véritable berceau de la vie ?
Je crains que oui.
Dans ce cas, où est Dieu ?
Dieu est dans la création de l’univers, dans tout ce que nous voyons lorsque nous levons la tête au milieu de la nuit et distinguons des myriades de planètes, de comètes, d’étoiles et de constellations qui tournent l’une autour de l’autre comme le mécanisme le plus parfait.
Mais ce ne sont pas plus que des objets ; un ensemble de minéraux et d’éléments chimiques. Moi je te parle de vie.
De vie ou d’âmes ?
De vie chez les animaux et les plantes – précisa-t-elle - ; d’âme chez les êtres humains.
Damián Ojeda ne se retourna pas même pour regarder son épouse puisqu’il demeurait hypnotisé par le spectacle des volcans de lave noire et de roches rougeâtres qui conformaient le fantasmatique paysage. Après quelques instants de réflexion, il réplica :
La vie, telle que nous la comprenons, représente à peine une partie infinitésimale de l’ensemble de l’univers ; moins qu’un grain de sable dans le désert ou qu’une goutte d’eau dans l’océan qui s’étend de l’autre côté de ces volcans… - Il ouvrit une brève parenthèse silencieuse dans sa dissertation avant d’ajouter- : Nous les êtres humains, on ne nous distingue même pas sur la totalité de la Terre, et la Terre n’est pas plus qu’une minuscule planète d’une minuscule étoile d’une minuscule galaxie. Mais ainsi nous sommes si stupidement pédants que nous nous considérons comme le centre de la création et prétendons que Dieu nous a modelé à son image et à son instar.
Cela m’a toujours paru être une monstrueuse affirmation –admit-elle-. Et non pas à cause de l’audace inqualifiable qui est tenter de se placer à la hauteur du Seigneur, mais plutôt à cause du manque de respect consistant à le faire s’abaisser à notre niveau.
Ainsi nous nous accrochons à l’idée que Dieu est toujours à notre merci, quand en réalité nous ne sommes qu’une conséquence imperceptible de son œuvre.
Je n’aime pas que tu parles de la sorte –marmonna visiblement contrariée Leonor Salazar, une femme grande et très mince qui avait déjà dépassé le demi siècle, mais malgré cela elle gardait un visage charmant grâce sans doute à un constant dévouement et à un épuisant exercice physique-. Selon cette théorie nous serions de simples morceaux de roche qui auraient réussi à évoluer au fil de milliards d’années.
Et selon ce qu’ont révélé les microscopes, c’est ce que nous sommes en réalité –fustigea son mari, convaincu de ce qu’il disait.
Quand tu dis ce genre de choses j’ai l’impression qu’avec tout ça tu prétends aller plus loin que Darwin lui-même.
Plus loin, non… - répondit-il, calme-. Seulement suivre le chemin qu’il a initié à la presque dernière ligne droite de sa vie.
Explique-toi.
C’est très simple : Darwin a développé sa théorie de l’évolution des espèces en se fondant sur l’idée qu’elles existaient déjà ; la seule chose qu’elles ont fait a été de s’adapter très lentement au milieu dans lequel elles devaient vivre.
Nous l’avons très bien vu quand nous sommes allés aux Galápagos –admit-elle-. Surtout quand nous avons étudié cette curieuse variété de pinsons qui nous a tant surpris. Mais entre ce que nous avons vu là-bas et ce que nous prétendons faire croire maintenant, il y a un abîme.
Pas tellement –la contredit Damián Ojeda sans changer le ton de sa voix-. Après ce que nous avons observé durant ces derniers jours, nous devons admettre qu’à un commencement très lointain ces espèces ont évolué à partir de l’union d’une série d’éléments chimiques associés par le simple hasard de telle façon qu’elle a abouti à une forme de vie qui des millions d’années plus tard nous donne naissance.
Te rends-tu compte de ce que cela peut signifier pour l’espèce humaine ? –voulut savoir son épouse-. Que feront les gens quand ils découvriront que tout ce en quoi ils ont toujours cru, tous ses principes étiques et moraux sont partis d’une base erronée ?

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Chloé nous propose sa traduction :

Une mer de lave agressive ; un univers désolé de montagnes sauvages qui s’élevaient à perte de vue, avec des roches aux tonalités de couleur si différentes, passant du noir à l’ocre, du jaune intense au magenta, que l’on en venait forcement à penser que celui qui les avait peintes avait dû passer de longues journées à mélanger les couleurs pour arriver à cette palette infinie de nuances sans avoir à recourir aux bleus, aux blancs ou aux verts.
Cependant, cette impressionnante « Vallée du Silence » n’était pas le fruit de l’imagination débordante d’un artiste désireux de créer quelque chose de nouveau et d’absolument différent, mais plutôt une preuve de plus montrant à quel point la nature est capable, lorsqu’elle s’y applique, de se dépasser, quand il s’agit de démontrer son inépuisable originalité.
La nuit tombait, heure à laquelle la lumière douce et tamisée révélait avec la plus grande précision les détails d’un lieu unique et inimitable, et la femme, qui était restée un long moment absorbée et silencieuse, comme si s’était la première fois qu’elle contemplait un spectacle qu’elle avait pourtant vu des centaines de fois, demanda soudain :
Il s’agit des vraies origines de la vie ?
J’ai bien peur que oui.
Dans ce cas, où est Dieu ?
Dieu est dans la création de l’univers, dans tout ce que nous voyons lorsque nous levons la tête au beau milieu de la nuit et que nous apercevons des myriades de planètes, de comètes, d’étoiles et de constellations qui tournent les unes autour des autres dans une mécanique parfaite.
Mais ça, ce ne sont que des objets ; un ensemble de minéraux et d’éléments chimiques. Moi je te parle de vie.
De vie ou d’âme ?
De vie pour les animaux et les plantes – ponctua -t -elle – ; d’âme pour les êtres humains.
Damien Ojeda ne se retourna même pas pour regarder son épouse, il restait hypnotisé par le spectacle des volcans de lave noire et les pierres rougeâtres qui composaient le paysage fantomatique. Après quelques instants de réflexion, il répliqua :
La vie, telle que nous l’entendons, est à peine une partie infinitésimale de l’ensemble de l’univers ; moins qu’un grain de sable dans le désert ou qu’une goûte d’eau dans l’océan qui s’étend derrière ces volcans…– Il fit une courte parenthèse de silence dans sa dissertation avant d’ajouter – : Nous les êtres humains, on ne nous distingue même pas de la totalité de la terre, et la terre n’est rien de plus qu’une minuscule planète d’une minuscule étoile d’une minuscule galaxie. Mais même vus de cette façon, nous sommes si bêtement prétentieux que nous nous considérons comme le centre de la création et prétendons que Dieu nous a fait à son image et à sa ressemblance.
Ça m’a toujours paru être une affirmation monstrueuse – avoua -t- elle–. Pas à cause de l’audace inqualifiable qu’est tenter de se placer à la hauteur du Seigneur, mais plutôt à cause du manque de respect, car cela signifie le rabaisser à notre niveau.
Même ainsi nous nous accrochons à l’idée que Dieu est toujours dépendant de nous, alors qu’en réalité nous sommes tout juste une imperceptible conséquence de son œuvre.
Je n’aime pas quand tu parles comme ça – marmonna, avec une évidente mauvaise humeur, Leonor Salazar, une femme grande et très mince qui avait déjà dépassé le demi siècle, mais qui malgré cela conservait une silhouette attrayante, sans doute grâce à un dévouement constant et à un exercice physique épuisant–. Selon cette théorie, nous serions de simples morceaux de roche qui auraient réussi à évoluer après des milliards d’années.
Et selon ce que nous ont révélé les microscopes, c’est ce que nous sommes en réalité – affirma son mari, convaincu par ce qu’il disait.
Quand tu dis ces choses, j’ai l’impression qu’avec tout ça tu prétends aller plus loin que Darwin lui-même.
Plus loin, non…– répondit- il tranquillement–. Simplement poursuivre le chemin qu’il avait commencé à emprunter presque dans la dernière ligne droite de sa vie.
Explique-toi.
C’est très simple : Darwin a développé sa théorie de l’évolution des espèces en partant du fait qu’elles existaient déjà ; la seule chose qu’elles ont faite c’est s’adapter très lentement au milieu dans lequel elles devaient vivre.
Oui, on a très bien pu l’observer aux Galápagos – admit-elle– . Surtout quand on a étudié cette curieuse variété de pinsons qui nous a tant surpris. Mais entre ce que l’on a vu là-bas et ce que l’on prétend faire croire ici, il y a un gouffre.
Non, pas tant que ça – la contredit Damien Ojeda sans changer le ton de sa voix–. Après ce que nous venons d’observer ces derniers jours, nous devons admettre que lors d’un commencement très lointain, ces espèces évoluèrent à partir de l’union d’une série d’éléments chimiques associés par simple hasard et d’une telle façon que ça donna naissance à une forme de vie qui, des millions d’années plus tard se finalise par nous.
Tu te rends compte de ce que cela peut signifier pour l’espèce humaine ? – voulu savoir sa femme–. Que feront les gens quand ils découvriront que tout ce en quoi ils ont toujours cru, tous leurs principes étiques et moraux sont fondés sur une base erronée ?

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Andrès nous propose sa traduction :

Une agressive mer de lave; un univers désolé de montagnes sauvages qui s'étendait à perte de vue, avec de si différentes tonalités de couleur dans la roche, en passant du noir à l'ocre, et du jaune intense au magenta, qu'il était possible de s'imaginer que celui qui l'avait peint avait du passer de longues journées mélangeant les couleurs jusqu'à obtenir une palette infinie de nuances sans le besoin d'avoir recours aux bleus, aux blancs et aux verts.
Mais cet impressionnant "Valle del silencio" n'était pas le fruit de la débordante fantaisie d'un artiste désireux de créer quelque chose de nouveau et d'absolument délirant, mais un exemple de plus d'à quel point la nature est capable, lorsqu’elle s’entête à cela, de se dépasser à elle même à l’heure de démontrer son inépuisable originalité.
Le soleil se couchait, c'était l'heure où une lumière suave et tamisée extrayait avec une plus grande précision les détails d'un lieu unique inimitable, et la femme, qui s'était tenue un long moment en silence et absorbée, comme s'il s'agissait de la première fois qu'elle contemplait un spectacle que néanmoins elle avait vu des centaines de fois, s'enquit soudain:
-Il s'agit du véritable origine de la vie?
-Je le crains, oui.
-Dans ce cas, où se trouve Dieu?
-Dieu est dans la création de l'univers, dans tout ce que nous voyons lorsque nous levons la tête au milieu de la nuit et que nous distinguons des myriades de planètes, de comètes, d'étoiles, de constellations qui tournent l'une autour de l'autre comme la plus parfaite des machineries.
-Mais il ne s'agit là que d'objets, un ensemble de minéraux et d'objets chimiques. Moi je te parle de la vie.
-De la vie ou de l'âme?
- La vie pour les animaux et les plantes -précisa-t-elle- l'âme pour ce qui est des êtres humains.
Damien Ojeda ne se retourna même pas afin de regarder son épouse car il était hypnotisé par les volcans de lave noire et de roches rougeâtres qui composaient le fantomatique paysage. Après quelques instants de réflexion, il répliqua.
- La vie, telle que nous l'entendons, est une partie infinitésimale de l'ensemble de l'univers; moins qu'un grain de sable au milieu du désert ou qu'une goutte d'eau dans l'océan qui s'étend derrière ces volcans. Il fit une courte parenthèse silencieuse dans sa dissertation avant de rajouter.
A nous les êtres humains on ne nous distingue même pas dans la totalité de la terre, et la terre n'est rien d'autre qu'une minuscule planète dans une minuscule étoile d'une minuscule galaxie. Mais malgré cela nous sommes si stupidement pédants que nous nous considérons comme le centre de la création et nous prétendons que Dieu nous a fait à son image et ressemblance.
-J'ai toujours tenu cette affirmation pour monstrueuse. et pas par l'inqualifiable audace qui consiste a essayer de nous placer sur le même rang que le seigneur mais par le manque de respect que cela signifie de le rabaisser à notre niveau.
-Même ainsi nous nous accrochons à 'idée selon laquelle Dieu veille toujours sur nous, alors qu'en réalité nous ne sommes juste qu'une imperceptible conséquence de son oeuvre.
-Je n'aime pas que tu parles de la sorte mâchonna d'une évidente mauvaise humeur Leonor Salazar, une femme grande et très mince qui avait déjà passé le demi-siècle mais qui malgré cela conservait une attractive apparence grâce, sans doute, à une constante de constants soins et un épuisant exercice physique. Selon cette théorie, nous serions de simples morceaux de roche qui auraient réussi à évoluer au long de millions et de millions d'années.
- Et d'après ce que nous ont révélés les microscopes c'est ce que nous sommes, en réalité- sentencia son mari, convaincu par ce qu'il disait.
- quand tu dis ces choses-là j'ai l'impression qu'avec tout cela tu as l'intention d'aller plus loin que Darwin en personne.
-pas plus loin, non...- il répondit tranquillement- juste suivre le chemin dans lequel il s'est engagé le premier, presque dans la dernière ligne droite de sa vie.
-Explique-toi.
-Darwin a développé sa théorie de l'évolution des espèces en partant de la base selon laquelle ces dernières existaient déjà. La seule chose qu'elles ont fait a été de s'adapter très lentement au milieu où elles ont dû vivre.
-Cela nous l'avons très bien vu lorsque nous sommes allés aux Galapagos -admit-elle- surtout lorsque nous avons étudié cette curieuse variété de pinsons qui nous a tant surpris. Mais de ce que nous avons vu là-bas a ce que nous prétendons faire croire maintenant, il y a un abyme.
-Pas tant que ça- la contredit Damian Ojeda sans changer le ton de sa voix- Après ce que nous avons été amenés à observer au cours de ces derniers jours, nous devons admettre que dans un passé très lointain ces espèces ont évolué à partir de l'union d'une série d'éléments chimiques que le pur hasard a associés d'une telle manière qui a donné l'origine à une forme de vie qui,des millions d'années plus tard, aboutit par nous.
- Tu te rends compte de ce que cela peut signifier pour l'espèce humaine?-voulut savoir son épouse- Que ferons les gens lorsqu'ils découvriront que tout ce en quoi ils ont toujours cru, tous leurs principes éthiques et moraux sont partis, à la base d'une interprétation erronée.

***

Laëtitia Sw nous propose sa traduction :

Une agressive mer de lave ; un univers désolé de montagnes arides, s’élevant à perte de vue, des roches à la palette de couleurs si étendue, passant tour à tour du noir à l’ocre et du jaune vif au magenta, qu’il faudrait imaginer celui qui l’a peint, occupé de longues journées au mélange des couleurs jusqu’à l’obtention d’une gamme infinie de nuances, sans aucun besoin de recourir aux bleus, aux blancs ou aux verts.
Pourtant, cette impressionnante « Vallée du Silence » n’était pas le fruit de l’imagination débordante d’un artiste, désireux de créer quelque chose de nouveau et de complètement différent, mais une preuve supplémentaire de l’incroyable capacité de la nature à se surpasser, lorsque elle s’en donne la peine, à l’heure de démontrer son inépuisable originalité.
Le soir tombait, une lumière douce et tamisée soulignait avec une extrême précision les détails de ce lieu unique et inimitable, et la femme, qui était restée un long moment absorbée dans ses pensées, comme si elle contemplait pour la première fois un spectacle qu’elle avait pourtant vu des centaines de fois, demanda soudain :
- C’est la véritable origine de la vie ?
- Je crains que oui.
- Dans ce cas, où est Dieu ?
- Dieu est à la création de l’univers, il est dans tout ce que nous voyons, quand, au milieu de la nuit, nous tendons le visage vers les myriades de planètes, de comètes, d’étoiles et de constellations qui tournent les unes autour des autres, à l’image du plus parfait mécanisme.
- Mais ce ne sont que des objets ; un ensemble de minéraux et d’éléments chimiques. Moi, je te parle de vie.
- De vie ou d’âme ?
- De vie chez les animaux et les plantes – précisa-t-elle - ; d’âme chez les êtres humains.
Damián Ojeda ne se retourna même pas pour regarder sa femme, tant il était hypnotisé par le spectacle des volcans à la lave noire et aux roches rougeâtres qui composaient ce paysage fantomatique. Après quelques instants de réflexion, il répliqua :
- La vie, telle que nous l’entendons, représente à peine une partie infinitésimale de l’ensemble de l’univers ; moins qu’un grain de sable dans le désert ou qu’une goutte d’eau dans l’océan qui s’étend de l’autre côté de ces volcans... – Il introduisit une courte pause de silence dans son discours avant d’ajouter - : Nous, les êtres humains, on ne nous distingue en fait pas vraiment parmi tout ce qui fait la terre, et la terre, elle, n’est qu’une minuscule planète, provenant d’une minuscule étoile, dans une minuscule galaxie. Et malgré tout, nous sommes si bêtement prétentieux que nous nous considérons comme le centre de la création et nous prétendons que Dieu nous a fait à son image et ressemblance.
- Ça m’a toujours fait l’effet d’une affirmation monstrueuse – dit-elle -. Pas pour l’inqualifiable audace qu’il y aurait à essayer de se hisser à la hauteur du Seigneur, mais pour le manque de respect que supposerait le fait de l’abaisser à notre niveau.
- Malgré tout, nous nous accrochons à l’idée que Dieu s’occupe toujours de nous, alors qu’en réalité, nous ne sommes qu’une imperceptible conséquence de son œuvre.
- Je n’aime pas quand tu parles comme ça –marmonna, à l’évidence de mauvaise humeur, Leonor Salazar, une grande femme très mince qui avait déjà passé le demi-siècle, ce qui ne l’empêchait pas d’être toujours attirante, sans doute au prix d’une attention de tous les instants et d’épuisants exercices physiques. – Selon cette théorie, nous ne serions que de vulgaires morceaux de roches qui auraient peaufiné leur évolution au fil de millions et de millions d’années.
- C’est ce que nous sommes en réalité, tels que les microscopes nous l’ont révélé – répondit sans appel son mari, convaincu de ce qu’il disait.
- Quand tu tiens de tels propos, j’ai l’impression que tu veux aller plus loin que Darwin lui-même.
- Plus loin, non... – répondit-il tranquillement -. J’essaie seulement de suivre le chemin qu’il avait commencé à tracer dans la dernière partie de sa vie.
- C’est-à-dire ?
- C’est très simple : Darwin a développé sa théorie sur l’évolution des espèces en partant du principe de leur existence ; la seule chose qu’elles ont fait a été de s’adapter très lentement au milieu dans lequel elles devaient vivre.
- Ça, nous l’avons très bien constaté quand nous sommes allés aux Galápagos – concéda-t-elle -. Surtout quand nous avons étudié cette curieuse espèce de pinsons qui nous a tant surpris. Mais entre ce que nous avons vu là-bas et ce que nous cherchons à faire croire maintenant, il y a un abîme.
- Pas tant que ça - la contredit Damián Ojeda sans changer de ton -. Après ce que nous venons d’observer durant ces derniers jours, nous devons admettre que, dans un passé très lointain, ces espèces ont évolué à partir de l’union d’une série d’éléments chimiques, associés par le plus simple hasard, engendrant une forme de vie qui, des millions d’années plus tard, s’est finalement concrétisée en nous-mêmes.
- Tu te rends compte de ce que ça peut signifier pour l’espèce humaine ? – s’enquit sa femme -. Que feront les gens quand ils découvriront que tout ce en quoi ils ont toujours cru, tous leurs principes éthiques et moraux se sont bâtis sur une base erronée ?

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