vendredi 9 octobre 2009

Entretien avec une traductrice (Anglais) : Nicole Ollier

Coralie Bonneau a soumis notre « questionnaire spécial traducteur » à Nicole Ollier qui est traductrice de l'anglais et enseignante au département d'anglais de l'Université Michel de Montaigne – Bordeaux 3.
Merci à elles !

Comment êtes-vous venue à la traduction ?
En traduisant des poèmes avec un collectif de collègues de l’université. J’ai ensuite enchaîné seule, toujours avec de la poésie, d’un poète grec-américain qui écrit en anglais et en grec, je traduisais des deux langues. Traduire du grec était une autre façon d’incorporer cette langue que j’étais encore en train d’apprendre.

Votre première traduction, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
Je n’y jette pas le moindre coup d’œil.

Comment voyez-vous le métier de traducteur aujourd’hui ?
Le métier de traduction pure me paraît durement soumis à la loi du marché, à la nécessité d’avoir du flair, de prospecter et découvrir avant de passer à l’acte de traduire, et à l’impératif de la survie alimentaire. Les orfèvres ne sont pas les plus opulents, c’est un peu injuste, mais reflète assez bien l’économie libérale actuelle.
Vous traduisez davantage de romans que du théâtre, par exemple, voyez-vous d’importantes différences entre les deux en tant que traducteur ?
Je traduis encore surtout de la poésie et du théâtre (poétique), après avoir traduit aussi de la langue juridique et d’arts plastiques. Donc les différences seraient entre deux genres radicalement distincts. Le rapport au passage d’un texte à l’autre est très similaire, mais l’empathie créatrice par rapport au texte poétique ne se trouve pas dans la relation bridée au vocabulaire régenté des textes juridiques. La recherche d’une sobre élégance demeure.
Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs ?
Lointains. Pour les textes juridiques, rapport courtois et discret. Pour les textes poétiques, lorsqu’il n’y a pas de subventions publiques, il faut une bonne dose de patience et de philosophie. Je me reproche le manque de pugnacité et de persévérance.

Quels rapports éventuels entretenez-vous avec les auteurs que vous traduisez ?
Des rapports parfois ambigus, surtout avec celui qui a donné un recueil entier de poèmes traduits par mes soins à un escroc directeur de collection chez l’Harmattan, qui les a arrangés à sa sauce et les a publiés sous son nom : après huit jours d’insomnie, je me suis juré de ne plus écrire une ligne de lui, sur lui, ou à lui, Avec un prix Nobel, j’ai des rapports courtois, mais j’attends toujours la permission de publier la traduction, en me demandant si elle viendra de son vivant !

Quel est votre meilleur souvenir, en tant que traducteur ?
Les lectures publiques à deux voix au festival de Cogolin par exemple ; l’annonce de la publication d’un recueil difficile à placer, qui finalement s’est avérée une fausse annonce..

Y a-t-il un texte en particulier que vous aimeriez traduire ou que vous auriez aimé traduire ?
J’aurais aimé traduire un roman grec-américain, mais le marché qui s’y intéresse est trop ténu.
Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
Un passeur d’abord (j’ai donné le nom de Passages à l’atelier que je dirige dans l’équipe d’accueil CLIMAS.

Traduire a-t-il fait de vous un lecteur différent ? Et si oui, quel lecteur ?
Certainement, notamment un lecteur de traductions, de quelque langue que ce soit. J’apprécie la langue (positivement ou de manière plus nuancée). Il arrive qu’un beau texte suscite un désir de le traduire ; ou au contraire un effroi qui dresse une barrière.
Quel conseil pourriez-vous donner à un apprenti traducteur ou une apprentie traductrice ?
Je me verrais mal dans la position de donneuse de conseils, car l’expérience est personnelle, intime. Je laisse les conseils pratiques aux traducteurs qui vivent de leur traduction. Pour les autres, traduire lorsque l’on ressent un désir de le faire. Il m’est arrivé de traduire de l’anglais juridique écrit par des non-anglophones, ce qui équivalait à une double traduction, et ressemble beaucoup à la réécriture de thèses en français rédigées par des non-francophones ou des francophones lacunaires. Il faut remonter le cheminement de pensée de l’auteur et déconstruire les phrases ou paragraphes pour les reformuler : l’enjeu est le phare qui tire vers l’avant. C’est nettement plus stimulant lorsque la traduction est à partir d’une langue authentique et non entravée par les manques ou les contraintes rigides.

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