vendredi 6 novembre 2009

Entretien avec une traductrice (Anglais) : Patricia Barbe-Girault

(entretien réalisé par Cloé) :

Comment êtes-vous venue à la traduction ?
En fait il s’agit d’un retour à mes premières amours, à la fin du lycée je voulais être traductrice ou interprète. Mais à l’époque (qui n’est pas si lointaine), l’offre des cursus était beaucoup plus restreinte, et surtout nécessitait un investissement financier que je ne pouvais pas me permettre. Je suis donc allée en fac d’anglais, et comme la recherche me plaisait beaucoup, j’ai continué jusqu’en thèse. Une fois celle-ci validée, j’en suis revenue tout naturellement à la traduction. Cela n’a pas été facile, mais la thèse m’a servi de carte de visite auprès des éditeurs, car cela indique un intérêt certain pour les livres et un certain sens de la littérature, j’imagine. Sans compter le perfectionnisme et la capacité à travailler beaucoup, et de chez soi – ce qui n’est pas si évident que cela, au premier abord.

Votre première traduction, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
J’en suis toujours très fière, d’autant que le style et les propos de l’auteur sont tellement éloignés de moi et de ma personnalité (le protagoniste est un alcoolique assez grossier) : un vrai rôle de composition ! Je l’ai faite dans des circonstances particulières, mais je crois m’en être bien sortie. Depuis j’ai découvert qu’à l’époque je n’avais pas remarqué une particularité sur les titres de parties, qui commençaient tous par la lettre E. C’est dommage. Sur la suite, j’y ai prêté attention.

Comment voyez-vous le métier de traducteur aujourd’hui ?
C’est un métier difficile dans le contexte actuel (mais comme tant d’autres), exigeant, mais ô combien simplifié par l’accès illimité à toutes les informations possibles grâce à Internet. Je me demande souvent si je me serais lancée dans l’aventure il y a vingt ou trente ans de cela.

Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs ?
Chaque éditeur est différent, mais dans l’ensemble j’ai toujours eu des rapports cordiaux avec eux (ou plus fréquemment, avec leurs assistantes). C’est primordial dans notre métier, je pense. J’ai eu de la chance de toujours tomber sur des hommes et des femmes intelligents, jusqu’à présent, qui aiment la littérature. Cela fait toute la différence.

Quels rapports éventuels entretenez-vous avec les auteurs que vous traduisez ?
Cela diffère à chaque traduction, mais dans la mesure du possible, j’aime bien les contacter car il n’y a rien de mieux que d’aller chercher les informations éventuelles à la source. Bien évidemment, je choisis les questions que je vais leur poser pour ne pas les importuner avec des détails dont j’aurais pu trouver la solution ailleurs. Lors d’une traduction récente, j’ai corrigé des erreurs de dates et de noms qui s’étaient glissées dans la version originale : l’auteur m’en a été reconnaissant, car il allait pouvoir les inclure lors de la prochaine réédition de son ouvrage.
Cela ne m’est encore jamais arrivé de traduire un auteur décédé, mais sur l’un de mes livres l’auteur est très âgé et surtout assez réfractaire concernant les nouvelles technologies ; j’ai donc agi comme si je n’avais aucun accès à lui, et c’est un travail intéressant également. Il y a plus de décisions à prendre, plus de prises de risque.

Quel est votre meilleur souvenir, en tant que traducteur ?
Lorsqu’on avait parlé de ma première traduction à « Bateau Livre », une émission littéraire à l’excellente réputation qui passait sur France 5 il y a quelques temps. Le journaliste avait eu la gentillesse de souligner la qualité de la traduction sur cet ouvrage difficile, et je m’étais sentie très fière.

Y a-t-il un texte en particulier que vous aimeriez traduire ou que vous auriez aimé traduire ?
Les Enfants de minuit, de Salman Rushdie. Cette richesse de la langue….

Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
Un passeur, sans hésiter. Mes droits « d’auteur » et mon nom inscrit en première page d’un livre satisfont pleinement mes velléités d’écrivaine ; mais mon vrai travail, c’est de retranscrire dans ma langue maternelle les mots d’un(e) autre, de la plus belle façon possible.

Traduire a-t-il fait de vous un lecteur différent ? Et si oui, quel lecteur ?
Oui, bien sûr. Je lis plus en français, pour commencer. Et puis évidemment je ne peux m’empêcher de noter les maladresses de traduction, ou de me dire tiens, qu’est-ce que j’aurais trouvé pour cela… Cela enlève une partie du charme de la lecture, je l’avoue.

Quel conseil pourriez-vous donner à un apprenti traducteur ou une apprentie traductrice ?
D’avoir une grande discipline dans l’organisation de son travail, de connaître ses faiblesses (conjugaison, orthographe…) et d’apprendre à les maîtriser (c’est primordial), d’être persévérant, de respecter l’auteur.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Patricia Barbe-Girault a traduit entre autres "Francesca, empoisonneuse à la cour des Borgia", un roman que je viens de lire et qui m'a passionnée. La traductrice a sans aucun doute réussi à rendre cette histoire captivante. Malheureusement, le texte est bourré de fautes de français, ce qui est un peu désolant et retire du charme à la lecture. Je me demande toujours comment il est possible que de telles fautes subsistent dans la plupart des romans qui sot publiés actuellement. Il n'y a donc pas de relecteurs dignes de ce nom ?
Si vous avez une réponse...
signé : elisafrancois2004@yahoo.fr

Tradabordo a dit…

Bonjour Elisa,

Il va de soi que je ne peux pas vous répondre précisément sur ce livre-là – et pour plus d'une raisons.
Permettez-moi, surtout, de prendre la défense de la traductrice ; non par corporatisme (qui, d'ailleurs, n'existe guère dans le monde des traducteurs) mais par souci de justice :

le livre publié et son contenu dépendent de l'éditeur…, a fortiori ces questions que vous soulevez. C'est à lui que revient la responsabilité de relire ou de faire relire, de corriger ou de faire corriger. Et en l'occurrence, rien de ne dit que le travail de la traductrice n'a pas été un peu saboté au moment de l'édition…, par exemple par des corrections intempestives ou trop rapides.
Le mieux est donc de s'en tenir à cela : pour des raisons que nous ignorons, le travail éditorial n'a pas été fait ou alors mal…, au détriment de l'œuvre.