dimanche 29 novembre 2009

Exercice de version, 12

De pronto, como si un remolino hubiera echa­do raíces en el centro del pueblo, llegó la com­pañía bananera perseguida por la hojarasca. Era una hojarasca revuelta, alborotada, formada por los desperdicios humanos y materiales de los otros pueblos; rastrojos de una guerra civil que cada vez parecía más remota e inverosímil. La hojarasca era implacable. Todo lo contaminaba de su revuelto olor multitudinario, olor de se­creción a flor de piel y de recóndita muerte. En menos de un año arrojó sobre el pueblo los escombros de numerosas catástrofes anteriores a ella misma, esparció en las calles su confusa carga de desperdicios. Y esos desper­dicios, precipitadamente, al compás atolondra­do e imprevisto de la tormenta, se iban selec­cionando, individualizándose, hasta convertir lo que fue un callejón con un río en un extremo un corral para los muertos en el otro, en un pueblo diferente y complicado, hecho con los desperdicios de los otros pueblos. Allí vinieron, confundidos con la hojarasca humana, arrastrados por su impetuosa fuerza, los desperdicios de los almacenes, de los hos­pitales, de los salones de diversión, de las plan­tas eléctricas; desperdicios de mujeres solas y de hombres que amarraban la mula en un hor­cón del hotel, trayendo como un único equipaje un baúl de madera o un atadillo de ropa, y a los pocos meses tenían casa propia, dos concu­binas y el título militar que les quedaron de­biendo por haber llegado tarde a la guerra.

Gabriel García Márquez, La hojarasca

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La traduction « officielle », Des feuilles dans la bourrasque, par Claude Couffon, pour les éditions Grasset et Fasquelle, 1983 :
[Merci à Aureba d'avoir pris le temps de nous m'envoyer]

Brusquement, comme si un tourbillon s’était enraciné au centre du village, la compagnie bananière arriva, poursuivie par une nuée d’individus roulant comme feuilles mortes par grand vent. C’était un tournoiement désordonné et tumultueux, formé par les déchets humains et matériels des autres villages ; les fanes d’une guerre civile qui paraissait de plus en plus invraisemblable et perdue dans le temps ; les fanes d’une guerre civile qui paraissait de plus en plus invraisemblable et perdue dans le temps. Ces fanes, ou comme on dit chez nous cette hojarsaca était implacable. Elle contaminait tout de son remugle de multitude, de son odeur de sécrétion à fleur de peau et de mort sous cape. En moins d’un an elle déversa sur le village les décombres des catastrophes nombreuses qui l’avaient précédée et dispersa dans les rues son chaos d’immondices. Et ces déchets, à la hâte, au rythme imprévu et fantasque de la tempête, se différencièrent, ils s’individualisèrent, au point de transformer ce qui avait été jusqu’alors une rue de rien avec une rivière à un bout et un enclos pour les morts à l’autre bout en un village méconnaissable et compliqué, constitué par les déchets des autres villages.
On vit arriver, confondu avec cette lie humaine, entraîné par son élan irrésistible, le rebut des boutiques, des hôpitaux, des dancings, des centrales électriques ; des épaves, des femmes sans hommes, et des hommes qui attachaient leur mule à un des piliers de l’hôtel, en apportant pour tout bagage une cantine en bois ou un balluchon de linge et qui, à peine quelques mois plus tard, avaient leur chez-eux, deux concubines et le grade qu’aurait dû leur valoir leur participation tardive à la guerre.

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Auréba nous propose sa traduction :

Brusquement, comme si un tourbillon avait pris racine au centre du village, la compagnie bananière arriva poursuivie par le vent d’ordures. C’était un vent turbulent, mouvementé, formé par les déchets humains et matériels des autres villages ; des éteules d’une guerre-civile qui semblait de plus en plus lointaine et invraisemblable. Le vent d’ordures était implacable. Il contaminait tout de son odeur de mélasse populaire, odeur de sécrétion à fleur de peau et de mort secrète. En moins d’un an il jeta sur le village les décombres de nombreuses catastrophes antérieures à la sienne, répandit dans les rues sa charge confuse de déchets. Et ces déchets, précipitamment, au rythme étourdi et imprévu de la tourmente, se sélectionnaient peu à peu, en s’individualisant, jusqu’à transformer ce qui fut une petite rue avec une rivière d’un côté et un enclos pour les morts de l’autre, en un village différent et compliqué, fait avec les déchets des autres villages.
Vinrent alors, confondus avec le vent d’ordures humaines, trainés par sa force impétueuse, les déchets des magasins, des hôpitaux, des salons de diversion, des centrales électriques, des déchets de femmes seules et d’hommes qui attachaient leur mule à un poteau en bois de l’hôtel, amenant comme simple bagage une malle en bois ou un petit paquet de linge, et en l’espace de quelques mois ils avaient déjà une maison à eux, deux concubines et le titre militaire qu’on leur devait encore du fait qu’ils étaient arrivés en retard à la guerre.

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Sonita nous propose sa traduction :

Soudain, comme si un tourbillon avait jeté l’ancre dans le centre du village, arriva la compagnie bananière poursuivie para les feuilles mortes. C’était un feuillage sens dessous dessus, emmêlé, formé des déchets humains et matériels des autres villages ; chaumes d’une guerre civile que paraissait chaque fois plus lointaine et invraisemblable. Le feuillage épais était implacable. Il contaminait tout avec son odeur emmêlée en masse, odeur de sécrétion à fleur de peau et de mort cachée. En moins d’un an il jeta sur le village les décombres de nombreuses catastrophes antérieures à lui-même, répandit dans les rues sa charge confuse de déchets. Et ces déchets, hâtivement, suivant le rythme étourdi de l’orage, faisaient le tri, s’individualisaient, au point de convertir ce qui avait été une ruelle avec une rivière à l’une des extrémités et une cour pour les morts à l’autre bout, en un village différent et compliqué, fait avec les déchets des autres villages. C’est là qui sont arrivés confondus avec la bourrasque humaine, traînés par sa force impétueuse, les déchets des magasins, des hôpitaux, des salles de divertissement, des plantes électriques ; des déchets de femmes seules et d’hommes qui attachaient la mule à un poteau de l’hôtel, apportant comme seul bagage une malle en bois ou une poignée de vêtements, et quelques mois après ils avaient leur propre maison, deux concubines et le titre militaire qu’on leur devait parce qu’ils étaient arrivés en retard à la guerre.

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