dimanche 27 décembre 2009

Exercice de version, 37

Soy mujer y escribo. Soy plebeya y sé leer. Nací sierva y soy libre. He visto en mi vida cosas maravillosas. He hecho en mi vida cosas maravillosas. Durante algún tiempo, el mundo fue un milagro. Luego regresó la oscu­ridad. La pluma tiembla entre mis dedos cada vez que el ariete embiste contra la puerta. Un sólido portón de me­tal y madera que no tardará en hacerse trizas. Pesados y sudados hombres de hierro se amontonan en la entrada. Vienen a por nosotras. Las Buenas Mujeres rezan. Yo es­cribo. Es mi mayor victoria, mi conquista, el don del que me siento más orgullosa; y aunque las palabras están sien­do devoradas por el gran silencio, hoy constituyen mi única arma. La tinta retiembla en el tintero con los gol­pes, también ella asustada. Su superficie se riza como la de un pequeño lago tenebroso. Pero luego se aquieta extra­ñamente. Levanto la cabeza esperando un envite que no llega. El ariete ha parado. Las Perfectas también han dete­nido el zumbido de sus oraciones. ¿Acaso han logrado ac­ceder al castillo los cruzados? Me creía preparada para este momento pero no lo estoy: la sangre se me esconde en las venas más hondas. Palidezco, toda yo entumecida por los fríos del miedo. Pero no, no han entrado: hubiéramos oí­do el estruendo de la puerta al desgajarse, el derrumbe de los sacos de arena con que la reforzamos, los pasos presu­rosos de los depredadores al subir la escalera. Las Buenas Mujeres escuchan. Yo también. Tintinean los hombres de hierro bajo las troneras de nuestra fortaleza. Se retiran. Sí, se están retirando. Al sol le falta muy poco para ocultarse y deben de preferir celebrar su victoria a la luz del día. No necesitan apresurarse: nosotras no podemos escapar y no existe nadie que pueda ayudarnos. Dios nos ha concedido una noche más. Una larga noche. Tengo todas las velas de la despensa a mi disposición, puesto que ya no las va­mos a necesitar. Enciendo una, enciendo tres, enciendo cinco. El cuarto se ilumina con hermosos resplandores de palacio. ¡Y pensar que nos hemos pasado todo el invierno a oscuras para no gastarlas! Las Buenas Mujeres vuelven a bisbisear sus Padrenuestros. Yo mojo la pluma en la tinta quieta. Me tiembla tanto la mano que desencadeno una marejada.

Rosa Montero, Historia del rey transparente

***

Alexandra nous propose sa traduction :

Je suis une femme et j’écris. Je suis du peuple et je sais lire. J’étais née esclave et je suis libre. J’ai vu dans ma vie des choses merveilleuses. J’ai fait dans ma vie des choses merveilleuses. Pendant un certain temps, le monde n’avait été qu’un miracle. Par la suite, l’obscurité était revenu. La plume tremble entre mes doigts à chaque fois que le bélier charge la porte. Une grande porte solide faite de métal et de bois qui ne va pas tarder à se briser en mille morceaux. Forts et en sueur, des hommes de fer se rassemblent à l’entrée. Ils viennent nous chercher. Les Bonnes Femmes prient. Et moi, j’écris. C’est ma meilleure victoire, ma conquête, le don dont je suis la plus fière ; et bien que mes mots soient dévorés par ce grand silence, ils constituent aujourd’hui mon unique arme. L’encre tremble dans l’encrier à chaque coups, elle aussi apeurée. Sa superficie est comparable à celle d’un petit lac ténébreux. Mais, par la suite, elle s’apaise de manière étrange. Je lève la tête attendant un coup qui n’arrive pas. Le bélier s’est arrêté. Les Parfaites, elles aussi, ont arrêté le bourdonnement de leurs prières. Peut-être que les Croisés ont réussi à pénétrer le château ? Je me croyais préparée pour ce moment-là mais je ne le suis pas : mon sang se cache dans mes veines les plus profondes. Je pâlis, toute engourdie à cause du froid provoqué par la peur. Mais non, ils ne sont pas entrés : nous aurions entendu le vacarme de la porte lorsqu’elle aurait été enfoncée, la chute des sacs de sable avec quoi nous l’avons renforcée, les pas rapides des déprédateurs en montant l’escalier. Les Bonnes Femmes écoutent. Moi de même. Les hommes de fer tintent le clairon sous les embrasures de notre forteresse. Ils se retirent. Oui, ils sont en train de se retirer. Il ne manque pas grand-chose pour que le soleil aille se cacher, ils doivent certainement préférer célébrer leur victoire à la lumière du jour. Ils n’ont pas besoin de se presser : nous ne pouvons pas nous échapper et il n’y a personne qui puisse nous aider. Dieu nous a offert une nuit de plus. Une longue nuit. J’ai en ma possession toutes les bougies du garde-manger, puisque nous n’allons plus en avoir besoin. J’en allume une, trois puis cinq. La pièce s’illumine avec de magnifiques éclats de palais. Et dire que nous avons passé tout l’hiver dans l’obscurité pour ne pas les gaspiller ! Les Bonne Femmes recommencent à marmonner leur Notre Père. Je plonge ma plume dans l’encre apaisée. Ma main tremble tellement que je provoque une houle.

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