mardi 29 décembre 2009

Exercice de version, 39

¿Cuándo mueren los muertos? Cuando uno los olvida. ¿Cuándo desaparece una ciudad? Cuando no existe más en la memoria de los que la habitaron. ¿Cuándo se deja de amar? Cuando uno empieza a amar nuevamente. De eso no hay duda.
Esa fue la razón por la que Hernán Cortés decidió construir una nueva ciudad sobre las ruinas de la antigua Tecnochtitlan. El tiempo que le llevó tomar la medida fue el mismo que le lleva a una espada empuñada con firmeza atravesar la piel del pecho y llegar al centro del corazón: un segundo. Pero en tiempo de batalla, un segundo significa esquivar una espada o ser alcanzado por ella.
Durante la conquista de México sobrevivieron sólo aquellos que pudieron reaccionar al instante, los que tuvieron tal miedo a la muerte que pusieron todos sus reflejos, todos sus instintos, todos sus sentidos al servicio del temor. El miedo se convirtió en el centro de comando de sus actos. Instalado justo atrás del ombligo, recibía antes que el cerebro todas las sensaciones percibidas por medio del olfato, la vista, el tacto, el oído, el gusto. Ahí eran procesadas en milésimas de segundo y ya se enviaban al cerebro con una orden específica de acción. Todo el acto no iba más allá del segundo imprescindible para sobrevivir. Con la misma rapidez con que los cuerpos de los conquistadores aprendieron a reaccionar, fueron desarrollando nuevos sentidos. Podían presentir un ataque por la espalda, oler la sangre antes de que apareciera, escuchar una traición antes que nadie pronunciara la primera palabra y, sobre todo, podían ver el futuro como la mejor pitonisa. Por eso, el día en que Cortés vio a un indio tocando el caracol frente a los restos de una antigua pirámide, supo que no podía dejar la ciudad en ruinas. Habría sido como dejar un monumento a la grandeza de los aztecas. La añoranza invitaría tarde o temprano a los indios a intentar organizarse para recuperar su ciudad. No había tiempo que perder. Tenía que borrar de la memoria de los aztecas la gran Tenochtitlan. Tenía que construir una nueva ciudad antes de que fuera demasiado tarde. Con lo que no contó fue con que las piedras contienen una verdad más allá de lo que la vista alcanza a percibir. Poseen una energía propia, que no se ve, sólo se siente.

Laura Esquivel, La ley del amor

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La traduction que je vous propose :

Quand les morts meurent-ils ? À partir du moment où on les oublie. Quand une ville disparaît-elle ? À partir du moment où elle n'existe plus dans la mémoire de ceux qui l'ont habitée. Quand cesse-t-on d'aimer ? À partir du moment où l'on aime quelqu'un d'autre. Tout cela ne fait pas de doute.
C'est exactement la raison pour laquelle Hernán Cortés résolut de construire une nouvelle ville sur les ruines de l'ancienne Tecnochtitlan. Le temps qu'il mit à arrêter cette décision fut identique à celui qu'il faut à une épée empoignée avec fermeté pour transpercer la peau d'une poitrine et atteindre le cœur : une seconde. Précisons que sur un champ de bataille, il y a dans une seconde ou bien esquiver une épée ou bien être touché par elle. Au cours de la conquête du Mexique, seuls survécurent ceux qui se révélèrent capables de réagir dans l'instant, ceux qui éprouvèrent une telle crainte de la mort qu'ils concentrèrent tous leurs instincts, tous leurs sens au service de la peur. La crainte devint la tour de commandement de leurs actes. Installée juste derrière le nombril, elle recevait avant même le cerveau l'intégralité des sensations perçues par le biais de l'odorat, de la vue, du toucher, de l'ouïe, du goût. Là, elles étaient traitées en un millième de seconde et après elles étaient envoyées vers le cerveau, avec un ordre spécifique d'action. L'ensemble du processus n'excédait pas la seconde indispensable à la survie. Avec une rapidité semblable à que celle qu'apprirent les corps des conquistadores pour réagir, ils développèrent de nouveaux sens. Ils pouvaient pressentir une attaque lancée dans leur dos, sentir le sang avant qu'il ne coule, entendre l'ébauche d'une trahison avant que quiconque ait prononcé ne serait-ce qu'un mot et, surtout, ils étaient capables de voir l'avenir comme la meilleure des pythonisses. De sorte que lorsqu'il vit un Indien en train de souffler dans un coquillage devant les restes de l'ancienne pyramide, Cortés comprit qu'il ne pouvait pas conserver la ville en ruines, que cela aurait été comme laisser un monument à la gloire des Aztèques. La nostalgie pousserait tôt ou tard les indigènes à tenter de s'organiser pour reprendre leur cité. Il n'y avait pas de temps à perdre. Il fallait qu'il efface la grande Tenochtitlan de la mémoire des Aztèques. Il devait édifier une nouvelle ville avant qu'il ne soit trop tard. Ce dont il ne tint pas compte, c'est que les pierres contiennent une vérité qui va bien au-delà de ce que la vue peut percevoir. Elles possèdent une énergie propre, invisible, que l'on peut sentir seulement.

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