lundi 25 janvier 2010

Exercice de version, 66

Aquel día corrieron toros en la plaza Mayor, pero al teniente de alguaciles Martín Saldaña se le aguó la fiesta. La mujer había aparecido estrangulada dentro de una silla de manos, ante la iglesia de San Ginés, con un bolsillo entre los dedos que contenía cincuenta escudos y una nota manuscrita, sin firma, con las palabras: «Para misas por su alma». La había encontrado una beata madrugadora, que avisó al sacristán, y éste al párroco, quien tras una urgente absolución sub conditione dio cuenta a la Justicia. Cuando el teniente de alguaciles hizo acto de presencia en la plazuela de San Ginés, los vecinos y curiosos se arremolinaban ya en torno a la silla. Aquello se había convertido en una romería, de modo que fueron menester unos corchetes para mantener alejada a la gente mientras el juez y el escribano levantaban acta, y Martín Saldaña le echaba un vistazo tranquilo al cadáver.
Saldaña se desempeñaba en todo del modo más cachazudo del mundo, cual si tuviera siempre mucho tiempo por delante. Tal vez por su condición de antiguo soldado –lo había sido en Flandes antes de que su mujer le consiguiera, decían, la vara de teniente–, el jefe de los alguaciles de Madrid, solía tomarse las cosas del oficio con mucha flema, a un paso que cierto poeta satírico, el beneficiado Ruiz de Villaseca, había descrito en una décima envenenada como paso de buey, en clara alusión a su supuesta forma de tomar vara, o varas. De cualquier modo, si bien es cierto que Martín Saldaña resultaba lento para algunas cosas, no lo era en absoluto a la hora de servirse de la espada, la daga, el puñal o los pistolones bien cebados que solía cargar al cinto con amenazador tintineo de ferretería. El propio beneficiado Villaseca, a quien le habían abierto tres ojales de espada, a la puerta misma de su casa, la noche del tercer día después de difundirse en el mentidero de San Felipe la décima de marras, podía dar fe de ello en el purgatorio, el infierno, o donde diablos anduviese a tales alturas del negocio.

Arturo Pérez Reverte, El capitán Alatriste, II, Limpieza de sangre

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Carole nous propose sa traduction :

Ce jour là, on avait lâché les taureaux sur la Plaza Mayor, mais le lieutenant en chef Martín Saldaña mit un terme à la fête. La femme avait été découverte étranglée dans une chaise à porteur, devant l’église de San Ginés, avec un petit sac entre les doigts qui contenait cinquante écus et une note manuscrite, sans signature, avec ces mots : « pour les messes pour le repos de son âme ». C’était une ouaille matinale qui l’avait trouvée et qui avait averti le sacristain, et celui-ci le prêtre, qui après une urgente absolution sub conditione avait prévenu la justice. Quand le lieutenant en chef fit acte de présence sur la petite place de San Ginés, le voisinage et les curieux se bousculaient déjà autour de la chaise. C’était devenu un vrai pèlerinage, à tel point qu’on dut faire appel à des gardes pour maintenir les gens éloignés pendant que le juge et son greffier dressaient l’acte et que Martín Saldaña jetait un coup d’œil tranquille au cadavre.
Saldaña agissait en tout de la façon la plus détachée du monde, comme s’il avait toujours beaucoup de temps devant lui. Peut-être à cause de sa condition d’ancien soldat, - il l’avait été dans les Flandres, avant que sa femme ne lui obtînt, disait-on, le bâton de lieutenant - le chef des alguazils de Madrid avait l’habitude de prendre son métier avec beaucoup de flegme, à un rythme qu’un certain poète satyrique, le bénéficier Ruiz de Villaseca, avait décrit dans un dizain acerbe comme l’allure d’un bœuf, évidente allusion à sa façon de prendre le bâton ou de les recevoir. Quoi qu’il en soit, s’il est certain que Martín Saldaña était lent pour certaines choses, il ne l’était aucunement quand il s’agissait de se servir de son épée, de sa dague, de son poignard ou de ses pistolets bien graissés qu’il avait l’habitude de porter à la ceinture avec le tintement menaçant du fer. Le propre bénéficier Villaseca, à qui il avait fait trois boutonnières dans le dos, sur le seuil même de sa maison, le soir du troisième jour après la diffusion à la potinière de San Felipe du dizain injurieux, pouvait en attester depuis le purgatoire, l’enfer ou de là où diable il se trouvait à un tel niveau de l’affaire.

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Pascaline nous propose sa traduction :

Ce jour-là, tandis que des taureaux courraient sur la plaza Mayor, on vint gâcher la fête du lieutenant des officiers de justice Martín Saldaña. La femme était apparue étranglée dans une chaise à porteurs, devant l’église de San Ginés, une bourse entre les doigts contenant cinquante escudos et une note manuscrite, sans signature, avec les mots : « Pour les messes en l’honneur de son âme ». Une béate matinale l’avait trouvée et en avertit le sacristain, qui avertit le curé, lequel, après une urgente absolution sub conditione, en rendit compte devant Justice. Quand le lieutenant des officiers fit acte de présence sur la petite place de San Ginés, les habitants et les curieux se bousculaient déjà autour de la chaise. Cela prenait une allure de fête patronale, tant et si bien qu’on eut besoin d’archers afin de maintenir la foule éloignée pendant que le juge et le greffier dressaient le procès verbal ; Martín Saldaña jetait un coup d’œil tranquille sur le cadavre. Saldaña s’acquittait de tout avec la plus grande lenteur, comme s’il avait toujours beaucoup de temps devant lui. Peut-être par sa condition d’ancien soldat – il l’avait été en Flandre, avant que son épouse ne lui obtînt, disait-on, le bâton de lieutenant – le chef des officiers de Madrid avait-il coutume de prendre les choses liées à sa charge avec un grand flegme, selon un rythme qu’un certain poète satyrique, le presbytérien Ruiz de Villaseca, dans une décima empoisonnée, avait assimilé au pas de bœuf, claire allusion à sa supposée façon de se saisir du bâton, ou de recevoir des banderilles. De toute façon, s’il est certain que Martín Saldaña était lent pour certaines choses, il ne l’était guère lorsqu’il s’agissait de se servir de l’épée, de la dague, du poignard ou des gros pistolets bien amorcés qu’il chargeait généralement à la ceinture dans un menaçant tintement de quincaillerie. Le presbytérien Villaseca lui-même, qui avait reçu trois coups d’épée, à l’entrée de sa propre maison, la troisième nuit après que l’on eût dévoilé la décima de jadis dans la potinière de San Felipe, pouvait rendre compte de cela au purgatoire, aux enfers, partout où le diable serait à ce niveau du marché.

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Morgane nous propose sa traduction :

Ce jour des taureaux coururent sur la place principale, mais le plaisir du lieutenant de justice Martín Saldaña fut gâché. La femme était apparue étranglée dans une chaise à porteur, devant l’église de Saint Ginés, avec une poche entre les doigts qui contenait cinquante écus et une note manuscrite, sans signature, avec les mots : « Pour la messe pour son âme ». Il l’avait trouvée un beau matin, et en avait avisé le sacristain, et ce dernier le curé de la paroisse, lequel après une urgente absolution sous condition avait rendu compte à la Justice. Lorsque le lieutenant de justice fit acte de présence sur la petite place de Saint Ginés, les voisins et badauds se bousculaient déjà autour de la chaise. Cela s’était transformé en une procession, de telle sorte que quelques argousins furent nécessaires afin d’éloigner les gens pendant que le juge et le greffier dressaient un procès-verbal, et que Martín Saldaña jetait un regard tranquille sur le cadavre.
Saldaña remplissait sa mission de la manière la plus tranquille du monde, comme s’il avait toujours beaucoup de temps devant lui. Peut-être à cause de sa fonction d’ancien soldat – il l’avait été en Flandres avant que sa femme ne lui obtienne, disait-on, le bâton de commandement -, le chef des huissiers de Madrid, avait l’habitude de prendre les cas professionnels avec beaucoup de flegme, à tel point qu’un certain poète satirique, l’émérite Ruiz de Villaseca, avait décrit dans une dixième empoisonnée comme le pas d’un bœuf , dans une allusion évidente à sa supposée manière de tenir le bâton , ou des bâtons. De toute façon, même s’il est certain que Martín Saldaña s’avérait lent pour certaines choses, il ne l’était absolument pas à l’heure de se servir de son épée, de la dague, du poignard ou des pistolets bien chargés qu’il avait coutume de d’accrocher à la ceinture avec un menaçant tintement de quincaillerie. L’émérite Villaseca en personne, à qui on avait ouvert trois boutonnières avec une épée, sur le pas de sa porte, la nuit du troisième jour après que l’histoire de la dixième se soit répandue dans la potinière de San Felipe, il pouvait donner foi de cela au purgatoire, en enfer, ou diable eurent été à telle hauteur du commerce.

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