lundi 15 mars 2010

Exercice d'écriture

Le sujet était : Une naissance

***

Laëtitia Sw. :

« Naissance des fantômes »

[en référence au roman Naissance des fantômes de Marie Darrieussecq, P.O.L. en 1996]

L’orage a cessé.
Il n’entend plus le doux tintement de la pluie ruisselant sur le toit.
Cette musique légère qui guidait son sommeil s’est tue ; il ne peut plus dormir.
Il sent son cœur battre à coups réguliers.
Pourquoi ce son profond l’oppresse-t-il ?
L’eau qui coulait l’apaisait, polissant son cœur brûlant.
Mais il ne l’entend plus.
Silence.
Oh, comme ce calme absolu sonne faux !
Il n’ose pas bouger.
Il voudrait sentir encore les gouttes divines laver les murs blancs et, portées par le vent, emplir son âme de leur vivifiant bruissement.
Mais le vide a envahi sa chambre.
Le noir et le vide sont là et glissent comme des ombres.
Aucun bruit.
Toujours cette présence impalpable.
Éveillé, il est au royaume angoissant des songes.

***

Coralie :

Neuvième mois.
Angoisse,
Inquiétude et irritation,
Souffrances imminentes.
Séduction, premiers regards,
Amour fusionnel,
Nuage de douceur,
Cadeau de la vie,
Éternel bouleversement…

***

Amélie :

Derrière la vitre du train, les kilomètres défilent. Confortablement assis sur leurs sièges, les passagers désœuvrés embrassent du regard le paysage uniforme. Quai de gare fréquenté, quartiers habités, tunnel noir foncé, rase campagne cultivée, animaux hébétés, maisons désertées, retour à la vie civilisée, et ainsi de suite, le tout sous un ciel gris bleuté.
Seulement, non. Depuis quelque temps, Marie a vu son trajet quotidien se métamorphoser. En fin de semaine, il y a davantage de prétendants aux voyages en train, comme si les gens avaient soudainement fini d’hiberner. Quand elle passe devant les quartiers, elle discerne des conversations entre voisins, des séances de lecture sur chaise longue, des parties de foot endiablées au fond des jardins. Le tunnel, quant à lui, est toujours aussi sombre et interminable. Les champs se teintent de jaune et de vert, les arbres se recouvrent de bourgeons, et les talus se tapissent de petites fleurs de saison, jonquilles, violettes et autres primevères. Dans les pâturages, les nouveau-nés font leurs premiers pas hésitants. Çà et là, les maisons essaimées reprennent vie. Impossible à présent de les croire abandonnées : l’une a été repeinte, l’autre étrenne de nouveaux rideaux et la dernière une nouvelle barrière, le tout en vue d’accueillir leurs propriétaires lors des prochaines vacances.
Marie se surprend à rêver à ses futurs congés, au mois de juin ou de juillet, elle n’a pas encore décidé. Elle a déjà repéré deux ou trois tenues dans les nouvelles collections qui ont, depuis peu, remplacé les soldes d’hiver. Dans les haut-parleurs, une voix monocorde –toujours la même– annonce l’arrivée en gare de Plouaret-Tregor, terminus du train. Il est donc 18h57. En descendant du wagon, Marie respire l’air frais du soir, déjà chargé d’odeurs d’herbes coupées et de barbecue. Au-dessus de sa tête, le ciel bleu parsemé de nuages ne s’est pas encore assombri, et le soleil nargue la lune. Un rapide coup d’œil au panneau d’affichage confirme la nouvelle : mardi 21 mars. Jour du printemps.

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