dimanche 7 mars 2010

« Explication de dix expressions lexicalisées comportant des noms de personnages historiques », par Laëtitia Sworzil

En photo : Refranes y Dichos, par Giselaw

(le travail de Laëtitia dans le cadre du cours « Références culturelles de l'Espagne »)

L’explication des dix expressions lexicalisées qui va suivre est le fruit d’un travail de recherche mené à partir de dictionnaires encyclopédiques spécialisés recensant une grande variété de « dichos », « frases », « proverbios », « refranes » et autres « sentencias » de la langue espagnole, de l’époque classique jusqu’à nos jours. Cette présentation, qui a consisté en la juxtaposition, superposition, compilation et/ou confrontation des informations recueillies (définition, provenance, usage des proverbes, observations annexes, curiosités...), a été réalisée suivant plusieurs étapes. Il s’est agi, tout d’abord, d’éclairer la signification exacte de chaque expression, illustrée, pour la plupart, par un exemple (traduit par nos soins). Il a ensuite été nécessaire d’en expliquer l’origine, à travers les aspects pertinents de la vie du personnage historique concerné. Sont ensuite développées, selon les cas, diverses anecdotes historiques et/ou littéraires en guise de complément culturel. S’il y a lieu, les différentes variantes du proverbe ont été indiquées à la suite. Enfin, les références bibliographiques précisément consultées viennent clore les exposés.

*Al buen callar llaman Sancho

On emploie cette expression pour vanter les vertus de la personne avertie, avisée, réfléchie, qui sait se taire dans les situations opportunes. Par exemple : Es mejor que me calle y no siga discutiendo : al buen callar llaman Sancho. (Il vaut mieux que je me taise et que je ne discute pas davantage : la parole est d’argent, mais le silence est d’or.)
Il semblerait que ce Sancho, paradigme de sagesse, soit le roi Sanche II de Castille. Les chroniques relatent le fait suivant : lorsque le roi Ferdinand I de Castille (1016-1065), sentant sa fin prochaine, décida de répartir ses territoires entre ses cinq enfants, Alphonse, Sanche, García, Elvire et Urraque, Sanche, qui s’était vu ravir la ville de Zamora au bénéfice d’Urraque, ravalant sa colère et sa vengeance, parvint à maintenir un silence de circonstance devant le lit de mort de son père. Il mourut peu de temps après, des mains de Vellido Dolfos, en tentant d’arracher Zamora à sa sœur. Il est intéressant de noter que c’est d’ailleurs sur ce fait que débute le Cantar de mio Cid.
En outre, il convient de souligner, contrairement à ce que l’on pourrait penser au premier abord, que ce Sancho n’a donc rien à voir avec Sancho Panza, personnage haut en couleur du Quichotte, qui a si souvent alimenté la culture populaire espagnole. D’ailleurs, il est amusant de constater que ce proverbe figure bel et bien dans l’œuvre de Cervantès. On le trouve exactement au chapitre XLIII de la deuxième partie, lorsque le Chevalier à la Triste Figure conseille Sancho sur la façon de gouverner son île, l’archipel de Baratarie. Le passage en question est le suivant :

– Maldito seas de Dios, Sancho – dijo a esta sazón Don Quijote – ; sesenta mil satanases se lleven a ti y a tus refranes [...] Dime, ¿ dónde los hallas, ignorante ? ¿ Cómo los aplicas, mentecato ? [...] – Por Dios, señor nuestro amo – replicó Sancho –, que vuestra merced se queja de bien poca cosa [...] ninguna otra hacienda tengo ni otro caudal alguno, sino refranes ; y ahora se me ocurren cuatro que vendrán aquí que ni pintiparados, o como peras en tabaque, pero no los diré, porque al buen callar llaman Sancho.

Soit, en français, d’après la traduction réalisée par Aline Schulman (Éditions du Seuil, Paris, 1997, pp. 310-311) :

– Maudit sois-tu, Sancho, l’interrompit don Quichotte, et que cent mille diables t’emportent, toi et tes proverbes ! [...] Mais où vas-tu donc les chercher, ignorant, et comment les amènes-tu, imbécile ? [...]
– Par Dieu, monsieur, vous voilà bien grognon pour peu de choses ! [...] je me sers du seul bien que j’aie jamais eu : des proverbes, encore des proverbes. Justement, il m’en arrive quatre, qui viennent à point, comme sur un plateau. Je ne les dirai pas, parce que la parole est d’argent, mais le silence est d’or.

Cependant, les plus éminents lexicologues avancent une autre origine possible pour cette expression. Aussi bien Covarrubias dans son Tesoro de la Lengua Castellana (1611) que Correas dans son Vocabulario de Refranes (1627) notent que Sancho pourrait être une déformation de l’adjectif espagnol santo, ou plutôt de l’adjectif latinisé sancto, du latin sanctus, du fait de la mauvaise interprétation d’un copiste. En ce sens, le proverbe assimilerait la capacité de savoir se taire à propos à une marque de sainteté.
À ce titre, on trouve également attachée à ce proverbe la variante : « Al buen callar llaman Santo ».

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, Diccionario de dichos y frases hechas, Editorial Espasa Calpe, Madrid, 2003, pp. 54-55.
– CARBONELL BASSET Delfín, Diccionario panhispánico de refranes, Editorial Herder, Barcelona, 2002, p. 430.
– ETXABE DÍAZ Regino, Gran diccionario de refranes, SPES Editorial, Barcelona, 2001, p. 25.
– IRIBARREN José María, El porque de los dichos, Aguilar Ediciones, Madrid, 1974 (cuarta edición), pp. 588-589.
– JUNCEDA Luis, Diccionario de refranes, dichos y proverbios, Editorial Espasa Calpe, Madrid, 2006, p. 43.

* Así se las ponían a Fernando séptimo

En utilisant ce proverbe, on veut signifier à la personne à qui on parle ou dont on parle qu’elle va obtenir quelque chose très facilement, soit parce qu’elle peut compter sur une intervention ou une faveur amie, soit parce que l’entreprise s’avère très simple. Par exemple : Como para no aprobar el inglés... Su madre es escocesa y él ha vivido tres años en Londres. Así se las ponían a Fernando séptimo. (Comment ça, il ne va pas réussir son épreuve d’anglais... Sa mère est écossaise et il a vécu trois ans à Londres. C’est gagné d’avance ! / Il va le faire les doigts dans le nez !)
Cette expression, qui cite explicitement le roi Ferdinand VII (1784-1833), fait allusion à un des loisirs particulièrement affectionné par le monarque : le billard. En effet, celui-ci était un grand amateur de billard et il s’adonnait régulièrement à sa passion avec ses courtisans. Malheureusement, son goût pour ce jeu n’en faisait pas pour autant un praticien doué. Bien au contraire, c’était apparemment un piètre joueur. D’ailleurs, à l’époque, les mauvaises langues murmuraient qu’après chacune de ses parties, il fallait commander un nouveau tapis. Pour le contenter et pour rentrer dans ses bonnes grâces, ses courtisans avaient donc coutume de disposer les boules sur la table de façon à ce qu’il lui soit impossible de rater son coup. Le roi n’avait plus alors qu’à se satisfaire de ses carambolages...

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, op. cit., p. 80.
– JUNCEDA Luis, op. cit., p. 74.

* ¡ Averígüelo Vargas !
On recourt à cette expression pour souligner l’extrême difficulté qu’il y a à vérifier, connaître, établir l’explication ou les raisons de quelque chose. Par exemple : ¿ Y a mí me preguntas por qué Carlos está siempre de mal humor ? ¡ Averígüelo Vargas ! Ése es uno de los grandes enigmas de la humanidad. (C’est à moi que tu demandes pourquoi Charles est toujours de mauvaise humeur ? Va savoir ! / Qui le saura ? C’est une des grandes énigmes de l’humanité.)
Le licencié Don Francisco de Vargas fut un personnage fort célèbre de la cour des Rois Catholiques. Ce dénommé Vargas, qui avait débuté comme secrétaire et valet de chambre du roi Ferdinand le Catholique, devint par la suite une sorte d’informateur royal, chargé de rendre compte au roi de tout ce qu’il se passait à la cour. Particulièrement sagace et zélé, il rapportait tous les faits et gestes des courtisans : leurs critiques, griefs, doléances, comme leurs ambitions, aspirations, prétentions, ou leurs intrigues, complots et autres manigances.
Cette expression avait d’ailleurs fini par figurer en tant que phrase toute faite dans les décrets royaux. Lorsque l’exécution d’une mission requérait l’éclaircissement de certaines questions complexes ou l’apport d’informations complémentaires, on inscrivait toujours la formule « Averíguëlo Vargas ».
Ce proverbe apparaît, avec une variante, dans le Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán (au chapitre 7 du livre I de la deuxième partie) : « ¡ Quién les dijese aquesta verdad y que, si otra cosa piensan, que son tontos ! Dígaselo Vargas. »

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, op. cit., p. 82.
– IRIBARREN José María, op. cit., pp. 19-21.
– JUNCEDA Luis, op. cit., p. 79.

* El huevo de Colón
On qualifie par cette expression quelque chose qui, au premier abord, semble difficile à faire mais qui, en réalité, ne pose aucun problème et donc qui, en fin de compte, s’avère très facile. Par exemple : No te preocupes, que yo te monto el armario, que ya lo hice otra vez y es el huevo de Colón. (Ne t’inquiète pas, je vais te monter ton armoire, je l’ai déjà fait, c’est simple comme l’œuf de Colomb / c’est simple comme bonjour.)
L’origine de cette expression provient d’un différend qui aurait opposé Christophe Colomb à son intraitable auditoire, lors des célèbres disputes cosmographiques de Salamanque. On raconte que quand les moines Dominicains et les professeurs de l’Université, réunis dans le couvent de San Esteban, assénèrent à Colomb que son projet de chercher un nouveau chemin pour les Indes était impossible à réaliser, celui-ci leur demanda s’il se trouvait parmi eux quelqu’un qui serait capable de faire tenir un œuf dur debout. Comme toute l’assistance répondit par la négative, Colomb prit l’œuf et, après avoir exercé une légère pression à une des extrémités de la coquille, parvint à le faire tenir droit sur la table. La morale de cette histoire pourrait être : pourquoi dire d’une chose qu’elle est impossible avant même d’avoir essayé ?...
Selon d’autres sources, cette démonstration fut faite par Christophe Colomb devant la reine Isabelle la Catholique en personne.
Selon d’autres encore, elle fut produite par Colomb lors d’une querelle dans une taverne avec des convives envieux qui l’apostrophaient au sujet de son exploit. L’un d’entre eux aurait cherché à minimiser l’importance de la découverte du Nouveau Monde en lançant : « Il suffisait d’y penser ». L’explorateur aurait réagi à la provocation en leur proposant, à tous, le défi de l’œuf. Mais personne ne réussit, sauf lui. Alors il s’écria : « Il suffisait d’y penser ! »
Tous les historiens ne s’accordent pas sur une telle paternité. Dans certains cas, l’anecdote est attribuée à l’architecte florentin Filippo Brunelleschi (1377-1446), qui a réalisé, entre autres œuvres notables, la coupole de la cathédrale de Florence. Il est possible que Colomb ait eu vent dans sa ville natale, Gênes, de cette anecdote à propos de l’artiste toscan. Dans d’autres cas, on la prête au célèbre inventeur italien, Juanelo Turriano (1501-1585), établi à Tolède. (Juanelo Turriano est l’inventeur d’un système hydraulique sophistiqué qui a permis, au XVIe siècle, d’approvisionner en eau toute la ville de Tolède, même les points les plus élevés, à partir du Tage). C’est pourquoi, on trouve aussi comme variante de cette expression : « el huevo de Juanelo ». Calderón de la Barca (1600-1681), dans sa célèbre comédie La dama duende (à la scène 3 de l’acte 2), par la bouche d’un de ces personnages, Doña Ángeles, relaie cette attribution :

« ¿ El cuento, mi amiga, sabes de aquel huevo de Juanelo que los ingenios más grandes trabajaron en hacer que en un bufete de jaspe se tuviera en pie, y Juanelo con sólo llegar y darle un golpecito lo tuvo ? Las grandes dificultades hasta saberse lo son ; que sabido, todo es fácil. »

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, op. cit., p. 263.
– IRIBARREN José María, op. cit., pp. 401-402.
– JUNCEDA Luis, op. cit., p. 294.

*Escribir más que el Tostado

Cette expression est invoquée à propos d’une personne qui écrit beaucoup et sur des sujets très divers.
Alonso Tostado (1404-1455), appelé aussi Alonso de Madrigal, du nom de son village de naissance, Madrigal de las Altas Torres, dans la province d’Ávila, fut professeur de l’Université de Salamanque, avant de devenir conseiller du roi Jean II de Castille et évêque d’Ávila. Ce personnage est passé à la postérité pour sa mémoire prodigieuse, qui lui permettait de réaliser de véritables prouesses. On raconte qu’il était capable de réciter sans se tromper des passages entiers de la Bible ainsi que l’intégralité de la Summa theologica de saint Thomas d’Aquin. Il est très difficile de comptabiliser tout ce qu’il a écrit dans sa vie, bien que, sur sa tombe à la cathédrale d’Ávila, figure l’épitaphe suivante, rédigée en vers par Don Suero del Águila :

« Aquí yace sepultado quien virgen vivió y murió, en ciencias más esmerado, el nuestro obispo Tostado, que nuestra nación honró. Es muy cierto que escribió en cada día tres pliegos de los días que vivió ; su doctrina así alumbró que hace ver a los ciegos. »

Si l’anecdote des trois feuillets quotidiens est vraie, sur cinquante et un ans, on obtient une production de pas moins de 55 845 feuillets. Calculs mis à part, il est attesté qu’il nous a laissé une œuvre considérable : en castillan comme en latin (sous la forme de vingt-quatre tomes in-folio).

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, op. cit., pp. 298-299.
– IRIBARREN José María, op. cit., pp. 338-339.
– JUNCEDA Luis, op. cit., p. 233.

* Las cuentas del Gran Capitán
On désigne par cette expression des comptes qui font apparaître des sommes exagérées, exorbitantes, ceux qui sont établis de façon arbitraire, peu sérieuse, incohérente, ou bien ceux qui sont présentés sans aucun type de justificatif. Par exemple : A mí no me vale que me cuentes que te has gastado tanto en taxis, tanto en comida y tanto en gastos personales. Esto son las cuentas del Gran Capitán. Necesito las facturas o los tickets. (Ça ne sert à rien de venir me raconter que tu as dépensé telle somme en taxis, telle autre pour tes repas et encore telle autre en frais personnels. Ce sont des comptes d’apothicaire. Moi, j’ai besoin des factures ou des tickets.)
Ce proverbe fait allusion à Don Gonzalo Fernández de Cordoue (1453-1515), le militaire le plus célèbre de l’Espagne des Rois Catholiques. Entre autres faits, il participa à la conquête de Grenade et il expulsa les Français du royaume de Naples, dont il fut le vice-roi. Après la mort de la reine Isabelle en 1504, ses relations avec le roi Ferdinand se détériorèrent considérablement, en particulier après la remise de ses comptes concernant la campagne de Naples. En effet, le roi n’apprécia pas du tout les comptes en question, qui avaient été dressés avec toute la mauvaise foi du monde et qui lui furent soumis pour le moins ironiquement. Voici un extrait de la version apocryphe des notes que Don Gonzalo fit parvenir au roi :

« Cien millones de ducados en picos, palas y azadones para enterrar a los muertos del enemigo. Ciento cincuenta mil ducados (según otras versiones « sólo » dos mil setecientos treinta y seis ducados y nueve reales) en frailes, monjas y pobres, para que rogasen a Dios por las almas de los soldados del rey caídos en combate. Cien mil ducados en guantes perfumados, para preservar a las tropas del hedor de los cadáveres del enemigo. Por reponer y arreglar campanas, destruidas de tanto repicar a victoria, ciento sesenta mil ducados. Finalmente, por la paciencia al haber escuchado estas pequeñeces del rey, que pide cuentas a quien le ha regalado un reino, cien millones de ducados. »

Ces comptes particuliers provoquèrent la rupture définitive entre les deux hommes et le retour, contre sa volonté, du Grand Capitaine en Espagne, où il demeura jusqu’à sa mort.
En espagnol, plusieurs verbes peuvent introduire cette expression. On trouvera habituellement : « ser », « echar », « hacer », « presentar » las cuentas del Gran Capitán.

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, op. cit., pp. 431-432.
– IRIBARREN José María, op. cit., pp. 400-401.
– JUNCEDA Luis, op. cit., p. 153.

* Pasar más aventuras que Barceló por la mar
Ce proverbe évoque, pour celui ou celle qui le prononce, les nombreux avatars, contretemps et difficultés qu’il ou elle a rencontrés dans une situation précise. Par exemple : Al final hemos llegado sanos y salvos, después de dos vuelos cancelados, un traslado en autobús, un control del ejército en la carretera, un tiroteo a doscientos metros... En fin, que hemos pasado más aventuras que Barceló por la mar. (Nous avons fini par arriver sains et saufs, après deux vols annulés, un trajet en autobus, un contrôle de l’armée sur la route, un échange de coups de feu à deux cents mètres... Enfin, nous avons vécu autant d’aventures que possible.)
Cette expression fait référence aux exploits d’un aventurier majorquin, le commandant Antonio Barceló (1717-1797), un des personnages les plus populaires de l’Espagne du milieu du XVIIIe siècle, à l’époque du règne de Charles III. Barceló combattit, à de multiples reprises, les pirates turcs et barbaresques qui perturbaient le commerce en Méditerranée et qui faisaient régulièrement des incursions sur les côtes espagnoles. Fort de sa devise « A la mar voy ; mis hechos dirán quien soy », Barceló connut une ascension fulgurante. De simple mousse à ses débuts, il fut nommé, en 1762, commandant des chébecs royaux, puis, lors du troisième siège de Gibraltar, en 1779, commandant général de l’escouade, pour finir, comme amiral de l’Armada royale de Charles III. Ses prouesses lors du siège de Gibraltar ont été immortalisées par la muse populaire dans ce couplet : « Si el rey de España tuviera / cuatro como Barceló / Gibraltar fuera de España / que de los ingleses, no. »
On trouve parfois, à la place du verbe « pasar », les verbes « subir » ou « tener », et parfois aussi, la préposition « en » au lieu de la préposition « por ». Il existe, en outre, deux variantes de ce proverbe : « ser más valiente que Barceló por la mar » et « ser más conocido que Barceló por la mar ».

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, op. cit., pp. 553-554.
– IRIBARREN José María, op. cit., pp. 337-338.

* Saber más que el maestro Ciruelo
Cette expression sert à qualifier l’érudition d’une personne. Par exemple : No tiene estudios, pero sabe más que el maestro Ciruelo. Puede hablarte de arte, de literatura, de historia... Es increíble. (Il n’a pas fait d’études, mais il est très instruit / il est très cultivé / il en sait long. Il peut te parler d’art, de littérature, d’histoire... Il est incroyable.)
Le maître auquel se réfère le proverbe est l’humaniste et mathématicien Pedro Ciruelo, mort en 1580, qui atteignit une grande renommée à son époque. Il semblerait qu’il aurait étudié dans les universités de Alcalá de Henares, Salamanque et Paris, où il reçut le titre de docteur en théologie et où il officia comme professeur de mathématiques. Postérieurement, il fut le précepteur de Philippe II et il occupa une chaire de théologie à Alcalá de Henares et à Salamanque. Il est l’auteur d’une grande quantité de livres, embrassant divers domaines : mathématiques, théologie, anatomie, astrologie, musique... Parmi ses œuvres les plus marquantes, on cite généralement la Reprobación de las supersticiones y hechicerías.
Aujourd’hui, le proverbe peut être employé sur un mode ironique pour désigner, par antiphrase, quelqu’un qui fait montre de peu d’intelligence. Il a sans doute pris ce sens nouveau par contamination avec les expressions « ser como el maestro Ciruela, que no sabía leer y puso escuela » ou sa variante « ser como el maestro Ciruela, que no sabía para sí y puso escuela », qui signifient justement tout le contraire. En tous cas, il est certain que ces deux proverbes n’ont rien avoir l’un avec l’autre. D’ailleurs, il est fort probable que l’orthographe de ce « Ciruela » soit corrompue : ce serait plutôt un certain « Siruela », originaire du village du même nom, dans la province de Burgos, qui aurait motivé les deux formes de la dernière expression.

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, op. cit., pp. 630-631.
– CARBONELL BASSET Delfín, op. cit., p. 288.
– IRIBARREN José María, op. cit., p. 391.

* Ser más feo que Picio
Cette expression est appliquée à quelqu’un qui est jugé comme extrêmement laid. Par exemple : La verdad es que, con lo guapísima que es ella, nadie entiende que se haya casado con un hombre así : es más feo que Picio. (La vérité c’est que, belle comme elle est, personne ne comprend qu’elle se soit mariée avec un homme pareil : il est laid comme un pou / il est laid à faire peur.)
Ce dénommé Picio fut un savetier grenadin, originaire de la localité de Alhendín, qui vécut dans la première moitié du XIXe siècle. Le malheureux fut condamné à mort, injustement semble-t-il, et, bien qu’il finît par être gracié, il avait éprouvé une telle angoisse que ses cheveux, ses cils, ses sourcils et ses moustaches tombèrent sur le champ et que son visage se couvrit de pustules. C’est ainsi qu’il devint une vive représentation de la laideur. Rejeté pour sa difformité, Picio termina ses jours retiré dans un village de la Sierra Nevada. En Andalousie, on raconte que sa laideur était telle que le curé, à sa mort, ne put pas le toucher pour lui donner l’extrême-onction : « más feo que Picio, a quien, de feo que era, le dieron la unción con caña, por lo asustado que estaba el cura ».
Cependant, ce pauvre Picio n’a pas, dans la verve proverbiale, le monopole de la laideur. D’autres parangons de laideur sont passés à la postérité. On dit également : « más feo que el sargento de Utrera ». Personne ne sait si le sergent dont il est question ici a réellement existé, pas même à Utrera, la localité sévillane dont il serait originaire. On dit enfin : « más feo que Carracuca ». Il n’y a pas plus de précision concernant ce personnage qui est parfois cité, outre sa laideur, pour sa bêtise ou son grand âge. On dit alors : « ser más tonto que Carracuca » ou « ser más viejo que Carracuca ». Certains auteurs pensent qu’il s’agirait d’un mendiant, d’un nain ou d’un bouffon de la cour ayant vécu au XVIIe siècle.

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, op. cit., p. 465.
– IRIBARREN José María, op. cit., p. 337.
– JUNCEDA Luis, op. cit., p. 551.

*Ser un macías
Cette expression s’applique à un homme qui est passionnément ou obsessionnellement amoureux d’une femme. Il est l’équivalent de nos expressions « être fou amoureux », « être follement amoureux », « être éperdument amoureux », voire, dans certains cas, « être un amoureux transi ».
Il faut reconnaître, dans ce proverbe, le poète galicien connu sous le nom de Macías O Namorado, « el Enamorado », l’énamouré ou l’amoureux, qui vécut entre les XIVe et XVe siècles. Les histoires racontées à son sujet sont assez confuses, mais toutes coïncident sur un point : il a consacré sa vie à son impétueuse passion pour une dame, selon les uns, une servante de don Enrique de Villena, maître de l’Ordre de Calatrava, selon les autres, la propre femme de don Enrique, doña María de Albornoz. C’est cette dernière version qui semble la plus authentique. En effet, le mari trompé ne supporta pas d’être quitté par sa femme qui avait demandé le divorce à cause de son l’impuissance. Macías, d’abord emprisonné, fut finalement exécuté. On raconte que durant le temps de ses amours enflammées, la peine infinie ressentie par Macías ne venait pas tant du fait qu’il fût tombé amoureux d’une femme mariée mais d’une femme riche, lui, qui était extrêmement pauvre.
Ce personnage est à l’origine de plusieurs légendes et œuvres littéraires dont les plus célèbres sont celles de Mariano José de Larra (1809-1837) qui écrivit, en 1834, le drame Macías et le roman historique El doncel de don Enriquete el Doliente. Dans une certaine mesure, Larra trouvait dans la vie tragique de Macías l’écho de ses relations tumultueuses avec Dolores Armijo, qui était elle aussi une femme mariée.
On trouve deux variantes de cette expression : « ser como Macías » et « estar más enamorado que Macías ».

Bibliographie :
– BUITRAGO Alberto, op. cit., pp. 699-700.

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