mardi 27 avril 2010

Exercice d'écriture

En photo : op de fiets / à bicyclette, par hier houd ik van

Le sujet était : premiers rayons de soleil

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Laëtitia Sw. :

Arborant une mine fière sur sa bicyclette flambant neuve, elle descendait, faisant fi des secousses, le large sentier caillouteux au cœur du parc floral. Elle commença par longer la rotonde de treilles chargées de rosiers grimpants qui trônait un peu en hauteur sur sa droite, continua vivement tout droit pour s’engager sous les arceaux de vigne vierge, emprunta le petit chemin creux qui s’ouvrait sur sa gauche, puis s’enfonça, à grands coups de pédaliers, sous les frondaisons des grands arbres majestueux, en direction du lac. C’est hilare qu’elle traversa, à toute vitesse, la multitude des légers ponts de bois qui enjambaient, un peu partout, d’inoffensifs ruisseaux. Elle ne pouvait pas s’empêcher, à chaque fois, d’être fort amusée par les craquements monstrueux qu’émettaient, plaintives, les vieilles planches. Elle aimait s’imaginer que c’était peut-être là leur manière de lui signifier qu’elles étaient contentes de la revoir, après ces longs mois d’absence. Elle ralentit en arrivant à proximité du torrent pyrénéen, reconstitué de toutes pièces, à une extrémité du domaine. Elle essayait toujours, en passant, de capter la rumeur de l’eau qui se brisait en cascades sur les rochers et les galets de granit, parsemés très naturellement, de ci de là, sur l’arête sinueuse de la pente aménagée. Quelques promeneurs s’étaient arrêtés pour profiter de la fraîcheur de l’endroit et du cliquetis délicieux des eaux ronronnantes. Comme elle, ils étaient venus se régaler des premiers rayons du soleil printanier. Et, malgré l’heure tardive, eux non plus ne semblaient pas très pressés de regagner leur logis, pour reprendre le cours, peut-être las, voire ennuyeux, de leur existence. Elle chassa, d’un mouvement de tête, le flot des soucis qui affleuraient à sa pensée. Elle se les représentait en une interminable file de récriminateurs, vociférant et roulant de gros yeux irrités. Ce n’était pas le moment de se perdre en ruminations stériles. Elle aurait tout le loisir d’y penser plus tard. Pour l’instant, elle avait dans l’idée de se régénérer, comme tous ces végétaux à nouveau gorgés de sève, qu’elle voyait se déployer vigoureusement devant elle, puisant leurs forces dans les profondeurs palpitantes de la terre. Elle assistait à une explosion de couleurs, de senteurs, de bruissements et de sensations vivifiantes. Seul le présent importait. Elle se dirigeait maintenant vers les jardins aux fleurs : pivoines, iris, azalées, camélias. Elle pensait y flâner tranquillement avant de se reposer sur un des bancs des allées plantées de magnolias et de rhododendrons. Là, elle boirait quelques lampées au goulot de la bouteille de thé frais et fruité qu’elle transportait dans sa musette. Il faudrait qu’elle résiste à la tentation d’entamer la lecture du livre qu’elle avait déniché cet après-midi-là sur l’étalage poussiéreux et délavé d’un bouquiniste de passage ; un livre qui lui était apparu étrangement rutilant au milieu de ses confrères fanés. Elle poursuivrait alors sa promenade vers le lac. Certes, les moustiques viendraient sûrement lui tourner autour, mais elle arriverait bien à s’en débarrasser à grands renforts de jurons insecticides et de jets de bombe répulsive dont elle comptait s’asperger copieusement. Eux aussi, finalement, ils l’amusaient, à leur façon... Ainsi, elle riait d’avance à l’idée de les retrouver car elle constatait combien, au fil du temps, le genre de petits désagréments qu’ils constituaient venait, immanquablement, avec la même fureur, échauffer son esprit, décidément toujours aussi fâcheux et rancunier en la matière ! Tiens, ça y est, ça commençait ! Viiii ! – entendait-elle bourdonner perfidement autour d’elle. À l’attaque ! – traduisait-elle. Ah, c’est comme ça... Tiens, prends ça ! Scratch ! Le premier écrasé ! Ha ha, tu ne l’as pas volé ! – ricana-t-elle. Et une bataille de remportée !

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