vendredi 14 mai 2010

« Début de stage », par Chloé Riou

En photo : La fillette au bastingage / The..., par Gerard Donnelly

Comme vous le savez, je fais mon stage dans des conditions un peu particulières : étant donné que Bastingage est une maison d’édition trop petite pour m’accueillir, je le fais chez moi. Je rencontre l’éditeur régulièrement et je le suis pour certains événements. Ainsi, j’ai tenu un stand avec lui à L’Escale du livre à Bordeaux et j’ai assisté à plusieurs conférences. Pour l’instant, j’ai pu constater que monter une maison d’édition n’est pas chose facile (surtout lorsqu’on ne bénéficie pas de subventions), que l’amour du livre ne paie pas et par conséquent qu’il faut souvent effectuer des tâches ingrates. Car si Bastingage est reconnu dans le milieu professionnel pour éditer des livres de qualité et dénicher de jeunes auteurs, le succès n’est pas au rendez-vous. Il s’agit donc d’entretenir des réseaux, en se montrant dans divers événements (conférence sur les maisons d’éditions, conférence sur l’architecture…). Je pensais que participer à L’Escale du livre aurait été un bon moyen de développer les ventes –il y en a eu, certes, mais à peine de quoi rembourser le prix du stand – et de rencontrer des lecteurs, mais c’est une réalité toute autre que j’ai découvert. En effet, ceux qui s’approchaient du stand étaient davantage des professionnels que des lecteurs. J’ai assisté à un long défilé d’imprimeurs et de graphistes à la recherche de nouveaux contrats, et à des centaines d’auteurs cherchant à se faire publier, sans même connaître les collections de la maison d’édition. En plus d’un volet commercial assez désagréable – certains éditeurs n’hésitaient pas à haranguer le passant comme des vendeurs à la criée sur un marché –, il faut faire face à des situations humainement difficiles : refuser des écrivains qui ont travaillé plusieurs années sur un projet, leur faire comprendre que cela ne correspond en rien à la ligne éditoriale, garder son sang froid car ils insistent, s’énervent ou pleurent. Ce qui m’amène à parler des manuscrits que j’ai eus à lire, à corriger et sur lesquels j’ai dû faire des fiches de lecture. La maison d’édition en reçoit plusieurs par semaine, et parmi eux, certains attirent l’attention de M. Sallenave : une écriture, un thème, un discipline… Même s’il fait appel à des lecteurs et des correcteurs (bénévoles), l’éditeur occupe aussi ces fonctions et être sur tous les plans est plus qu’épuisant. J’ai donc eu un manuscrit en ma possession qui m’a donné du fil à retordre : dès la première page, je m’arrête. En tant que lectrice, je n’aurait pas continué : dialogues invraisemblables, répétitions à tout va ( jusqu’à 8 fois le même mot en 20 lignes…), des phrases à la syntaxe plus que douteuse, des problèmes de ponctuation, des erreurs de typographie et j’en passe. En bref, le catalogue complet de tout ce qu’il ne faut pas faire. Lire 70 pages m’a pris une journée entière, vu que je corrigeais chaque ligne. Je me suis mise à douter : M. Sallenave a-t-il vraiment l’intention de le publier ? Après une longue discussion, il s’est avéré qu’il était tout à fait conscient des problèmes de cette écriture – là, j’apprend avec horreur que c’est déjà une deuxième version –, mais très intéressé par le thème du roman. Il me demande donc de continuer la lecture, sans pour autant tout corriger. J’ai pris mon mal en patience, et je l’ai terminé. J’ai réalisé que je n’avais jamais lu un livre que je n’aimais pas en entier. J’ai été à deux doigt de tout déchirer tellement je haïssais le narrateur, le personnage principal, chaque mot qui composait ce manuscrit. J’ai ensuite fait une fiche de lecture en détaillant tous les problèmes (avec de nombreux exemples) et tous mes conseils pour améliorer l’écriture, ce qui sera transmis à l’auteur (ouf je n’aurais pas à le rencontrer pour lui dire tout ça en face ! Enfin je crois…), qui, pour être publié, n’aura pas le choix : il devra couper de nombreux passages, corriger son écriture, ou ne sera pas publié. En tout cas, ce minutieux travail de lecture-correction me sera très utile pour ma traduction longue ! Rassurez-vous, j’ai aussi eu droit à un très bon manuscrit d’un jeune auteur prometteur, et travailler dessus a été très agréable. J’ai pu discuter avec lui de mes impressions de lectrice (merci Caroline pour les séances « Parlez-nous d’un livre » !) et ces rencontres sont vraiment très enrichissantes.
Voilà pour le résumé rapide de mes premières semaines de stages, la suite au prochain épisode avec un autre salon en prévision !

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