jeudi 3 juin 2010

Votre version de la semaine

En photo : viento a favor, par saul landell

Hacía un día espléndido, con un cielo azul de bandera y una brisa limpia y fresca que olía a otoño y a mar. Mi Barcelona favorita siempre fue la de octubre, cuando le sale el alma a pasear y uno se hace más sabio con sólo beber de la fuente de Canaletas, que durante esos días, de puro milagro, no sabe ni a cloro. Avanzaba a paso ligero, sorteando limpiabotas, chupatintas que volvían del cafetito de media mañana, vendedores de lotería y un ballet de barrenderos que parecían estar puliendo la ciudad a pincel, sin prisa y con trazo puntillista. Ya por entonces, Barcelona empezaba a llenarse de coches, y a la altura del semáforo de la calle Balmes observé apostadas en ambas aceras cuadrigas de oficinistas con gabardina gris y mirada hambrienta, comiéndose un Studebaker con los ojos como si se tratase de una cupletera en salto de cama. Subí por Balmes hasta Gran Vía, viéndomelas con semáforos, tranvías, automóviles y hasta motocicletas con sidecar. En un escaparate vi un cartel de la casa Phillips que anunciaba la llegada de un nuevo mesías, la televisión, que se decía iba a cambiarnos la vida y nos iba a transformar a todos en seres del futuro, como los americanos. Fermín Romero de Torres, que siempre estaba al tanto de todos los inventos, había profetizado ya lo que iba a suceder.

Carlos Ruiz Zafón, La sombra del viento

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La traduction « officielle », par François Maspéro :

La journée était splendide, avec un ciel bleu vif et une brise pure et fraîche qui sentait l’automne et la mer. Ma Barcelone préférée a toujours été celle d’octobre, lorsque nous prennent des envies de promenade et que nous nous sentons mieux rien que d’avoir bu l’eau de la fontaine des Canaletas qui, ces jours-là, miracle, n’a même plus le goût du chlore. Je marchais d’un pas rapide, évitant les cireurs de chaussures, les gratte-papiers qui revenaient de leur pause-café, les vendeurs de billets de loterie et un ballet de balayeurs qui semblaient nettoyer la ville au pinceau, sans hâte et par petites touches pointillistes. À l’époque, Barcelone commençait à se remplir de voitures, et à la hauteur du feu de la rue Balmes j’observai sur les deux trottoirs des quadriges de bureaucrates en gabardine grise couver de leurs yeux faméliques une Studebaker comme s’il s’agissait d’une diva au saut du lit. Je remontai la rue Balmes jusqu’à la Gran Vía, en affrontant les feux de croisement, les tramways, les voitures et même des side-cars. Dans une vitrine, je vis un panneau publicitaire de la maison Philips qui annonçait la venue d’un nouveau messie, la télévision, dont il était dit qu’elle changerait notre vie et nous transformerait en créatures du futur, à l’image des Américains. Fermín Romero de Torres, toujours au courant des inventions, avait déjà prophétisé la suite.

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Amélie nous propose sa traduction :

Le temps était splendide, avec un ciel bleu vif et une brise pure et fraîche qui sentait l’automne et la mer. J’ai toujours préféré Barcelone en octobre, quand l’envie nous prend de sortir nous promener et qu’on devient plus sage rien qu’en buvant à la fontaine de Canaletas qui, ces jours-là, comme par miracle, n’a pas du tout le goût du chlore. J’avançais d’un pas léger, évitant les cireurs de chaussures, les gratte-papiers qui revenaient de la pause café du milieu de matinée, les vendeurs de billets de loterie et un ballet de balayeurs qui semblaient polir la ville au pinceau, sans hâte et par touches pointillistes. À l’époque, Barcelone commençait déjà à se gorger de voitures, et à la hauteur du feu de la calle Balmes, j’observai des quadriges de bureaucrates en gabardine grise et au regard vorace qui, postées sur les deux trottoirs, dévoraient une Studebaker des yeux, comme s’il s’agissait d’une diva en déshabillé. Je remontai Balmes jusqu’à Gran Vía, croisant au passage des feux, des tramways, des véhicules et même des side-cars. Dans une vitrine, je vis une affiche de la marque Philips qui annonçait la venue d’un nouveau messie, la télévision laquelle allait, selon eux, révolutionner notre vie et nous transformer en êtres du futur, à l’instar des Américains. Fermín Romero de Torres, toujours au courant de toutes les inventions, avait déjà prédit ce qui allait arriver.

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