samedi 17 juillet 2010

Description d'une cerise, par Vanessa Canavesi

En photo : CIMG2300, par demorlaixversnimes

Madame,

C'est avec joie que je lis votre lettre, vous qui savez si bien parler des choses simples de la vie, et qui êtes si prompte à éveiller ma curiosité. Nous nous sommes toujours entendus de manière exagérée sur les choses de l'art, et de l'esthétique, et c'est avec émotion cependant que je me rends compte aujourd'hui de notre profond désaccord en matière de gastronomie.
Certes, la passion que vous portez pour les fruits de la saison est respectable, mais votre description des petits fruits rouges, notamment de la cerise qui est celui que j'apprécie le moins, me semble démesurée.
Il est vrai qu'à la vue d'une allée ordonnée de cerisiers en fleurs, semblable à celle du petit bois où nous allâmes ensemble un après-midi, nous nous transportons dans l'instant en un lieu exotique et apaisant ; la fleur printanière aux parfums d'orient qui orne l'arbre est fine, et gracieuse. Je ne réfute pas l'harmonie et la douceur qui se dégage d'un tel paysage, puisqu'en imagination ce tableau me ravit déjà l'esprit. Le fruit en lui-même est des plus étincelants, sensuel à la vue comme au toucher, et les gens de goût ne cessent de vanter ses couleurs attrayantes, ses formes parfaites ; je suis de votre avis, on ne peut nier les qualités exquises et divines de sa morphologie.
Plus sa chair est ferme, et pourpre, plus l'envie s'accroît, comme vous dites, d'y planter les dents afin qu'elle explose délicatement sous le palais.
Mais voilà, je n'y trouve rien de bon que l'apparence, et y goûter est pour moi une tâche bien difficile. Sa saveur me laisse une impression aussi vide de sens qu'une phrase dont les mots auraient été chacun empruntés à une langue différente. Il est des beautés naturelles qui échappent à mes sensations, et celle-là même dont vous me parlez me contrarie. Madame, je ne comprends pas cet attachement, cette passion, j'irai jusqu'à dire, cette avidité que vous nourrissez pour ces fruits acidulés. Je ne parle pas ce langage, et je le regrette amèrement, mais, je vous en prie, ne m'en tenez pas rigueur, et poursuivons nos discussions amicales sur un autre sujet.

Aucun commentaire: