jeudi 23 septembre 2010

Exercice d'écriture : « Filet », par Perrine Huet

En photo : Pris au piège
par mictan

Le soleil commençait tout juste à se lever. Quelques rares rayons transperçaient doucement les eaux sombres, calmes et profondes. Toute la faune maritime était encore endormie lorsque je me réveillai, abasourdi par une nuit agitée. Je scrutai les eaux troubles, à la recherche d'un membre de ma famille. J'aperçus à une vingtaine de mètres mon frère encore assoupi. Tout doucement, je m'approchai de lui, en prenant garde de ne pas bouger mes nageoires trop rapidement. Puis, arrivé tout près de lui, je chatouillai le bout de mon rostre contre le sien, comme j'aimais tellement faire. Il sursauta d'un coup, interrompu dans son rêve, et me regarda d'un oeil noir, comme à chaque fois que je le taquinais. Il se mit alors à me poursuivre, et une course acharnée commença entre nous.
Mon frère, qui était âgé de deux ans de plus, était bien plus véloce que moi et ne me laissait jamais gagner, prétextant qu'il ne voulait plus me considérer comme un bébé; mais moi je le soupçonnais secrètement d'être un mauvais perdant. J'essayais donc de le dépasser, agitant ma queue de toutes mes forces, bondissant hors de l'eau pour replonger au plus profond de la mer encore noire qui s'animait peu à peu.
Soudain, je le perdis de vue. J'essayai d'accélérer la cadence. Mon frère avait tout bonnement disparu dans les eaux froides et troubles. J'émis l'hypothèse qu'il avait voulu changer de jeu et lancer une partie de cache-cache. Je me mis donc à le chercher derrière un banc d'éponges, une barrière de corail, sous un rocher vêtu d'anémone...mais en vain. Alors que j'atteignais de nouveau la surface de l'eau, je vis une ombre anormale se dessiner sur la mer. Je ne compris pas immédiatement de quoi il retournait et m'approchai ainsi davantage. C'est alors que je découvris avec horreur qu'il s'agissait d'un bateau de pêcheurs. Paniqué, je voulus rebrousser chemin, lorsque j'entendis les cris de mon frère. A travers les eaux, je l'entrevis, pris au piège dans les mailles épaisses d'un immense filet.
Je ne sus que faire, tétanisé par la peur, et restai immobile durant plusieurs secondes. Puis je pris mon courage à deux mains et tentai de ciseler les mailles avec mes dents pointues. Malheureusement, la corde était bien trop rigide pour ma jeune dentition, et elle ne voulait pas céder. Je voyais dans le regard de mon frère une extrême tristesse et un immense désespoir. Je me sentais totalement impuissant. Alors, le bateau démarra, et le filet se mit à bouger très rapidement, à une allure qu'il m'était impossible de suivre. Je tentai de nager derrière mon frère l'espace d'une minute, mais je me rendis vite compte que c'était peine perdue. Je le vis s'éloigner petit à petit, sachant pertinemment qu'il s'agissait certainement de notre dernier échange de regard.

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