samedi 27 novembre 2010

Exercice d'écriture : « Il n'a pas deux sous d'idée », par Vanessa Canavesi

En photo : Monsieur Chat (close up) -...
par TRUE 2 DEATH

Registre de main courante / Déclaration nº 599 datée du 8 novembre 1997 à 12:04
« Madame Châtillon Ghislaine, célibataire sans enfant, propriétaire de sa résidence principale sise rue de La Fayette, déclare avoir relevé la présence d'un individu suspect au sein de son domicile, le vendredi 7 novembre – tu notes, ou quoi ? – je reprends : le vendredi 7 novembre au cours de la soirée, c'est-à-dire dans la nuit du vendredi au samedi – c'est exactement ça, hein ma p'tite dame ? – lorsqu'elle-même se trouvait à son domicile, entre les divers moments où elle était sortie promener son animal de compagnie, un chat incontinent de 19 ans, c'est-à-dire dans une période s'étalant de 19h30 à 02h30 le lendemain. Ledit individu mesurerait un mètre 75 environ, serait affublé de chaussures noires vernies et est d'autre part suspecté d'avoir porté ce soir-là des vêtements sombres, “selon les dires de la plaignante” – ouais, mets ça, Joseph, c'est bien, ça.
Après avoir emprunté les trois marches de l'escalier de l'entrée et après s'être introduit de toute évidence par la porte principale restée ouverte, le malfaiteur a pénétré sans effraction dans l'habitation. C'est au moment où il tentait de dérober les couteaux de cuisine présents sur le plan de travail que la propriétaire des lieux a aperçu le cambrioleur depuis le fauteuil à bascule de son salon ; événement qui, pour la victime, a été ressenti comme une attaque personnelle stricto sensu. Néanmoins l'auteur du larcin, dérangé par les miaulements du chat susnommé, a mis court à son projet et a pris soin de quitter la pièce sans emporter son butin. Il est fort utile de préciser que la plaignante a émis le souhait que les services de police compétents informent par quelque moyen que ce soit l'individu en question de l'interdiction formelle qui lui est adressée de se trouver à moins de 250 mètres des lieux de l'agression, – c'est pas beau ça, ma p'tite dame ? – mais qu'aucune plainte n'a été formulée de facto devant l'absence visible de preuves tangibles. »
Un rapport brillant comme celui-là... Conçu avec flair et parcimonie, et qui fait quand même son petit effet, il faut avouer... C'est que c'est presque les Beaux-arts, Madame, de la grande littérature, qu'on me demande là. Ah, et puis c'est pas çui-ci qui m'aiderait à faire dans le Shakespeare, hein ! Il a pas deux sous d'idée, ça pour sûr ! Tiens Joseph, tu écris là, tu complètes après ça :
« En qualité d'assistant stagiaire assujetti au commissaire de police et assigné au registre des mains courantes et des plaintes, j'atteste avoir reçu et consigné les faits déclarés par le particulier Mme / M. (barrer la mention inutile) Châtillon Ghislaine, le 8 novembre 1997 à Paris, 9e arrondissement.
Nota bene : Si la déclaration ci-dessus mentionne un ou plusieurs témoins outre le plaignant, le dépôt de main courante sera reproduit in extenso par procès-verbal du brigadier de gendarmerie pour les renseignements judiciaires. » Impeccable !

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