vendredi 12 novembre 2010

Exercice d'écriture (imaginez la suite…), par Stéphanie Maze

« Crac… Badaboum.
— Bon sang ! s'exclama l'inspecteur principal Dover. Fallait que ça commence comme ça ! »
Il inaugurait ce jour-là le tournant qu'avait pris sa carrière dans ce trou paumé et le voilà qui démarrait en beauté. Rien de mieux ne lui vint à l'esprit que de passer à travers les lattes du plancher du premier macchabée venu. Une chute de deux mètres l'avait mené tout droit dans le salon des voisins du dessous. Il releva la tête, eux se tenaient là face à lui, le toisant du regard. Il faut dire qu'il venait de massacrer leur téléviseur avant d'envoyer valdinguer au moyen de quelques cabrioles leur magnifique table de verre.
Il tenta de garder sa dignité, bien que cela lui semblât impossible : le visage lacéré de coupures presque microscopiques laissait échapper ça et là quelques gouttes de sang, son coccyx le lançait, la chute mal réceptionnée sur la télévision avait dû provoqué quelque réaction là-dedans, il lui semblait impossible de se relever. Il eut donc recours à tout un tas de gesticulations avant de réussir à se mettre debout. Comme si cet acte pouvait lui fournir une justification recevable, il brandit sa plaque de police. Il tendit l'oreille vers le lieu du crime, là où devaient se trouver ses collègues et crut percevoir le rire étouffé de celui qui devait bientôt se transformer en son nouvel acolyte, l'inspecteur Justik.
Il détestait déjà cet endroit. Il n'y était pas venu par plaisir, loin de là. À moins d'être né dans ce patelin (et encore !), personne n'aurait l'idée d'y faire sa vie. Ici, même un rat mort trouverait plus de distraction que tout être humain digne de ce nom. Il venait de Sheffield où il avait bâti sa réputation de ripou, de flicaille véreuse de bas étage. Il soutirait quelques kopecks aux morues, en contrepartie il les laissait tapiner tranquille. Selon lui, c'était de la générosité, un échange de bons procédés, sans lui, elles se seraient retrouvées au trou. Finalement, il leur permettait de gagner quelques ronds et arrondissait ses fins de mois par la même occasion. De temps en temps, il en profitait aussi, il montait dans leur turne, et hop, un petit coup pour la route. Ça n'avait jamais fait de mal à personne. Une petite décharge et c'est reparti pour un tour. Il était comme tout le monde après tout : s'il était pesait trop lourd, impossible de réfléchir. C'était pour le bon déroulement de ses enquêtes qu'il utilisait ce genre de pratique. Et puis quand elles avaient fini, elles lâchaient un : « C'est pour moi, Dover », un peu comme un patron de bar qui paierait sa tournée. D'ailleurs elles étaient plus clémentes que le proprio du bouge dans lequel il se rendait régulièrement. Des coups (à boire, bien entendu), il ne lui en avait pas offerts des masses. Il le dégageait plutôt en l'attrapant par le colbaque ou en jouant des poings.
Le fait est qu'un jour, ils l'avaient pas mis au courant, ‒ faut bien avouer que depuis qu'ils avaient découvert les flasques d'alcools planquées dans ses poches, ils ne lui confiaient plus grand chose ‒ mais ils cherchaient à démanteler un réseau de prostitution. Je vous laisse deviner qui est-ce qu'ils ont pris la main dans le sac ‒ pour ne pas le décrire de manière plus imagée ?! En plein dans le mille : c'était Dover. Ils l'avaient pris en flag' avec la Jeannette, une rousse bien en chair (pour parler poliment), au sourire ravageur, ah ça, il en aurait fait fuir plus d'un ! Ses dents, ou plutôt ses chicots, pouvaient se compter sur les doigts d'une main. Elle avait le visage grêlé, défiguré par une infinité de rides. Dover avait donc dû subir les railleries de ses collègues et les réprimandes de ses supérieurs. Un jour, ils le convoquèrent pour lui annoncer qu'il ne pouvait pas continuer ici, à Sheffield. Ils ne pouvaient toutefois pas se permettre de le virer étant donné le scandale qui risquait d'éclater si la nouvelle se répandait. Ils lui firent part de sa mutation forcée, c'était ça ou un départ « volontaire ». Quand il lui donnèrent le nom de la destination, il y réfléchit à deux fois : Gloucestershire.
Pour le convaincre, ils lui affirmèrent qu'il ne se tuerait pas à la tâche, que là-bas c'était plus que tranquille, que les bars étaient au rendez-vous, il se sentirait donc dans son élément. Ils avaient su le prendre par les sentiments. De toute façon, il ne pouvait rester sans le sou, alors il finit par accepter. Il se retrouvait donc là, face à ce couple interloqué, dont l'homme, une vraie armoire à glace n'avait pas l'air commode. Dover ne savait que prétexter pour se sortir de cette situation délicate. Il était en train de bafouiller quelques mots : Inspecteur Do..., lorsqu'il vit s'abattre sur lui le poing du colosse.

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