samedi 11 décembre 2010

« De l'utilité pour le traducteur de sortir de sa tour d'ivoire », par Olivier Marchand

En photo : tour d'ivoire
par Didier LEVEILLE

Pourquoi devrais-je affronter les vents furieux, la pluie assassine et les odeurs malsaines de l'extérieur alors que, confortablement installé dans mon canapé, une tasse de thé à la main et mon ordinateur connecté, je ne demande qu'à y rester ?
De tout temps, l'homme a trouvé dans la nature qui l'entourait et dans son environnement un puits intarissable d'inspiration. Le poète y avait ses muses, le musicien ses notes et l'auteur son décor et ses idées. Quelles raisons pousseraient le traducteur à les accompagner ? Lui qui ne traduit que des mots a-t-il réellement besoin d'aller chercher dans le monde fourmillant d'activité des solutions à ses problèmes ? Tenir d'une main gauche son dictionnaire et fouiller de sa main droite sur la toile ne lui suffit-il pas ?
Aussi épais que soit le dictionnaire et aussi fournie que soit la toile, certains mots ou expressions demeurent introuvables. Impossible qu'il en soit ainsi, me rétorquez-vous ! Eh bien, si : où trouver, par exemple, le nom de cette petite pièce métallique appartenant au moteur de la Porsche 911 GT3 RS de 2002, comment traduire cette machine à eau servant à épiler partiellement les porcs après qu'ils ont été échaudés… ? Le traducteur se voit alors obligé de sortir de son petit univers confortable, contraint d'abandonner sa tour d'ivoire et de s'armer de courage et d'une bonne dose d'audace pour aller demander au commerçant du coin les secrets qui entourent son petit métier, sous le regard incrédule et la mine ébahie des clients qui se demandent quel est cet étrange personnage intéressé par ce genre de choses : « mais si, vous savez bien, cette coupe de cheveux très en vogue en 1976 », « euh, le nom de ce morceau de viande qui est situé à l'arrière des pattes antérieurs chez le sanglier ?»…
Outre ces petites interrogations techniques, le traducteur qui, je vous le rappelle, est aussi un être humain, n'a-t-il pas besoin de se détacher du texte le moment opportun et d'aller se vider la tête en prenant un café, ou encore de s'octroyer un petit moment de détente au Fest-Noz local et évacuer ainsi tensions et surmenage sur le rythme endiablé du biniou et de la bombarde… ? C'est alors que, entre deux pas de danse sautillante ou après avoir versé sa petite dosette de sucre dans le café fumant, apparaît, aux yeux et oreilles du traducteur, la solution tant attendue : cette expression que deux longues journées d'obstination n'ont pas su trouver, ce mot qui, lancé par un de nos comparses, se révèle être celui-là même que l'on a passé la semaine à chercher…
Alors, chers amis traducteurs, n'ayez pas peur. Sortez de chez vous, la réponse à vos questions sera au rendez-vous !

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