samedi 12 février 2011

Exercice d'écriture : « Ascenseur », par Auréba Sadouni

Merde, alors ! Nom d’un chien ! C’est quoi c’courrier à la con ! Ils croient quand même pas que j’vais cracher mon blé pour rembourser toutes leurs conneries, à ces merdeux ! Germaine ! Ramène-toi ! Tu vois c’qu’y a écrit, là ? Non mais… faut quand même pas pousser ! Pourquoi est-ce que ça doit être à nous d’ payer pour les autres, hein ? Dis-le-moi ! Non mais… t’as vu ça, Germaine ! SIX CENT NONANTE-CINQ EUROS !!! À payer entre tous ceux d’l’immeuble ! Nan, tu rêves pas, ma vieille ! C’est bien ça ! Et pourquoi ? Pour une fichue porte d’ascenseur ! J’vais t’ les trouver, moi, les sales gosses qui ont fait ça ! Ils vont voir de quel bois j’me chauffe! Ça, j’te l’dis, hein, ils vont voir ! Ils vont chier dans leur froc, ces sales morpions d’ mes deux ! Ça leur apprendra à bousiller l’ascenseur ! Mais qui ça peut bien être ? Tu crois qu’c’est l’autre con que j’ai chopé l’autre fois en train d’ pisser à l’intérieur ? Encore une fois où j’ai dû monter par l’escalier… et à mon âge ! Et l’autre fois, tiens, y en avait un, c’était pas la p’tite commission qu’il avait faite ! Ah non non ! C’était la grosse ! Bien puante ! Bien dégueulasse ! Non mais j’te jure ! Il s’était même essuyé le fion sur les murs, le sale chiard ! C’était pas beau à voir ! Mais pas moyen d’savoir lequel c’était ! J’en ai ma claque, de c’t’immeuble ! À chaque fois, c’est pareil ! On sait jamais qui c’est qui a salopé l’ascenseur ! Ils respectent rien, ces gens ! Non mais t’as vu les voisins qu’on s’tape ! Moi, l’ascenseur, c’est plus possible ! J’ peux plus monter d’dans ! Ça m’file la nausée ! Non mais… t’as pas vu comment qu’ ça chlingue, là-d’dans ! Entre le voisin du cinquième qui fume comme un pompier, l’autre qui lâche des caisses toutes les deux secondes, celle-là qui cocotte, l’autre qui s’est pas lavé depuis trois s’maines, l’autre qui arrête pas d’roter, l’autre qui rentre du sport tout dégoulinant, l’autre avec ses clebs, l’autre qui pue la gnaule… et j’en passe ! Et les boules puantes ! Y’en a même qui s’amusent à lâcher des boules puantes ! Ah bon ? Tu sais pas c’que c’est ! Ben t’as bien d’la chance ! C’est pas possible, ça ! Qu’est-ce qu’on a fait pour mériter ça ! Et puis…, si seulement c’étaient qu’ les odeurs ! Moi, franch’ment, j’ peux plus m’les voir en peinture! Ah la la ! Si on pouvait gagner au loto ! Ça s’rait vach’ment bien, tu crois pas ? On pourrait enfin déménager. Tu veux pas choisir les bons numéros, pour une fois ? Hein ? Germaine ! Et puis au passage, ça t’ dérangerait pas d’ changer un peu d’ tête ! Non mais c’est vrai ! Déjà qu’mon environnement n’est déjà pas terrible, tu pourrais bien faire un p’tit effort ! Chais pas, moi ! Défronce ta figure, un peu ! Peinturlure-toi la façade ! Fais comme l’autre gonzesse du troisième, tiens ! Ah ! La nénette du troisième ! Qu’est-ce que j’aimerais l’avoir à côté d’moi ! Pas que dans l’ascenseur, j’veux dire ! Oh ! C’est pas vrai ! Nom d’une flûte ! T’es encore en train d’ pleurnicher ! Tu devrais pas ! Tu sais bien qu’ ça dessèche ta peau ! Déjà qu’elle est pas jojo, ma p’tite Germaine ! J’ai l’impression d’ vivre avec un crocodile ! Allez, viens par là ! Tiens, v’là du fric ! Va t’acheter du fond de teint, va… Je disais quoi, déjà ? Ah oui ! C’est vrai ! Vraiment, là, j’en ai gros sur la patate ! Moi, j’suis pas comme tous ces benêts, là. Moi, j’ suis une personne respectable ! Pourquoi est-ce que j’ vis avec tous ces abrutis, hein ? Pourquoi ? Est-ce que tu peux m’le dire ? Et pourquoi est-ce qu’il faut qu’ils appellent l’ascenseur pendant qu’moi, j’ suis à l’intérieur, hein ? Comme l’autre asticot, là, avec ses bénards fluo ! Il m’file la migraine à chaque fois que j’le croise ! Pas moyen d'l'éviter. Et l'autre gus, là, avec sa grosse bedaine toute poilue ! Tout dépoitraillé ! Y’a tout qui déborde ! Pas possible, ça ! Ils ont aucune classe, ces gens là ! Ils savent pas s’ fringuer ! Ils ressemblent à rien ! Et puis, qu'est-ce qu'ils m'font chier !En tout cas, moi, j’leur donne pas un rond. Ils s’ démerdent ! Et puis j’m’en fous ! Si ils le réparent pas, rien à faire ! J’descendrai pas, et puis c’est tout. De toute façon, c’est pas moi qui fais les courses, et c’est pas moi qui jette la poubelle, alors… Oh ! Mais c’est qu’c’est d’jà midi ! Mais qu’est-ce que tu fabriques, bordel ! Qu’est-ce que t’attends pour mettre la table ! Vraiment, t’en branles pas une ! J’me d’mande bien c’qui m’est passé par la tête le jour où j’ t’ai mis la bague au doigt ! La belle affaire ! Mais Germaine ! Arrête de chougner une bonne fois pour toutes ! Ça devient énervant, à la fin ! Rends-toi utile ! Tiens, par exemple, au lieu de rester plantée là, va plutôt jeter ce courrier à la poubelle, tu veux !

Aucun commentaire: