lundi 25 juillet 2011

Version de CAPES, 2 (à rendre pour le 28 juillet)

De Arco aquella noche cenó solo. A De Arco no le gustaban las comidas solitarias, y casi siempre tenía alguien a su mesa. Últimamente su compañía se había ido reduciendo a unas cuantas mujeres, media docena de amigas frivolonas y charlatanas, supervivientes de otra época suya. Restos de naufragio, como las llamaba él. Buenas amigas, a las que la vida había ido dejando solitarias y a las que no les importaba perder una partida de cartas para acompañarle en pequeñas tandas. A De Arco no le gustaba jugar a las cartas, y esto, según él pensaba, era lo que en los últimos tiempos había empezado a convertirle en un desplazado entre sus conocidos.
A los "Restos del naufragio" las llamaba también "sus pretendientas" o "sus viudas", porque tenían este estado y hasta parecían haber nacido así... Sin embargo, De Arco sacaba a relucir a menudo en su conversación a los difuntos maridos y hasta hacía chistes un poco raros, recordándolos mal y atribuyendo a alguna de las viudas un recuerdo imperecedero del difunto esposo de alguna de las otras... Luego, cuando se quedaba solo junto a la chimenea, llegaba el momento en que el fuego, ya muy pasado, parecía animar las facciones de su mujer, María Elena, que desde el gran cuadro en que aparecía vestida de amazona le reprochaba aquellas pullas a las viudas:
— Estás perdiendo toda tu gracia, hijito... En cuanto elijas a una de ellas, las otras te abandonarán de todas todas... Y ya sería hora de que eligieses y sentases la cabeza.
Aquella noche, De Arco dio la noticia al retrato de su mujer.
— Ya he elegido... ¿Qué te parece?
—Encuentro que empiezas a chochear, pobrecillo. ¿Qué quieres que haga en esta casa esa criatura sin gracia...?
— Pues hija, cuidarme... Y, además de eso, aprender a vivir... He pensado en que es una criatura sin estrenar, algo así como si me casase con una niña, sin los peligros de casarme con una niña... Va a ser algo nuevo viajar con ella, enseñarle a vestirse, hacerla disfrutar de comodidades que no conoce, y, en fin, descubrir su intimidad, tan cerrada; oír la confesión del cariño que me ha tenido toda la vida, incluso en aquellos tiempos en que tú, al hacer una de las raras visitas a mi despacho, me dijiste que era la secretaria ideal para mí, por que, sin ser fea, era la encarnación viviente del "antiatractivo"...

Carmen Laforet, Un noviazgo

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Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Ce soir-là, De Arco dîna seul. De Arco n’aimait pas les repas en solitaire, ainsi recevait-il presque toujours quelqu’un à sa table. Dernièrement, sa compagnie s’était vue réduite à quelques femmes, une demi-douzaine d’amies fort frivoles et bavardes, survivantes d’une autre époque. Des restes de naufrage, comme il les appelait. De bonnes amies, esseulées par la vie, qui ne voyaient pas d’inconvénient à perdre une petite partie de cartes pour l’accompagner. De Arco n’aimait pas jouer aux cartes, et, selon lui, c’est ce qui avait, ces derniers temps, commencé à le marginaliser parmi ses semblables.
Les "Restes du naufrage" étaient également nommés par lui "ses prétendantes" ou "ses veuves", parce que tel était leur état et qu’il semblait même en être ainsi depuis leur naissance... Néanmoins, De Arco exhumait souvent dans ses conversations leurs feus maris, allant jusqu’à faire des blagues un peu bizarres à leur sujet ; en effet, il se les rappelait mal et attribuait à l’une des veuves un souvenir impérissable concernant le défunt époux d’une autre... Puis, lorsqu’il se retrouvait seul devant la cheminée, le moment venait où les flammes mourantes semblaient animer les traits de sa femme, María Elena, qui, du grand tableau où elle apparaissait vêtue en amazone, lui reprochait ces boutades lancées aux veuves :
? Tu es en train de perdre tous tes attraits, mon chéri... Dès que tu choisiras l’une d’entre elles, les autres t’abandonneront tout à fait... Il serait grand temps de choisir et de te ranger.
Cette nuit-là, De Arco révéla la nouvelle au portrait de sa femme.
? J’ai déjà choisi... Qu’est-ce que tu en penses ?
? Je crois que tu commences à devenir gâteux, mon pauvre ami. Que veux-tu que cette oie blanche fasse dans cette demeure... ?
? Eh bien, ma chère, s’occuper de moi... Et aussi, apprendre à vivre... Je me suis dit qu’il s’agissait d’une demoiselle, c’est comme si, en quelque sorte, je me mariais avec une jeune fille, sans les dangers inhérents à une telle union... Quelle nouveauté que de voyager à ses côtés, de lui enseigner l’art de s’habiller, de la familiariser avec des commodités qu’elle ignore, et de découvrir son intimité, si secrète ; de l’entendre confesser les sentiments qu’elle a nourris pour moi durant toute sa vie, y compris à cette époque où tu m’avais confié, lors d’une de tes rares visites à mon bureau, qu’elle était la secrétaire idéale pour moi, car, sans être laide, elle incarnait le remède vivant contre le charme...

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Annabelle nous propose sa traduction :

De Arco dîna seul ce soir là. De Arco n'aimait pas les repas solitaires, et il avait presque toujours quelqu'un à sa table. Dernièrement, sa compagnie avait fini par se réduire à quelques femmes, une demi-douzaine d'amies très frivoles et bavardes, rescapées d'une autre de ses époques. Des restes de naufrage, comme il les appelait. De bonnes amies, que la vie avait rendues solitaires et que cela ne dérangeait pas de perdre une partie de cartes pour l'accompagner dans de petits tournois. De Arco n'aimait pas jouer aux cartes, et ceci, comme il le pensait, était ce qui avait commencé ces derniers temps à le transformer en un inadapté au milieu de ses connaissances.
Il appelait aussi les « Restes du naufrage » « ses prétendantes » ou « ses veuves », car elles avaient cette situation et qu'elles avaient même l'air d'être nées ainsi... Cependant, De Arco exhibait souvent les défunts maris dans sa conversation et allait même jusqu'à faire des blagues un peu étranges, se souvenant mal d'eux et attribuant à l'une des veuves un souvenir impérissable de l'époux décédé de l'une des autres... Puis, quand il se retrouvait seul à côté de la cheminée, arrivait le moment où le feu, alors presque éteint, semblait donner vie aux traits de sa femme, María Elena, qui, du grand tableau où elle figurait vêtue d'amazone, lui reprochait ces grossièretés envers les veuves :
– Tu es en train de perdre tout ton charme, mon petit... Dès que tu choisiras l'une d'elles, les autres t'abandonneront toutes à la fois... Et il serait enfin l'heure que tu choisisses et que tu te ranges.
– Cette nuit là, De Arco annonça la nouvelle au portrait de sa femme.
– J'ai fait mon choix... Qu'est-ce que tu en penses ?
– Je trouve que tu commences à devenir gâteux, mon pauvre. Que veux-tu que cette créature sans grâce fasse dans cette maison... ?
– Eh bien, ma fille, s'occuper de moi... Et en plus de cela, apprendre à vivre... J'ai réfléchi au fait que c'est une créature neuve, un peu comme si j'épousais une petite fille, sans les dangers de me marier avec une enfant... Ce sera quelque chose de nouveau de voyager avec elle, de lui apprendre à s'habiller, de lui faire profiter d'un confort qu'elle ne connaît pas et, enfin, de découvrir son intimité, si renfermée, d'écouter l'aveu de la tendresse qu'elle a eue pour moi toute sa vie, même à cette époque où, toi, en faisant une de tes rares visites à mon bureau, tu m'as dit qu'elle était la secrétaire idéale pour moi, car, sans être laide, elle était l'incarnation vivante de l' « antiattirant »...

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Bruno nous propose sa traduction :

De Arco dina seul ce soir-là. De Arco n’aimait pas les repas en solitaire, et il conviait presque toujours quelqu’un à sa table. Dernièrement, sa compagnie s’était peu à peu réduite à quelques femmes, une demi-douzaine d’amies très frivoles et bavardes, survivantes d’une autre époque de sa vie. Des épaves de naufrage, comme il les appelait. De bonnes amies, que la vie avait progressivement rendues solitaires et auxquelles cela importait peu de perdre une partie de cartes pour l’accompagner dans de petites séries d’autres. De Arco n’aimait pas jouer aux cartes, et cela, selon sa pensée, c’était ce qui ,ces derniers temps, avait commencé à le changer en un étranger parmi ses connaissances.
Aux « épaves du naufrage », il les nommait aussi « ses prétendantes » ou « ses veuves », car elles avaient aussi cet état et même semblaient être ainsi nées… Cependant, De Arco faisait ressortir parfois dans sa conversation leurs défunts maris et il faisait même des blagues un peu douteuses, en se les rappelant mal, et en attribuant à une des veuves un souvenir impérissable du défunt époux d’une des autres… Ensuite, lorsqu’il se retrouvait seul près de la cheminée, le moment arrivait où le feu, déjà presque éteint, semblait animer les traits du visage de sa femme, María Elena, qui, depuis le grand tableau où elle apparaissait vêtue en amazone, lui reprochait ces quolibets qu’il donnait aux veuves :
- Tu es en train de perdre tout ton charme , mon vieux… Quand tu auras choisi l’une d’entre elles, les autres t’abandonneront toutes sans exception… Et il serait enfin temps que tu choisisses et que tu deviennes raisonnable.
Cette nuit-là, De Arco apprit la nouvelle au portrait de sa femme.
- ça y est, j’ai choisi… Qu’en penses-tu ?
- Je trouve que tu commences à radoter, mon pauvre. Que veux-tu que fasse cette enfant sans grâce dans cette maison… ?
- Et bien ma chère, s’occuper de moi… Et en plus de cela, apprendre à vivre… J’ai pensé au fait que c’est une jeune fille sans expérience, c’est un peu comme si je me mariais avec une enfant, sans subir les dangers du fait de me marier avec une enfant… Cela va être quelque chose de nouveau de voyager avec elle , de lui apprendre à s’habiller, de lui faire profiter des commodités qu’elle ne connait pas, et, enfin, de découvrir son intimité, si fermée ; d’entendre la confession de la tendresse qu’elle a éprouvé pour moi durant toute sa vie, même du temps où, en me rendant une de tes rares visites à mon bureau, tu m’avais dit que c’était la secrétaire idéale pour moi, parce que, sans être laide, elle était l’incarnation de l’ « anti-charme »…

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Jean-Nicolas nous propose sa traduction :

Ce soir là, monsieur d’Arco dîna seul. Monsieur d’Arco n’aimait guère les repas en solitaire et il avait presque toujours quelqu’un à sa table. Dernièrement, sa compagnie s’était réduite /se résumait à quelques femmes : une demi douzaine d’amies cancanières et baratineuses, survivantes d’une autre époque de sa vie. Des restes du naufrage, comme il les appelait. De bonnes amies que la vie avait petit à petit vouées à la solitude et à qui perdre une partie de cartes pour l’accompagner dans une série de petites danses importait peu/ne faisait rien. Monsieur d’Arco n’aimait pas jouer aux cartes et cela -c’est ce que lui pensait- était ce qui, dans les derniers temps, avait commencé à le faire devenir un étranger parmi ses connaissances.
Il appelait les « Restes du naufrage » également « ses prétendantes » ou « ses veuves » parce qu’elles avaient ce statut et semblaient même être nées comme tel… Cependant, Monsieur D’Arco remettait souvent sur le tapis, au cours de sa conversation, les défunts maris ; s’en rappelant très mal et prêtant/attribuant à l’une des veuves un souvenir impérissable du défunt époux à l’une des autres, il faisait même des blagues un peu étranges/cyniques… Ensuite, quand il restait seul près de l’âtre, venait le moment où, le feu, déjà bien éteint, semblait animer les traits de sa femme, Marie Hélène, qui, depuis le grand tableau où elle apparaissait vêtue d’une amazone, lui reprochait ces piques lancées aux veuves :
-Tu es en train de perdre tout ton charme, pauvre petit… Dès que tu choisiras l’une d’entre elles ; les autres, à n’en pas douter, t’abandonneront… Et il serait temps que tu choisisses et que tu te mettes du plomb dans la tête.
Ce soir, Monsieur d’Arco informa le portrait de sa femme.
-J’ai déjà choisi… Qu’en penses-tu ?
-Je pense que tu commences à devenir gâteux pauvre petit… Que veux-tu que fasse dans cette maison un être dépourvu de grâce… ?
-Eh bien petite, prendre soin de moi. Et, qui plus est, apprendre à vivre… J’ai pensé à un être non accompli, c’est un peu comme si je me mariais avec une jeune fille sans risquer de me marier avec… Tout nouveau sera le fait de voyager avec elle, lui apprendre à s’habiller, la faire profiter de commodités qu’elle ignore et, enfin, découvrir son intimité, si fermée ; d’entendre l’aveu de la tendresse qu’elle a éprouvée envers moi durant toute sa vie, y compris du temps où toi, me rendant une des rares visites à mon bureau, tu me disais qu’il s’agissait de la secrétaire idéale pour moi, car, sans être laide, elle était la preuve vivante de l’ « anti-charme »/du « tue-l’amour ».

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