mercredi 17 août 2011

Mon bilan d'année, par Perrine Huet

Environ huit mois, deux cent quarante-quatre jours, cinq mille huit cent cinquante-six heures. Dernière vérification avant d’envoyer les cent cinquante mille signes. La boucle est bouclée. Un sentiment de soulagement m’a envahie lorsque j’ai pesé mes deux paquets à la poste et lorsque je les ai glissés dans la boîte aux lettres. La sensation d’avoir donné le meilleur de moi-même durant cette année universitaire, oscillant entre remises en question et prises de confiance.
Le début de cette expérience remonte à la fin de l’été dernier, à l’instant où j’ai appris que de candidate sur liste d’attente je passais à étudiante du Master 2 Professionnel Métiers de la traduction. C’est à partir de ce jour-là que j’ai su qu’un livre m’attendait quelque part et qu’il allait devenir mon compagnon de route tout au long de l’aventure.
Au mois de décembre, après de longues heures passées à lire des incipit afin de dénicher « le » roman qui ferait toute la différence, j’ai enfin mis la main dessus. Le choix de l’œuvre semblait être la moitié du travail à fournir, c’est donc pour cette raison que je ressentais une immense pression flotter au-dessus de moi. J’ai fini par arrêter mes recherches au bout de quelques semaines car plus je tournais de pages, plus le doute s’installait. Ainsi, c’est Javier García Sánchez qui allait me suivre au cours de ces mois de traduction.
La première lecture que j’en ai faite m’a au départ ravie, car j’avais une très grande hâte d’entamer le débroussaillage. Mais plus j’avançais et moins j’étais convaincue d’avoir fait le bon choix, les difficultés se révélant au fil des chapitres. Pourtant, j’étais persuadée que cet ouvrage avait un intérêt à être traduit et qu’il soulevait de nombreux points dignes d’être traités. J’ai alors commencé le premier jet avec enthousiasme et découvert un texte tout à fait pertinent du point de vue syntaxique, humoristique et du point de vue des registres de langue. En revanche, le vocabulaire utilisé était particulièrement littéraire, ce qui m’a contraint à employer une énergie importante dans la recherche lexicale, tâche peu enrichissante à mes yeux. Ensuite, j’ai opéré les 2e, 3e, 4e, 5e jet…, avec un rapport au texte variant selon les jours : parfois je me demandais ce qui m’avait poussé à opter pour ce roman, découragée par certaines tournures de phrases, certains jeux de mots, d’autres fois j’étais portée par la beauté de la syntaxe et du message que l’auteur voulait faire passer. Ces humeurs diverses m’ont permis de prendre conscience de l’importance de s’approprier le texte, de le posséder du début à la fin, en cherchant toutes les nuances qui font de lui sa richesse et sa complexité. Les personnages sont devenus petit à petit mes personnages, comme si je les connaissais par cœur, comme s’ils étaient le produit de mon imagination, comme si leur voix ne faisaient qu’une avec la mienne.
Les périodes de découragement que j’ai pu traverser ont toujours alterné avec les instants de satisfaction lorsque je trouvais une solution à un problème que je laissais traîner depuis quatre-cinq jets. Grâce à cette première expérience de traduction longue, je me suis rendu compte que la fameuse politique du « laisser reposer » fonctionnait réellement, que certaines casseroles qui semblaient impossibles à résoudre en premier lieu n’étaient finalement qu’une étape de plus à surmonter, que la réponse était parfois sous nos yeux depuis le départ et qu’une prise de distance était nécessaire pour qu’elle nous apparaisse clairement.
Maintenant que je suis presque arrivée au bout de l’aventure, j’ai le sentiment d’avoir franchi un nouveau cap, malgré les nombreux obstacles qui se sont mis sur mon chemin. Je suis heureuse d’avoir mené à terme ce projet, même si l’impression d’inachevé flotte dans l’air, et même si la sensation de pouvoir améliorer encore et encore ce travail me hante. Nous verrons ce qu’il en est en septembre…

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