vendredi 11 novembre 2011

Version de CAPES, 21 (à rendre pour le 16 novembre)

Gradualmente, el hermoso universo fue abandonándolo; una terca neblina le borró las líneas de la mano, la noche se despobló de estrellas, la tierra era insegura bajo sus pies. Todo se alejaba y se confundía. Cuando supo que se estaba quedando ciego, gritó; el pudor estoico no había sido aún inventado y Héctor podía huir sin desmedro. Ya no veré (sintió) ni el cielo lleno de pavor mitológico, ni esta cara que los años transformarán. Días y noches pasaron sobre esa desesperación de su carne, pero una mañana se despertó, miró (ya sin asombro) las borrosas cosas que lo rodeaban e inexplicablemente sintió, como quien reconoce una música o una voz, que ya le había ocurrido todo eso y que lo había encarado con temor, pero también con júbilo, esperanza y curiosidad. Entonces descendió a su memoria, que le pareció interminable, y logró sacar de aquel vértigo el recuerdo perdido que relució como una moneda bajo la lluvia, acaso porque nunca lo había mirado, salvo, quizá, en un sueño., El recuerdo era así. Lo había injuriado otro muchacho y él había acudido a su padre y le había contado la historia. Éste lo dejó hablar como si no escuchara o no comprendiera y descolgó de la pared un puñal de bronce, bello y cargado de poder, que el chico había codiciado furtivamente. Ahora lo tenía en las manos y la sorpresa de la posesión anuló la injuria padecida, pero la voz del padre estaba diciendo: "Que alguien sepa que eres un hombre", y había una orden en la voz. La noche cegaba los caminos; abrazado al puñal, en el que presentía una fuerza mágica, descendió la brusca ladera que rodeaba la casa y corrió a la orilla del mar, soñándose Ayax y Perseo y poblando de heridas y de batallas la oscuridad salobre. El sabor preciso de aquel momento era lo que ahora buscaba; no le importaba lo demás: las afrentas del desafío, el torpe combate, el regreso con la hoja sangrienta.

J.L., Borges, « El hacedor »

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Hélène nous propose sa traduction :

Progressivement, le bel univers l’abandonnait; un brouillard persistant effaça les lignes de sa main, la nuit se dépeupla d’étoiles, la terre était mouvante sous ses pieds. Tout s’éloignait et se confondait. Quand il sut qu’il devenait aveugle, il cria ; la pudeur stoïque n’avait pas encore été inventée et Héctor pouvait fuir sans qu’il n’y ait de conséquence. Je ne verrai plus (il sentit) ni le ciel plein de terreur mythologique, ni ce visage que les années transformeront. Des jours et des nuits glissèrent sur le désespoir de sa chaire, mais un matin, il se réveilla, il regarda (maintenant sans éprouver d’étonnement) les choses floues qui l’entouraient et de manière inexplicable, il eut le sentiment, comme quelqu’un qui reconnaît une musique ou une voix, qu’il avait déjà vécu tout cela et qu’il y avait face avec peur, mais aussi avec joie, espoir et curiosité. Il fouilla alors dans sa mémoire, qui lui parut infinie, et il réussit à extraire de ce vertige le souvenir perdu qui luisit comme une pièce sous la pluie, sans doute parce qu’il ne l’avait jamais regardé, sauf, peut-être, en rêve. Ce souvenir était le suivant : un autre garçon l’avait insulté, il était allé voir son père et lui avait raconté l’histoire. Celui-ci le laissa parler comme s’il n’écoutait pas ou ne comprenait pas, puis il décrocha du mur un poignard en bronze, beau et chargé de pouvoir, que le garçon avait convoité secrètement. Maintenant il le tenait dans ses mains, la surprise provoquée par la possession annula l’affront subi, mais la voix du père disait : « pour que quelqu’un sache que tu es un homme », et il y avait un ordre dans la voix. La nuit rendait les chemins invisibles ; serrant contre lui ce poignard, dont il pressentait le pouvoir magique, il descendit le talus abrupt qui entourait la maison et courut au bord de la mer, se prenant pour Ajax et Persée, en peuplant l’obscurité saumâtre de blessures et de batailles. La saveur particulière de ce moment était ce que maintenant il cherchait ; le reste lui était égal : les affronts du défi, le combat maladroit, le retour avec la lame ensanglantée.

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Elena nous propose sa traduction :

Progressivement, le bel univers l’abandonna ; une brume récalcitrante lui effaça les lignes de la main, la nuit fut désertée par les étoiles, la terre sous ses pieds était instable. Tout s’éloignait et tout était trouble. Dès qu’il apprit qu’il devenait aveugle, il cria ; on n’avait pas encore inventé la pudeur stoïque, et Hector pouvait fuir sans déchoir. Je ne verrai plus (pressentit-il) ni le ciel empli d’effroi mythologique, ni ce visage que les années transformeront. Des jours et des nuits passèrent sur son désespoir charnel, mais un jour, il se réveilla, il regarda (désormais, sans aucun étonnement) les choses diffuses qui l’entouraient et inexplicablement, il sentit, comme celui qui reconnaît une musique ou une voix, que tout cela lui était déjà arrivé et qu’il l’avait affronté avec crainte, mais aussi avec joie, espoir et curiosité. Alors, il descendit dans sa mémoire, qui lui sembla infinie, et il réussit à extraire de ce vertige le souvenir égaré, lequel scintilla comme une pièce de monnaie sous la pluie, peut-être parce qu’il ne l’avait jamais regardé, hormis, possiblement, dans un rêve. Le souvenir était ainsi : un autre garçon l’avait offensé et il était allé voir son père et lui avait fait part des faits. Celui-ci l’avait laissé parler comme s’il n’entendait pas ou s’il ne comprenait pas et il décrocha du mur un poignard en bronze, beau et chargé de pouvoir, que l’enfant avait convoité furtivement. À présent, il l’avait entre ses mains et la surprise de sa possession annula l’injure subie, sauf que la voix de son père disait : « Que l’on sache que tu es un homme », et dans la voix il y avait un ordre. La nuit aveuglait les chemins ; embrassant le poignard qu’il soupçonnait doté d’une force magique, il descendit la pente abrupte entourant la maison et il courut vers le bord de la mer, en s’imaginant tel Ajax et Persée, et en peuplant de blessures et de batailles l’obscurité saumâtre. La saveur précise de cet instant était ce qu’il recherchait aujourd’hui ; tout le reste lui importait peu : les affronts du défi, le combat maladroit, le retour avec la lame ensanglantée.

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Irène nous propose sa traduction :

Petit à petit, le bel univers l'abandonna ; un brouillard tenace effaça les lignes de sa main, la nuit perdit des étoiles ; sous ses pieds, la terre était instable. Tout s'éloignait et se confondait., Lorsqu'il apprit qu'il devenait aveugle, il cria ; la pudeur stoïque n'avait pas encore été inventée et Hector pouvait fuir sans déchoir. Je ne verrai plus (ce fut son sentiment), ni le ciel empli de frayeur mythologique, ni ce visage qui sera transformé par les années. Des jours et des nuits passèrent sur ce désespoir incrusté dans sa chair, mais un matin il se réveilla, il regarda (sans plus aucun étonnement) les objets flous qui étaient autour de lui, et inexplicablement, il sentit, tel celui qui reconnaît une musique ou une voix, que tout cela était déjà arrivé et qu'il l'avait affronté avec crainte mais également avec jubilation, espoir et curiosité. Alors, il s'enfonça dans sa mémoire, qui lui sembla infinie et il réussit à extraire de ce vertige, le souvenir perdu qui se mit à briller comme une pièce de monnaie sous la pluie, sans doute parce que jamais il ne l'avait regardé si ce n'est en rêve, peut-être. Le souvenir était ainsi. Il avait été injurié par un autre garçon et avait fait appel à son père à qui il avait raconté l'histoire. Celui-ci le laissa parler, faisant semblant de ne pas écouter pas ou de ne pas comprendre et décrocha du mur un beau poignard en bronze aux pouvoirs magiques, que l'enfant avait convoité furtivement. Maintenant, il l'avait entre les mains et la surprise de la possession annula l'offense subie, mais la voix de son père disait : « Que quelqu'un sache que tu es un homme » et dans la voix, il y avait une injonction. La nuit obstruait les chemins ; étreignant son poignard dont il pressentait la force magique, il descendit la pente abrupte qui entourait la maison et courut jusqu'au bord de la mer, se prenant pour Ajax et Persée et peuplant l'obscurité saumâtre de blessures et de batailles. La saveur précise de ce moment-là, voilà ce qu'il cherchait maintenant ; le reste ne lui importait pas : l’opprobre du défi, le combat maladroit, le retour avec la lame sanguinolente.

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