mardi 22 janvier 2013

Exercice d'écriture 9 – par Élise Poullain

« Description d’un tableau »

Je me promène, avec nonchalance, dans les rues humides de cette ville si grise. Les pavés défilent et les nuages glissent. Les gouttes martèlent mon parapluie, berçant la douce dérive de mon esprit distrait. Les vitrines se suivent dans une farandole de futilité et laissent mon regard les caresser sans les toucher. Des pensées floues et des idées vaporeuses, j’ai la tête ailleurs, je suis d’une humeur brumeuse. Lorsque tout à coup, mon attention s’accroche à ce visage. À travers la vitre trouble de cette galerie oubliée, elle me fixe et me fige en un instant. Rien pourtant ne semble s’accorder, ce visage, simple et blanc, à demi-masqué, contraste avec l’arrière-plan orange ardent. Il est géométrique, et le menton, pointu. L’œil apparent est noir, profond, triste et résolu en même temps. Une écorce, comme un dôme de pierre recouvre la moitié du visage. La texture fissurée se heurte à sa couleur bleue électrique, intense et mécanique. Les tons sont vifs, attaquent l’œil, et pourtant, la sensation dégagée reste timide et indécise. La bouche n’exprime rien sinon la neutralité, ou la lassitude. Il n’y a pas de titre, ni aucun nom d’artiste. Le mystère reste entier, me laisse imaginer le passé de cette toile, l’énigme de sa création. Elle n’a pas de cou. Cette pauvre tête flotte dans cet immense orange psychédélique, à moitié aveugle. Qu’a-t-on voulu imager ? Peu importe. Seule compte la sensation, l’indescriptible singularité qui a mis fin à mes rêveries automnales sans crier gare. Je passe devant tous les jours, et la couche de poussière recouvrant la toile m’indique qu’elle n’a pas bougé depuis longtemps. Mais aujourd’hui, rien qu’aujourd’hui, cet œil m’a captivée. Parfois, l’important, c’est le cadre. 

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