lundi 30 décembre 2013

Exercice d'écriture 10 – par Marie

« Dans la gueule du loup »

La pluie et le vent nous glaçaient les os, mais nous n’avions pas le choix : il nous fallait continuer cette marche nocturne si pénible. Pour seul éclairage : le croissant de lune que les nuages inquiétait. Pour seule compagnie : le bruit de nos pas sur les branchages qui jonchaient le sol et le frémissement des feuilles dans les arbres malmenées par le vent. Je n’ai jamais apprécié les films d’intrigue, de suspense ou d’horreur, pourquoi avait-il fallu que cela tombe sur nous ? James paraissait calme et serein mais je connaissais bien son regard et je savais qu’il n’était pas plus rassuré que moi. Aucune lueur à l’horizon et nous marchions maintenant depuis plus d’une demi-heure, j’avais peur, j’étais fatiguée et j’avais si mal au ventre… « Allez, chéri, courage, en marchant vers le Nord, nous finirons forcément par trouver quelque chose, quelqu’un, ne t’inquiète pas ». Si seulement je pouvais le croire mais je n’étais même pas sûre qu’il sache vraiment où se trouvait le Nord. Moi, je serais partie dans l’autre sens et je commençais à me dire que j’avais eu tort de me laisser convaincre, que nous aurions dû faire les choses à ma façon. Nous avions abandonné la voiture dans le fossé dans lequel nous étions tombés et, après avoir attendu un bon quart d’heure le passage d’une autre voiture, et donc d’un autre conducteur qui aurait pu nous aider, nous nous étions mis à marcher droit en direction de ce bois qui n’en finissait pas… Pourquoi James avait-il oublié son portable ? Lui pourtant toujours si prévoyant ? Et moi, je n’avais plus de batterie au mien, c’était toujours comme ça ! J’avais mal au ventre, j’étais trempée, j’avais mal, j’avais peur, j’avais mal et je lui en voulais de ne pas trouver de solution plus rapide ! James s’arrêta net, un cri nous parvenait, il était sourd et lointain mais il se répétait : s’agissait-il d’un cri animal ? Ou d’un cri humain ? Nous n’aurions su le dire. Nous avons repris notre marche, ma main fermement tenue par celle de James, le cri se faisant de plus en plus net : c’était un cri animal : plus de doute ! Un chien ? Après tout, nous nous trouvions dans une région très isolée pleine de champs, de bois et de fermes… bref, la campagne, les chiens étaient donc tout ce qu’il y avait de plus normal. Mais enfin, ce cri ne ressemblait pas complétement à celui d’un chien… Peut-être était-ce celui d’un loup ? Que pourrait bien faire un loup par ici ? James, qui jusqu’à cet instant avait feint le calme pour me rassurer, ne cachait plus du tout son inquiétude. « C’est un cri de chien ou de loup, à ton avis ? ». Il dû voir dans mon regard que je lui en voulais de poser cette question.

James, de son côté, ne pouvait s’empêcher de repenser à un article qu’il avait sur google news la veille :
Un loup gris européen âgé de 6 ans s’est échappé du parc des loups de Chabrières suite à un acte de vandalisme sur la grille de son enclos.
En passant devant le panneau de publicité du parc une heure auparavant, il avait hésité à couper la conversation qu’il avait avec Blanche pour lui rapporter sa lecture, puis, s’était dit que c’était inutile, car complétement anodin. Enfin, hier matin, bien au chaud dans son salon, le nez devant son écran d’ordinateur, c’était complétement anodin… Ce soir, c’était très différent. Il voyait bien que sa femme avait mal au ventre, qu’elle avait été très secouée par l’accident, qu’elle était fatiguée et maintenant inquiète également par ce cri animal qui raisonnait de façon de plus en plus hostile. Il savait que Blanche devait lui en vouloir d’avoir pris cette direction plutôt que d’attendre comme elle l’avait préconisée à côté de la voiture ou d’aller justement dans la direction inverse. Il la connaissait bien, elle lui en voulait. Il savait pourtant parfaitement où était le Nord contrairement à ce que Blanche pensait, elle qui n’avait aucun sens de l’orientation. Mais c’était une femme tellement sûre d’elle, que même lorsqu’elle ne savait pas, on avait l’impression du contraire, elle le faisait douter très souvent. « James, j’ai trop peur, le cri vient de là, on ne peut pas continuer à aller dans cette direction », je la tenais fermement par le bras. Hors de question de faire demi-tour, le cri venait de là, c’était certain, mais il m’avait semblé apercevoir une lumière également, une lumière fixe et légèrement en hauteur, il devait s’agir d’une habitation et il fallait continuer, nous n’avions pas le choix « Blanche, nous y sommes presque, tu vois cette lumière là-bas ? ». Elle ne semblait rien voir du tout ; elle était de bien plus petite taille que moi et ne devait pas percevoir les mêmes choses. Je lui fis la courte échelle près d’un arbre et son visage s’éclaira un peu… Mais en redescendant elle fit un malaise et je dus amortir sa chute. « Blanche ! Blanche ! ». Oh non ! Pas ça ! Je lui mis les jambes en l’air, lui tapotai les joues, lui fis du bouche à bouche, et un massage cardiaque… Enfin, tout ce que mes maigres connaissances en matière de secourisme me permettaient de faire, mais rien ne semblait vouloir lui faire reprendre connaissance. Pourtant, elle respirait toujours, un léger souffle sortait de ses narines. Je n’avais d’autre choix que de la porter et de rejoindre au plus vite cette lumière, signe de vie dans ce désert nocturne angoissant. Je me mis alors à marcher aussi vite que possible, Blanche dans les bras. Le cri animal avait cessé mais je n’aurais su dire si cela me rassurait ou m’effrayait plus encore. Je me rapprochais de la fameuse intensité lumineuse repérée une demi-heure plus tôt… Blanche était toujours inconsciente. Mes forces s’amoindrissaient, j’avais soif et j’étais exténué, mais j’étais poussé par une force à continuer encore et encore. Quand je fus enfin sur le perron de l’habitation, je me mis à frapper la porte à coup-de-poing. Un homme, de petite stature, aux cheveux foncés, le visage marqué par le temps et les vicissitudes de l’existence m’ouvrit la porte. Son regard clair et bienveillant me rassura, il allait s’occuper de nous, je pouvais me reposer.


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