dimanche 30 mars 2014

Exercice d'écriture 16 – par Sarah

« Philtres »


Tu regarde par la fenêtre en espérant trouver l'inspiration dans les nuages rosés par le soleil couchant. Tu dois rendre ta dissertation demain et te retrouves face à une feuille blanche, comme tous les dimanche soir après le dîner. Cette fois-ci, Madame Sernillon y est allée fort : « Les contes merveilleux, un genre toujours d'actualité ? », voilà un sujet comme tu les détestes. À dix-sept ans, tu penses avoir passé l'âge des contes de fée, il n'y a pas plus ringard... Tu fais le vide dans ta tête, car tu ne sois pas te laisser distraire si tu veux avoir une chance de fermer l’œil cette nuit, aussi ta priorité est désormais d'établir un plan. Dès lors que tu l'auras déterminé, tu n'auras plus qu'à te laisser guider par ton imagination, si tant est qu'il t'en reste un peu. Tu fixes la feuille du regard, l'angoisse monte progressivement. De nouveau, ton regard bascule vers l'extérieur car un mouvement a attiré ton attention. Quelqu'un marche dans la rue, c'est Tom qui promène son chien. Toi aussi, tu aurais aimé en avoir un, non pas que tu te sois prise d'affection pour ces boules de poil puantes, mais devoir sortir le chien signifierait ne pas avoir sans arrêt à chercher des excuses pour obtenir l'autorisation de sortir de la maison et bavarder un moment avec Tom. Quoi qu'il en soit, la question ne se pose pas car ton adorable petite sœur est allergique à tout ce qui peut avoir des poils. Sans même t'en rendre compte, tu as commencé à griffonner quelques mots sur ta feuille. C'est un début, une ébauche de plan, et avec tous les éléments dont tu disposes arrive l'éternelle question qui se répète chaque semaine : un développement en deux ou trois parties ? Comme la norme veut qu'il y en ait trois, tu optes pour cette solution, sachant pertinemment que tu n'as que deux idées à développer. Qu'à cela ne tienne, tu en trouveras bien une troisième le moment venu. En bas, dans le salon, le bruit des assiettes t'indiquent que ta mère est en train de jeter les restes du repas et s'apprête à faire la vaisselle. Tu remarques en regardant par la fenêtre que la voisine en fait de même, Madame Sernillon est-elle aussi dans sa cuisine en ce moment ? A-t-elle des enfants ? Ces pensées te dérangent, tu n'arrives pas à imaginer ta prof de français dans son rôle de ménagère. Il est inconcevable que celle qui parle à longueur de temps de liberté et d'émancipation se trouve actuellement dans sa cuisine accoutrée d'un tablier, une assiette dans une main et un torchon dans l'autre. Ton esprit s'éparpille, le tablier de Madame Sernillon n'a rien à voir avec le fantastique et les contes de fée... Encore que... Non, tu es trop loin de ta dissertation, tu reviens à l'essentiel : déjà une page d'écrite, tu es la preuve vivante que les femmes peuvent faire deux choses à la fois. Mais voilà que ta soeur Agatha entre dans ta chambre sans avoir frappé à la porte. Elle vient te dire bonsoir et t'a amené un cadeau, un petit bocal avec une sorte de liquide jaunâtre dans lequel baignent des feuilles et des herbes parmi lesquelles il te semble reconnaître le persil du plat de ce soir. « C'est un philtre d'amour que tu dois faire boire à quelqu'un pour qu'il tombe amoureux de toi ». Elle t'embrasse, sort de la chambre et referme la porte derrière elle. Tu poses le récipient sur ton bureau et l'observe en souriant car tu as trouvé une conclusion pour ta dissertation.

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